PKO 01.09.2013
Dimanche 1er septembre 2013 – XXIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année C
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°48/2013
HUMEURS
« Que cesse le bruit des armes ! »
Dimanche dernier, le pape François a lancé un appel pressant à la communauté internationale au sujet de la Syrie : « Que cesse le bruit des armes ! »
Un appel qui, s’il semble trouver un écho dans les populations, ne semble pas avoir beaucoup d’effet chez les dirigeants de nos pays.
L’appel à la guerre avec des justifications toutes plus belles et morales les unes que les autres… or « ce n'est pas l'affrontement qui offre des perspectives d'espérance pour résoudre les problèmes, mais c'est la capacité de rencontre et de dialogue ».
L’hypocrisie occidentale ne semble pas avoir de limite… on s’offusque des massacres en oubliant qu’une grande partie des armes utilisées sont « made in » U.S.A., France…! La dictature syrienne, pas plus que les autres ne sont nouvelles, leurs exactions non plus… ce qui a changé, c’est que le citron est pressée et nous n’avons plus rien à en tirer ! Alors faisons le ménage et mettons en place d’autres régimes qui nous seront reconnaissants et nous permettrons de les exploiter autrement !
Les « va-t’en guerre » ne sont que des manipulateurs qui cherchent leurs intérêts en nous faisant croire à la noblesse de leurs intentions… Bien souvent les médias les appuient quand ils ne leur font pas allégeance…
Une espérance… les populations semblent ne plus être dupes… les mensonges d’État qui ont justifié la guerre d’Irak et ont conduits à l’impasse irakienne actuelle ont éveillé les consciences.
Le patriarche de Babylone des Chaldéens, Louis Raphaël I Sako n’hésite pas à dire qu’une intervention contre la Syrie constituerait « un malheur : Cela équivaudrait à faire exploser un volcan. L’explosion serait destinée à emporter l’Irak, le Liban, la Palestine et peut-être quelqu’un recherche-t-il justement cela ».
« La violence n’est pas la réponse. Cherchons à fournir une possibilité à la paix » En Syrie, des religieux et religieuses de différentes confessions ont instauré une adoration eucharistique nocturne incessante pour « implorer la paix et bloquer le terrorisme »… unissons-nous à leur prière… prions pour la paix…
Maria no te Hau, priez pour nous !
En marge de l’actualité
La clef de la paix selon le Pape François
Devant les souffrances endurées par un grand nombre de populations, face aux guerres, aux actes terroristes, aux foyers de tensions… que ce soit en Syrie, en Égypte, au Mali, au Nigeria, en République Centrafricaine, en R.D. Congo, en Palestine, en Irak ou en Corée… les responsables des Églises chrétiennes multiplient leurs appels à la négociation, à la recherche de solutions politiques, au dialogue. Le Pape François ne ménage pas sa peine tant par ses appels que par des actions diplomatiques.
Peu après son élection, à la fête de Pâques, le pape évoquait l'entrée de « la Syrie bien-aimée » dans une troisième année d'un conflit devenu guerre civile : « Que de sang a été versé ! Et que de souffrances devront encore être infligées avant qu'on réussisse à trouver une solution politique à la crise ? », a-t-il demandé. Et à propos du conflit Israëlo-Palestinien le Saint Père priait pour que les parties empruntent : « la route de la concorde, pour mettre fin à un conflit qui dure désormais depuis trop de temps ».
Le dimanche 2 juin, célébrant une messe en présence de parents de soldats italiens tués en Afghanistan et de blessés de guerre, il disait : « La guerre est le suicide de l’humanité parce qu’elle tue le cœur et tue l’amour ».
Récemment, le 21 août, s'adressant à 200 étudiants japonais et à leurs professeurs, le Pape François présentait le dialogue comme « une aventure tellement belle ! » : « Et vous savez quoi ? Un tel dialogue, c’est cela qui fait la paix… Le repli sur nous peut engendrer incompréhensions et luttes. Toutes les guerres, toutes les luttes, tous les problèmes qui ne se résolvent pas, sont dus à un manque de dialogue » Et le pape de conclure, comme un appel lancé à tous les hommes : « Quand il y a un problème : dialogue ! C’est cela qui fait la paix ! ».
Nous le savons très bien que la clef de la Paix est le dialogue, c'est un exercice quotidien qu'il faudrait pratiquer en famille, à l'école, au travail, dans nos associations, en politique... une habitude à prendre pour assurer la paix sociale et la paix mondiale.
