PKO 30.09.2012
Dimanche 30 septembre 2012 – XXVIème Dimanche du Temps ordinaire – Année B
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°48/2012
HUMEURS
« Je suis née morte »
La Journée Mondiale du Handicap sera célèbrée le 9 octobre prochain … et c’est cette semaine qu’est sorti en librairie le livre « Je suis née morte » écrit par Nathalie Salmon qu’il faut lire absolument. Cette jeune polynésienne « infirme moteur cérébral… à la suite d’une erreur médicale à sa naissance » y raconte sa vie, ses combats, ses joies et ses découragements avec une grande simplicité et une immense profondeur… nous menant du rire aux larmes et de l’anecdote quotidienne à la réflexion philosophique.
Un livre pour chacun de nous, pour notre société… sans complaisance sur notre égoïsme, notre individualisme… mais plein d’espoir et de confiance aussi…
« Nous “erreur de la nature”, nous ne pouvons certes pas faire ce que les “normaux” font, mais parfois nous arrivons à faire ce qu’ils ne peuvent pas faire. Celui qui assume sa différence aura certes des difficultés énormes à surmonter, mais il fera de son fardeau une force de titan ! »
Bonne lecture.
En marge de l’actualité
La vie matérielle du Diocèse
Dimanche 7 octobre commencera la campagne du « Denier de Dieu » (Denari a te Atua) afin de récolter la participation volontaire des fidèles à la vie matérielle du diocèse.
Il est bon de rappeler, à cette occasion, que le Droit Canonique précise de manière rigoureuse les dispositions en matière d'organisation matérielle d'un diocèse. Ni les prêtres, tant diocésains que religieux, ni les diacres permanents, ni les paroisses et divers organismes paroissiaux ou diocésains ne peuvent modifier à leur guise ces dispositions. Au plan civil, un seul organisme est reconnu par l'État et le Pays : le Conseil d'Administration de la Mission Catholique (C.A.MI.CA.) qui gère l'ensemble des biens du diocèse, y compris les paroisses et établissements scolaires.
Les principales ressources de l'Église sont au nombre de quatre :
- le casuel : c'est l'offrande qui est donnée, sous enveloppe, au célébrant à l'occasion de baptêmes, mariages, funérailles... Ce casuel est destiné non seulement au célébrant pour subvenir à ses dépenses, mais il sert également à couvrir une partie des dépenses d'entretien du lieu où se déroule la célébration ;
- les honoraires de messe : c'est une offrande forfaitaire (2 000 F par messe) faite librement par la personne qui demande la célébration d'une messe pour un défunt ou une intention particulière. Cette offrande est destinée au prêtre qui célèbre la messe, elle représente une contribution aux dépenses personnelles du célébrant. Il est rappelé qu'on ne peut donner qu'une seule intention par messe célébrée. Un prêtre ne peut cumuler plusieurs honoraires pour une même célébration eucharistique ;
- les quêtes : l'offrande faite volontairement par les fidèles au cours de la messe dominicale fait partie de la liturgie au moment où le célébrant offre le pain et le vin, fruits du travail des hommes. Le produit des quêtes dominicales ordinaires va de droit pour deux tiers à la paroisse et un tiers au diocèse. Ces quêtes sont uniquement destinées à couvrir les besoins des communautés chrétiennes (paroisse, aumônerie, diocèse, séminaire, Église universelle). Si une autre quête est organisée pour couvrir des besoins différents (campagne de carême, secours catholique, œuvres de l'ordre de Malte, quête pour la Vie…) celle-ci doit être autorisée par les responsables pastoraux (évêque, prêtre, diacre…) et organisée en dehors de la célébration liturgique.
Il existe, durant l'année, 14 quêtes spéciales, appelées quêtes « impérées », leur produit est destiné intégralement à une Œuvre spécifique (séminaires, Œuvre de St Pierre Apôtre, …), la paroisse ne peut disposer des fonds récoltés ;
- le Denier de Dieu (« Denari a te Atua ») : est destiné à subvenir aux besoins matériels du diocèse qui, malheureusement, ne sont pas couverts intégralement par les quêtes dominicales, soit environ 36 millions de francs par an pour le diocèse de Papeete. Il est recueilli dans des enveloppes spéciales distribuées en général entre fin septembre et fin novembre. Sauf indication contraire du donateur, le secrétariat de l'archevêché envoie un accusé de réception en guise de remerciement.
Sur les sommes récoltées il est prélevé 1,5 % pour la participation des fidèles et du diocèse au denier de Saint Pierre et aux Œuvres pie du Saint Père. Après prélèvement de ce pourcentage, les paroisses étant à jour de leur comptabilité et du versement des quêtes reçoivent un tiers des sommes qu'elles ont perçues pour le Denari.