Dominique SOUPÉ - Chancelier
« J’ai fait un rêve » - « I have a dream »
Discours prononcé par martin Luther King au lincoln Mémorial le 28 aout 1963
Voici le discours prononcé par le Pasteur Martin Luther King le 28 août 1963… du chemin parcouru… mais il en reste encore beaucoup… les opprimés aujourd’hui sont de toutes races et tout peuples… le moment est venu pour les laisser pour compte de notre société…
Je suis heureux de participer avec vous aujourd'hui à ce rassemblement qui restera dans l'histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connu en faveur de la liberté. Il y a un siècle de cela, un grand américain qui nous couvre aujourd'hui de son ombre symbolique signait notre acte d'émancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l'espérance aux yeux de millions d'esclaves noirs marqués au feu d'une brûlante injustice. Ce fut comme l'aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité.
Mais cent ans ont passé et le Noir n'est pas encore libre. Cent ans ont passé et l'existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination ; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l'île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle ; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays.
C'est pourquoi nous sommes accourus aujourd'hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En ce sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui forment notre constitution et notre déclaration d'indépendance, les architectes de notre république signaient une promesse dont héritaient chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Il est aujourd'hui évident que l'Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d'honorer son obligation sacrée, l'Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur ; un chèque qui est revenu avec la mention « Provisions insuffisantes ». Nous ne pouvons croire qu'il n'y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.
Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à l'Amérique les exigeantes urgences de l'heure présente. Il n'est plus temps de se laisser aller au luxe d'attendre ni de pendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie ; le moment est venu d'émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale ; le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l'injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité ; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d'ignorer qu'il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu'advienne un automne vivifiant de liberté et d'égalité.
1963 n'est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de laisser fuser la vapeur et se montrera désormais satisfait se préparent à un rude réveil si le pays retourne à ses affaires comme devant.
Il n'y aura plus ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir n'aura pas obtenu ses droits de citoyen.
Les tourbillons de la révolte continueront d'ébranler les fondations de notre nation jusqu'au jour où naîtra l'aube brillante de la justice.
Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d'agissements répréhensibles.
Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe de l'amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l'âme à la force matérielle.
Le merveilleux militantisme qui s'est nouvellement emparé de la communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les Blancs. Comme l'atteste leur présence aujourd'hui en ce lieu, nombre de nos frères de race blanche ont compris que leur destinée est liée à notre destinée. Ils ont compris que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté. L'assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l'injustice doit être mené par une armée biraciale. Nous ne pouvons marcher tout seuls au combat. Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer d'aller de l'avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il en est qui demandent aux tenants des droits civiques : « Quand serez vous enfin satisfaits ? » Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le Noir sera victime des indicibles horreurs de la brutalité policière.
Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps recrus de la fatigue du voyage ne trouveront pas un abris dans les motels des grand routes ou les hôtels des villes. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d'aller d'un petit ghetto à un ghetto plus grand.
Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui indiquent : « Seuls les Blancs sont admis. » Nous ne pourrons être satisfaits tant qu'un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu'un Noir de New York croira qu'il n'a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable.
Je n'ignore pas que certains d'entre vous ont été conduits ici par un excès d'épreuves et de tribulations. D'aucuns sortent à peine de l'étroite cellule d'une prison. D'autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d'être battus par les tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la brutalité policière. Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tache, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption.
Retournez au Mississippi ; retournez en Alabama ; retournez en Caroline du Sud ; retournez en Géorgie ; retournez en Louisiane, retournez à vos taudis et à vos ghettos dans les villes du Nord, en sachant que, d'une façon ou d'une autre cette situation peut changer et changera. Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir.
Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd'hui et demain, je fais pourtant un rêve. C'est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux. »
Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que, un jour, l'État du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l'injustice, tout brûlant des feux de l'oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd'hui un rêve !
Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots « interposition » et « nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd'hui un rêve !
Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une pleine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois.
Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud.
Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un caillou d'espérance. Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité. Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d'aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle – « Mon pays c'est toi, douce terre de liberté, c'est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil du pèlerin, au flanc de chaque montagne que sonne la cloche de la liberté » - et si l'Amérique doit être une grande nation, il faut qu'il en soit ainsi. Aussi faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire.
Faites la sonner sur les puissantes montagnes de l'État de New York. Faites la sonner sur les hauteurs des Alleghanys en Pennsylvanie. Faites la sonner sur les neiges des Rocheuses, au Colorado. Faites la sonner sur les collines ondulantes de la Californie. Mais cela ne suffit pas.
Faites la sonner sur la Stone Mountain de Géorgie. Faites la sonner sur la Lookout Mountain du Tennessee. Faites la sonner sur chaque colline et chaque butte du Mississippi, faites la sonner au flanc de chaque montagne.
Quand nous ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque État et dans chaque cité, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les gentils, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux « spiritual » noir : « Libres enfin. Libres enfin. Merci Dieu tout-puissant, nous voilà libres enfin. »
Des heures critiques pour la Syrie
Le préfet de la Congrégation pour les Églises Orientales relance l’appel du Pape
Des signes clairs d'une attaque imminente sans attendre les vérifications de l'ONU sur l'utilisation d'armes chimiques
En ces heures dramatiques qui voient se multiplier les signes d'une possible attaque militaire en Syrie de la part de puissances occidentales et pas seulement, les voix de paix et même les rappels au droit international menacent de demeurer vains. Pourtant, c'est précisément en ces heures qu'il serait encore plus nécessaire de mener une réflexion constructive sur l'appel lancé par le Pape François au cours de l'Angelus de dimanche à la communauté internationale afin qu'elle « consacre tout son engagement à aider la bien-aimée nation syrienne à trouver une solution à une guerre qui sème la destruction et la mort ».
Dans une déclaration relâchée aujourd'hui à notre journal, le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, affirme « qu'en ces heures d'angoisse, s'intensifie la prière pour la situation en Syrie, qui s'est aggravée dans le contexte délicat du Moyen-Orient, avec des blessures ouvertes en Égypte, en Irak et dans d'autres régions ». « Le cœur s'ouvre aux chrétiens de toute confession et à tous ceux qui croient en l'unique Dieu – conclut la déclaration – afin que l'exigence supérieure de paix et de vie pour le Moyen-Orient prévale sur tout autre intérêt ou ressentiment personnel. Que prévalent sur toute autre raison pour la communauté internationale la justice, la réconciliation et le respect solidaire des droits personnels et sociaux, également religieux, de toutes les composantes de la population du Moyen-Orient, sans aucune distinction ».
Presque toutes les sources médiatiques considèrent comme certaine l'attaque et attribuent l'incertitude même du président Barack Obama à des considérations touchant davantage l'opportunité politique que le fond. La Maison Blanche a quoi qu'il en soit répété hier encore que Barack Obama n'a encore pris aucune décision et que, dans tous les cas, les États-Unis ne se fixent pas comme objectif d'intervenir dans la guerre civile syrienne et de renverser le président, Bashar Al Assad. Le point crucial réside dans les présumées preuves de la responsabilité attribuée à Assad dans l'attaque chimique perpétrée le 21 août. Le secrétaire d'État américain, John Kerry, a parlé lundi soir de preuves fournies par des sources des services secrets, mais il a également déclaré que les réactions se sont basées sur des images diffusées par l'opposition syrienne sur les réseaux sociaux. C'est dans la même ligne que se situent le premier ministre britannique David Cameron et le président français, François Hollande – qui s'est également déclaré prêt à fournir davantage d'armes aux rebelles syriens – ainsi que les gouvernements de Turquie, d'Australie et d'autres pays. La Ligue arabe a également émis des accusations contre Assad, dans un communiqué diffusé hier au Caire. Selon des sources diplomatiques, cette prise de position a été encouragée par l'Arabie saoudite et le Qatar.
Ces certitudes ne semblent pas non plus être ébranlées par les précédents historiques – des preuves d'armes chimiques en possession de l'Irak, s'étant ensuite révélées fausses, furent adoptées pour justifier l'intervention anglo-américaine de 2003 – ni par les considérations avancées par les divers observateurs et par certains gouvernements sur la possibilité d'une manipulation médiatique, ni même par les perplexités sur le fait que le gouvernement de Damas, au moment même où l'armée remportait contre les rebelles des victoires considérées désormais comme décisives par la majorité des observateurs, a franchi la « ligne rouge » en utilisant des armes chimiques. Entre temps, certains semblent considérer comme insignifiantes les inspections que l'ONU conduit actuellement en Syrie. Le porte-parole de l'ONU, Farhan Haq, a rappelé que « si un État a des informations à ce sujet, il doit les partager avec la mission des inspecteurs ».