Dominique SOUPÉ
Chancelier
La liturgie, une source d’eau vive pour la prière
Catéchèse du pape Benoît XVI du 26 septembre 2012
La liturgie est un « espace précieux », « une source d’eau vive » pour la prière chrétienne, explique Benoît XVI qui évoque le premier document adopté par Vatican II, sur la liturgie : « Sacrosanctum consilium ». Après ses catéchèses sur la prière dans l’Ancien et le Nouveau Testament, le pape a abordé, au cours de l’audience hebdomadaire, le thème de la liturgie comme « milieu privilégié dans lequel Dieu parle à chacun de nous, ici et maintenant, et attend notre réponse ». Le pape a indiqué la clef de l’attitude fondamentale dans la liturgie pour accorder les « lèvres » et le « cœur » : « Sursum Corda ». Et d’expliquer : « Le regard de notre cœur doit se diriger vers le Seigneur qui est au milieu de nous : c’est une disposition fondamentale ».
Chers frères et sœurs,
Ces derniers mois, nous avons accompli un chemin à la lumière de la Parole de Dieu pour apprendre à prier de manière toujours plus authentique en regardant certaines grandes figures de l’Ancien Testament, en regardant les psaumes, les Lettres de saint Paul et l’Apocalypse, mais surtout en contemplant l’expérience unique et fondamentale de Jésus dans sa relation avec le Père céleste. En réalité, c’est seulement dans le Christ que l’homme est rendu capable de s’unir à Dieu avec la profondeur et l’intimité d’un fils avec son père qui l’aime ; c’est seulement en lui que nous pouvons nous tourner en toute vérité vers Dieu en l’appelant avec affection « Abbà ! Père ! ». Comme les apôtres, nous aussi nous avons répété pendant ces semaines et nous redisons aujourd’hui à Jésus : « Seigneur, apprends-nous à prier » (Lc 11, 1).
En outre, pour apprendre à vivre encore plus intensément cette relation personnelle avec Dieu, nous avons appris à invoquer l’Esprit-Saint, premier don du Ressuscité aux croyants, parce que c’est lui qui « vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8,26), dit saint Paul et nous savons combien qu’il a raison.
À partir de là, après une longue série de catéchèses sur la prière dans l’Écriture, nous pouvons nous demander : comment puis-je me laisser former par l’Esprit-Saint pour devenir capable d’entrer dans l’atmosphère de Dieu, de prier avec Dieu ? Quelle est cette école où il m’apprend à prier et vient à mon aide lorsque je ne sais pas comment m’adresser à Dieu de manière juste ? La première école de prière, nous l’avons vu ces dernières semaines, est la Parole de Dieu, l’Écriture sainte. L’Écriture sainte est un dialogue permanent entre Dieu et l’homme, un dialogue progressif où Dieu se montre de plus en plus proche, où nous pouvons toujours mieux connaître son visage, sa voix, qui il est ; et l’homme apprend à accepter de connaître Dieu, à parler avec Dieu. Tout au long de ces semaines, en lisant l’Écriture sainte, nous avons donc cherché, à partir de l’Écriture, à partir de ce dialogue permanent, à apprendre comment entrer en contact avec Dieu.
Il y a un autre « espace » précieux, une autre « source » précieuse pour grandir dans la prière, une source d’eau vive qui est en très étroite relation avec la précédente. Je fais référence à la liturgie, qui est un milieu privilégié dans lequel Dieu parle à chacun de nous, ici et maintenant, et attend notre réponse.
Qu’est-ce que la liturgie ? Si nous ouvrons le Catéchisme de l’Eglise catholique, qui est une aide toujours précieuse, je dirais même indispensable, nous pouvons lire qu’à l’origine le mot « liturgie » signifie « service de la part de / et en faveur du peuple » (n.1069). Si la théologie chrétienne a emprunté ce terme au monde grec, elle l’a fait visiblement en pensant au nouveau Peuple de Dieu né du Christ qui a étendu les bras sur la croix pour unir les hommes dans la paix du Dieu unique. « Service en faveur du peuple », un peuple qui n’existe pas tout seul, mais qui s’est formé grâce au Mystère pascal de Jésus-Christ. En effet, le Peuple de Dieu n’existe pas par des liens de sang, de territoire, de nation, mais il naît toujours de l’œuvre du Fils de Dieu et de la communion avec le Père qu’il nous obtient.
Le Catéchisme indique par ailleurs que « Dans la tradition chrétienne (le mot “liturgie”) veut signifier que le Peuple de Dieu prend part à "l’œuvre de Dieu" » (n. 1069), parce que le Peuple de Dieu comme tel existe seulement par l’action de Dieu.