Moscou insiste sur les graves conséquences d'une attaque en Syrie. « Toute utilisation de la force militaire contre la Syrie ne fera que déstabiliser encore plus le pays et la région », a déclaré le ministre des affaires étrangères, Serghiei Lavrov, lors d'une conversation téléphonique avec l'envoyé en Syrie de l'ONU et de la Ligue arabe, Brahimi. Selon un communiqué ministériel russe, les deux hommes « se sont déclarés d'accord sur le fait qu'en ce moment critique, toutes les parties, y compris les "joueurs" extérieurs, doivent agir avec la plus grande responsabilité, sans répéter les erreurs du passé ».
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La Cathédrale Un lieu liturgique
La cathédrale n'est pas qu'un monument, historique souvent, dans la cité ou une œuvre architecturale marquante. Elle a d'abord une fonction liturgique et symbolique forte pour le diocèse et son évêque. La mise en œuvre de la réforme liturgique à la suite du concile Vatican II a permis au peuple chrétien de se réapproprier la cathédrale et d'en retrouver le chemin pour vivre les grandes célébrations liturgiques présidées par l'évêque. Depuis la fin du xxe siècle, une cathédrale a été construite en France, celle d'Évry, une autre a vu sa façade achevée (Lille) et actuellement au moins deux autres connaissent des rénovations et transformations importantes (Créteil et Nanterre). C'est dans le cadre de la cathédrale de Créteil que le frère Patrick Prétot, osb, ancien directeur de l'Institut supérieur de Liturgie de l'Institut catholique de Paris, a prononcé, fin novembre 2012, la conférence qui suit. Il nous invite à méditer sur le lieu liturgique de la cathédrale où l'évêque exerce le « ministère de la communauté », avec les prêtres et les diacres ainsi que l'assemblée des fidèles, manifestation du Corps du Christ. C'est à la lecture du Cérémonial des évêques (1984) et du Rituel de la dédicace des églises (1988), qu'il nous fait entrer dans cette signification liturgique de la cathédrale.
C’est la cathédrale qui nous réunit ce jour. La cathédrale de Créteil sans doute, mais aussi la cathédrale en tant que lieu symbolique au sens fort, c'est-à-dire à la fois monument cultuel et culturel, centre d'une communauté chrétienne mais aussi repère dans la ville, pont entre le passé et l'avenir. Pour ma part, il me revient de l'aborder comme lieu liturgique. En effet, avant d'être un monument dans la cité, et parfois d'être un monument historique de la cité, avant d'être une œuvre architecturale, la cathédrale est avant tout un lieu liturgique. Elle doit même son nom à la liturgie si l'on s'accorde sur le fait que la cathèdre est le siège où, dans l'Église de l'époque patristique, l'évêque s'asseyait pour prêcher. Le mot « cathédrale » tire son origine d'un acte liturgique spécifique : la prédication épiscopale qui est l'expression du magistère doctrinal de l'évêque, la manifestation du premier des tria munera de l'évêque selon la Constitution sur l'Église de Vatican II :
« Ainsi donc, les évêques ont reçu, pour l'exercer avec l'aide des prêtres et des diacres, le ministère de la communauté. Ils président à la place de Dieu le troupeau, dont ils sont les pasteurs, par le magistère doctrinal, le sacerdoce du culte sacré, le ministère du gouvernement. »
Il y a donc un rapport étroit entre l'édifice, l'évêque en tant qu'il exerce le « ministère de la communauté » avec les prêtres et les diacres, et l'assemblée liturgique des fidèles, c'est-à-dire la manifestation en un lieu donné du Corps du Christ, l'assemblée des fidèles présidée par l'évêque, signe du Christ tête de l'Église, entouré du presbyterium.
Dans cette journée où il s'agit de s'entendre, au sens propre et aussi au sens figuré, sur ce que peut être une cathédrale aujourd'hui, il m'a semblé que la question posée invitait donc à prendre appui sur le Cérémonial des évêques de 1984 mais aussi le Rituel de la dédicace des églises. Cette option se veut en cohérence avec le propos : il s'agit des livres dans lesquels, à la fin du xxe siècle et à la suite de la réforme liturgique demandée par le concile Vatican II, l'Église catholique a exprimé comment la cathédrale était un lieu liturgique.
Le plan de l'exposé découlera par conséquent du sujet et de son approche. Dans un premier temps, en prenant appui sur le Cérémonial des évêques, il s'agira de considérer comment ce livre singulier exprime cet aspect spécifique de la cathédrale. Dans un second temps, je voudrais problématiser la question : nos cathédrales sont-elles vraiment des lieux liturgiques ? La réponse semble évidente mais à la manière d'un sed contra scolastique, je crois salutaire de mettre en question l'évidence. Et nous prendrons appui sur la prière de la dédicace des églises qui constitue une véritable charte de ce qu'est un lieu liturgique. Sur la base de cet approfondissement, la dernière partie voudrait décliner les aspects majeurs de la vie liturgique dans la cathédrale.
LA CATHÉDRALE
DANS LE CÉRÉMONIAL DES ÉVÊQUES DE 1984
Le Cérémonial des évêques de 1984 a été publié en latin le 15 septembre 1984, et sa traduction française en 1998. C'est bien plus qu'un livre liturgique spécifique réglant les cérémonies épiscopales. Il constitue sur le plan historique, mais avant tout sur celui de la théologie liturgique et de l'ecclésiologie, le point d'aboutissement et, pour une large part, la clé de voûte de la réforme liturgique de Vatican II. Il est aussi à sa manière une sorte de synthèse de la réforme liturgique de Vatican II : c'est dans cet ouvrage que l'on trouve les grands principes de la vie liturgique selon les normes révisées à la suite du concile Vatican II.
L'histoire de ce livre liturgique singulier, qui figure dans les préliminaires en tête de l'ouvrage est éclairante. Il trouve sa source dans les Ordines Romani, les documents qui, depuis la fin du VIle siècle, ont servi de moyens de transmission en Gaule des usages liturgiques romains. C'est le pape Clément VIII qui, dans le cadre de la réforme liturgique du Concile de Trente, en donne, le 14 juillet 1600, une édition structurée, dont la dernière version typique publiée en 1886 par Léon XIII (1878-1903) va demeurer en usage jusqu'au concile Vatican II. Car il convient de souligner que ce livre a connu de multiples ajustements au cours de l'histoire, notamment par le grand pape du XVIIIe siècle, Benoît XIV (1740-1758). Parce qu'il s'agit d'un livre de cérémonies et non d'un livre liturgique au sens propre (par exemple, le Missel), on n'a donc pas hésité à le réviser chaque fois que le besoin s'en faisait sentir. De ces brefs rappels, on peut tirer deux remarques.
Premièrement, l'époque moderne qui a vu l'institution de la Congrégation des Rites en 1588, a été l'occasion d'une centralisation progressive des décisions en matière rituelle au point que ce domaine se trouvait réservé au seul siège apostolique. Mais les époques plus anciennes n'avaient pas connu une telle centralisation : la liturgie était réglée par la coutume locale et on peut penser que les usages ont été assez variables selon les lieux. Les ordinaires des cathédrales anciennes permettent de voir comment les traditions locales façonnaient une symbiose entre l'expression religieuse et la culture d'un temps, d'une région voire parfois d'une cité.
Par ailleurs, et c'est le point le plus important, si on le compare à l'ancienne version, le Cérémonial de 1984 obéit à une logique renouvelée, fruit de la réinterprétation de la Tradition, et spécialement de l'ecclésiologie liturgique, qui a résulté des travaux de Vatican II. À nos yeux et surtout si on le compare à l'actuel, l'ancien Cérémonial présente en effet des lacunes étonnantes : on n'y trouve par exemple quasiment rien sur les grandes fonctions liturgiques présidées par l'évêque comme la confirmation, les ordinations ou la messe chrismale. Ce document privilégiait en effet la figure du pontife, présidant le collège de chanoines lors des fonctions liturgiques. Depuis l'époque médiévale, les livres liturgiques concentraient l'attention sur les fonctions et les personnes qui les accomplissent. À l'inverse, conformément à la structure même de la Constitution sur l'Église, dont le deuxième chapitre considère le peuple de Dieu, avant d'aborder (au chapitre III) « la constitution hiérarchique de l'Église et spécialement l'épiscopat », les livres liturgiques de Vatican II concentrent l'attention sur l'assemblée liturgique, figure du peuple de Dieu rassemblé par le Christ, et dans laquelle les ministres exercent des fonctions spécifiques.
La cathédrale, église-mère du diocèse
Évidemment les enjeux du déplacement que l'on vient de mettre en évidence sont décisifs pour la question que nous traitons. Dire que la cathédrale est un lieu liturgique, c'est exprimer qu'elle est d'abord une figure majeure de l'Église diocésaine comme le souligne le premier paragraphe sous le titre « La dignité de l'Église particulière ». Plus encore, il est intéressant de relever que le texte commence par une citation du Décret de Vatican II sur la charge pastorale des évêques Christus Dominus, qui propose une définition du diocèse : « Un diocèse est une portion du Peuple de Dieu confiée à un évêque pour qu'avec l'aide de son presbyterium, il en soit le pasteur : ainsi le diocèse, lié à son pasteur et par lui rassemblé dans le Saint-Esprit grâce à l'Évangile et à l'Eucharistie, constitue une Église particulière en laquelle est vraiment présente et agissante l'Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique ».
C'est parce que la cathédrale est l'église-mère du diocèse qu'elle est donc liée étroitement à l'évêque comme le souligne également dans ce même premier numéro la citation d'un affirmation célèbre de saint Ignace d'Antioche, le deuxième successeur de l'apôtre Pierre à Antioche et qui meurt martyr au début du IIe siècle : « Là où paraît l'évêque, que là aussi soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique ».
Cette citation met en évidence comment le jeu des figures forme une typologie particulièrement saisissante : le rassemblement diocésain sous la présidence de l'évêque renvoie à la relation entre le Christ Jésus et l'Église. La dignité de la liturgie qui se déroule dans la cathédrale ne vient donc pas des moyens mis en œuvre, ni même, comme telle, de la présence d'un pontife (d'un personnage ecclésiastique de haut rang), mais de la plénitude du signe du rassemblement de l'Église particulière autour de l'évêque car la « dignité d'Église du Christ revient à l'Église particulière ». La liturgie présidée par l'évêque est, en effet, la «principale manifestation de l'Église» comme le souligne le concile Vatican II : « L'évêque doit être considéré comme le grand prêtre de son troupeau ; la vie chrétienne de ses fidèles découle et dépend de lui en quelque manière. C'est pourquoi tous doivent accorder la plus grande estime à la vie liturgique du diocèse autour de l'évêque, surtout dans l'église cathédrale ; ils doivent être persuadés que la principale manifestation de l'Église réside dans la participation plénière et active de tout le saint Peuple de Dieu, aux mêmes célébrations liturgiques, surtout à la même Eucharistie, dans une seule prière, auprès de l'autel unique où préside l'évêque entouré de son presbyterium et de ses ministres ».
Sans manquer à la discrétion, on peut se réjouir que le projet actuel de déploiement de la cathédrale de Créteil, vise à transformer le lien afin qu'il puisse être plus intensément signe de la communion diocésaine. Certes, on peut toujours se rassembler ailleurs, et c'est parfois nécessaire quand il s'agit de très grandes célébrations, mais la cathédrale est ce lieu spécifique qui manifeste de manière permanente l'Église particulière comme communion. Et pour éviter toute méprise sur le sens de ce rassemblement, le n° 2 du Cérémonial précise : « En effet, l'Église particulière n'est pas un groupement de quelques personnes qui se rassemblent spontanément pour quelque cause commune mais un don qui vient d'en haut, du Père des lumières. »
L'enseignement du concile Vatican II tel qu'il a été traduit dans les livres de la réforme liturgique permet donc de considérer la cathédrale comme une manifestation du mystère chrétien. La cathédrale n'est pas seulement un lieu de rassemblement comme pourrait l'être une salle de spectacle. Parce qu'elle est lieu de la Parole et des sacrements, notamment des sacrements de l'initiation chrétienne dans la nuit pascale, elle constitue un signe de nature quasi sacramentelle.
C'est ce qu'atteste d'ailleurs le Rituel de la dédicace des églises à travers un détail fort éloquent qui renvoie à la définition classique du sacrement, un signe qui annonce et réalise ce qu'il signifie, à savoir le don de la grâce de Dieu. Au début de la liturgie de la Parole, le lecteur portant le lectionnaire se présente devant l'évêque accompagné du psalmiste. L'évêque présente au peuple le lectionnaire en disant :
Que résonne en ce lieu la Parole de Dieu :
Puissiez-vous y découvrir le mystère du Christ,
Et l'annonce de votre salut dans l'Église.
Le chapitre du Cérémonial sur « l'église cathédrale »
Le chapitre III du Cérémonial de 1984 qui porte précisément sur l'église cathédrale apporte une riche moisson d'enseignements sur ce que représente la cathédrale. Il est important de relever quelques aspects majeurs de cet important chapitre.
On commence par noter que l'église cathédrale est « celle où est placée la "cathèdre", le siège de l'évêque ». Mais la cathèdre n'est pas pour autant un trône comme l'indique la suite du texte. En effet, elle est considérée comme « signe du magistère et du pouvoir du pasteur de l'Église particulière », et également comme « signe de l'unité des croyants dans la foi qu'annonce l'évêque en tant que pasteur de son troupeau ». De ce point de vue déjà, on peut dire que la cathédrale est un lieu liturgique unique en son genre puisqu'à travers la cathèdre, elle rend visible non seulement le caractère pastoral du ministère épiscopal, ce qui implique magistère et pouvoir, mais aussi l'unité dans la foi de ceux que l'évêque réunit au nom du Christ, le pasteur par excellence.
Ajoutons encore à propos de la cathèdre que le texte précise - et l'enjeu est la vérité même du signe - qu'elle sera « unique et fixe » et « placée de telle sorte que l'évêque paraisse bien présider toute la communauté des fidèles ». On voit par là que c'est une sorte de figure permanente du ministère de l'évêque, et en même temps, une désignation de la spécificité de ce ministère.
Le texte souligne en second lieu que la cathédrale est le lieu où l'évêque préside aux jours les plus solennels et qu'elle doit donc être regardée « comme le centre de la vie liturgique du diocèse ». On relie ici deux affirmations que l'on risque de penser séparément voire parfois même d'opposer. « Par la majesté de sa construction », la cathédrale « évoque le temple spirituel » qui « resplendit de la magnificence de la grâce divine », mais en même temps, elle est également « une figure de l'Église visible du Christ, qui, ici bas, fait monter vers Dieu sa supplication, sa louange et son adoration ». La majesté de l'édifice est donc signe du don de la grâce, tandis que l'édifice est signe de l'Église, qui supplie qui loue et adore. Grandeur et humilité de la cathédrale.
Ensuite le document précise l'équipement de la cathédrale : l'autel dont « l'emplacement en fera le centre vers lequel convergera spontanément l'attention de toute l'assemblée », le tabernacle que l'on recommande de placer « selon une tradition très ancienne » « dans une chapelle séparée de la nef centrale », le presbyterium qui « sera assez vaste » pour que les rites « puissent être accomplis et vus commodément », l'ambon, à propos duquel on souligne paradoxalement l'importance symbolique de la cathèdre en précisant que : « L'évêque s'adressera au peuple de Dieu depuis sa cathèdre ». La prescription concernant le baptistère est d'une grande clarté : « L'église cathédrale aura un baptistère, même si elle n'est pas paroissiale, au moins pour célébrer le baptême au cours de la nuit pascale ». Il n'est pas sans importance de relever aussi que le Cérémonial prévoit de distinguer la sacristie et le secretarium, le lieu où l'on s'habille et d'où part la procession ; cette prescription exprime la préoccupation : offrir un lieu de silence et de recueillement permettant aux ministres de se préparer intérieurement à la célébration.
Enfin le Cérémonial prévoit un espace - le parvis, dont on sait l'importance par exemple pour des célébrations comme la Présentation du Seigneur (2 février), les Rameaux ou encore la Veillée pascale - qui permette le rassemblement des fidèles et la procession vers l'église cathédrale.
On voit ici combien le Cérémonial pense l'aménagement de la cathédrale à partir du fonctionnement même de la liturgie épiscopale. Mais il va plus loin en attribuant une note de cordialité affectueuse qui est d'autant plus à mettre en lumière que si cela va de soi pour un monument ancien, la question est plus difficile pour un édifice récent : « On inculquera aux fidèles par les moyens les plus opportuns l'amour et la vénération envers l'église cathédrale. Y concourent en particulier la ce1ébration annuelle de sa dédicace, ainsi que les pèlerinages que les fidèles accomplissent pour la visiter avec piété, surtout lorsqu'ils sont groupés par paroisses ou par régions du diocèse ».
Même si cela existe, au moins en France, il est sans doute trop rare d'organiser un pèlerinage régulier des paroisses à la cathédrale. Il est possible qu'une telle pratique puisse transformer non seulement le rapport à la cathédrale mais aussi la conscience de l'Église particulière dans les fidèles. Dans un monde marqué par les grands rassemblements et par la médiatisation des grandes figures du catholicisme, le pèlerinage des paroisses à la cathédrale pourrait contribuer à diffuser de manière concrète l'ecclésiologie de communion promue par le concile Vatican II. Comme le pape Benoît XVI l'a rappelé dès le début de son pontificat, la dignité éminente de la ville et de l'évêque de Rome viennent du fait que l'apôtre Pierre a « baigné » cette cité « de son sang ». Le Pape est d'abord évêque de Rome. Et les évêques forment un « unique collège apostolique ». Par conséquent, chaque Église particulière, à sa manière, participe du même don qui a été fait à Rome à travers le martyre de l'apôtre. De même qu'elle reçoit l'évêque qui lui est envoyé, toute Église particulière se reçoit ainsi comme un don du Christ à travers les apôtres, et cela justifie de venir en pèlerinage à la cathédrale, comme lieu source de la foi dans le diocèse.
(à suivre)
© Document épiscopat n°7 - 2013
Dieu le « Très Bas »
Commentaire de l’Évangile du XXIIème Dimanche du Temps ordinaire
Deux dangers nous guettent à une lecture sommaire de ce passage d'Évangile. Le premier consiste à n'en faire qu'une leçon de politesse élémentaire. Même si Jésus remarque que les invités, de son temps, choisissaient les premières places, il ne viendrait à l'esprit de personne, aujourd'hui, de faire de même, sinon il passerait pour un goujat.
Le deuxième danger consiste à tirer de ce texte une bonne petite leçon de morale, nous invitant à être attentifs aux pauvres, aux estropiés de préférence à nos amis ou à nos frères. Une telle lecture banaliserait le message évangélique.
Pour éviter de tomber dans ces travers, relevons ce mot : « Il leur dit une parabole ». Ce texte ne parle pas de recommandations qu'aurait données Jésus ce jour-là, mais d'une parabole. Qu'est-ce à dire ? Une parabole, c'est un propos de Jésus qui prend appui, certes, sur nos comportements spontanés, mais pour nous faire changer de niveau. Ici, Jésus veut nous faire comprendre que ce qui se passe parmi nous se vérifie à plus forte raison et autrement dans nos relations avec Dieu.
Dans le Royaume, « celui qui s'élève sera abaissé, celui qui s'abaisse sera élevé ». C'est la dernière phrase du texte qui donne sens à l'ensemble du propos de Jésus. Eh bien, seul Jésus a le droit de proclamer cela, parce que c'est ce qu'il a vécu, ce qui fait le sens de sa vie, ce qui le fait « image visible du Dieu invisible ». En dehors de Jésus, de sa vie et de son message, je ne peux rien savoir de Dieu. Jésus nous révèle que Dieu est « Le Très-Bas » (Christian Bobin).
La première génération chrétienne a exprimé cela merveilleusement, dans une hymne au chapitre 2 de sa lettre aux Philippiens. Relisons le texte, et nous comprendrons la parabole de notre évangile : « Comportez-vous entre vous comme le fait Jésus Christ : lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu, mais il s'est vidé lui-même, prenant la condition d'esclave, devenant semblable aux hommes… il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, à la mort sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé… »
« Qui s'abaisse sera élevé ». C'est toute la vie du Christ. C'est ce qu'il a le droit de nous demander, si nous voulons être ses disciples. Il ne s'agit pas d'une forme de masochisme qui nous pousserait à nous effacer. Il s'agit au contraire de se grandir par l'humilité. L'humilité consiste essentiellement à renoncer à nous imposer par le poids de ce que nous sommes, ou de ce que nous possédons ; elle refuse de faire pression sur l'autre, pour laisser l'autre exister par lui-même. Bien plus, il ne faut pas seulement laisser exister l'autre, mais le faire exister. Comme Dieu le fait pour chacun de nous. Il ne nous écrase pas de sa toute-puissance, il nous donne simplement, humblement, les moyens de nous réaliser nous-mêmes. « Si tu veux », dit toujours Jésus avec une infinie délicatesse.
Jésus ne s'adresse pas à ceux qui ont du mal à être eux-mêmes devant les autres, à ceux qui restent en deçà de leurs possibilités. Vous qui êtes écrasés, ne vous faites pas de souci pour ces paroles du Christ : on parle ici à ceux qui vous écrasent. Jésus, nous dit l'évangile, s'adressait à des gens qui choisissaient les premières places.
Il faut nous y faire : l'évangile nous demande de ne pas nous mettre en valeur, de ne pas nous imposer. Bref, en apparence, le contraire de ce que nous pensons et faisons. Nous admirons ceux qui « ont du caractère », ceux qui « ont de la personnalité », les « battants ». Nous ne pouvons pas repousser ces valeurs, et la foi chrétienne ne nous invite jamais à « nous écraser ». Mais Jésus, aujourd'hui, s'adresse à ceux qui « s'élèvent », à ceux qui prétendent occuper une place qui n'est pas la leur, bref, aux candidats à la domination. Il s'adresse à tous ceux qui, occupant leur juste place, se comportent en « supérieurs ». Si nous voulons être vrais, apprenons à être nous-mêmes ; nous ne ferons pas les malins, nous ne chercherons jamais à écraser l'autre par notre force ou notre savoir.
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