Le développement même du concile Vatican II nous l’a rappelé, en commençant ses travaux, il y a exactement cinquante ans, par la discussion sur les règles de la sainte liturgie, et en approuvant ensuite solennellement le 4 décembre 1963, le premier texte du concile. Que le document sur la liturgie ait été le premier fruit de l’assemblée conciliaire a pu être considéré par certains comme un hasard. Parmi tant de projets, le texte sur la sainte liturgie semblait être le moins controversé et, précisément pour cette raison, il semblait aussi pouvoir constituer une sorte d’exercice pour apprendre la méthodologie du travail conciliaire.
Mais sans aucun doute, ce qui peut paraître un hasard à première vue s’est démontré être le choix le plus juste, dans la hiérarchie des thèmes et des devoirs les plus importants de l’Eglise. En commençant, en effet, par le thème de la « liturgie », le concile a mis très clairement en lumière le primat de Dieu, sa priorité absolue. Dieu, avant tout : c’est justement ceci qui nous explique le choix conciliaire de partir de la liturgie. Là où le regard sur Dieu n’est pas déterminant, toute autre chose perd son orientation. Le critère fondamental pour la liturgie est son orientation vers Dieu, pour pouvoir ainsi participer à son œuvre.
Mais nous pouvons nous demander : quelle est l’œuvre de Dieu à laquelle nous sommes appelés à participer ? La réponse que nous offre la Constitution conciliaire sur la sainte liturgie est apparemment double. Au numéro 5, il est indiqué, en effet, que l’œuvre de Dieu ce sont ses actions historiques qui nous apportent le salut et qui ont culminé dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ ; mais au numéro 7, la Constitution définit justement la célébration de la liturgie comme « œuvre du Christ ». En réalité, ces deux significations sont inséparablement liées.
Si nous nous demandons qui sauve le monde et l’homme, l’unique réponse est : Jésus de Nazareth, Seigneur et Christ, crucifié et ressuscité. Et où s’actualise pour nous, pour moi aujourd’hui, le mystère de la mort et de la résurrection du Christ qui apporte le salut ? La réponse est : dans l’action du Christ par l’Eglise, dans la liturgie, en particulier dans le sacrement de l’Eucharistie, qui rend présente l’offrande sacrificielle du Fils de Dieu, qui nous a rachetés ; dans le sacrement de la réconciliation, où l’on passe de la mort du péché à la vie nouvelle ; et dans les autres actes sacramentaux qui nous sanctifient (cf. Presbyterorum ordinis, 5). Ainsi, le mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ est le centre de la théologie liturgique du concile.
Avançons encore et posons-nous la question : de quelle manière cette actualisation du mystère pascal du Christ devient-elle possible ? Le bienheureux pape Jean-Paul II écrivait, 25 ans après la Constitution Sacrosanctum Concilium : « Pour actualiser son mystère pascal, le Christ est toujours là, présent à son Église, surtout dans les actions liturgiques (27). La liturgie est, en effet, le “lieu” privilégié de rencontre des chrétiens avec Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ (cf. Jn 17, 3) » (Vicesimus quintus annus, n. 7). Dans la même ligne, nous lisons dans le Catéchisme de l’Eglise catholique : « Une célébration sacramentelle est une rencontre des enfants de Dieu avec leur Père, dans le Christ et l’Esprit Saint, et cette rencontre s’exprime comme un dialogue, à travers des actions et des paroles » (n. 1153). Par conséquent, la première exigence pour une bonne célébration liturgique est qu’elle soit prière, colloque avec Dieu, avant tout écoute, et donc réponse. Lorsque saint Benoît parle, dans sa « Règle », de la prière des psaumes, il indique ceci aux moines : mens concordet voci, « que l’esprit soit en accord avec la voix ».
Le saint enseigne que dans la prière des psaumes, les paroles doivent précéder notre esprit. Habituellement, cela ne se passe pas ainsi, nous devons d’abord penser, puis ce que nous avons pensé se transforme en parole. Ici au contraire, dans la liturgie, c’est l’inverse, la parole précède. Dieu nous a donné la parole et la sainte liturgie nous offre les paroles : nous devons entrer à l’intérieur des paroles, dans leur signification, les accueillir en nous, nous mettre nous-mêmes en syntonie avec ces paroles ; ainsi nous devenons enfants de Dieu, semblables à Dieu. Comme le rappelle Sacrosanctum Concilium, pour assurer la pleine efficacité de la célébration, « il est nécessaire que les fidèles accèdent à la liturgie avec les dispositions d’une âme droite, qu’ils harmonisent leur âme avec leur voix, et qu’ils coopèrent à la grâce d’en haut pour ne pas recevoir celle-ci en vain » (n. 11). L’élément fondamental, premier, du dialogue avec Dieu dans la liturgie, est la concordance entre ce que nous disons avec les lèvres et ce que nous portons dans le cœur. En entrant dans les paroles de la grande histoire de la prière, nous sommes nous-mêmes conformés à l’esprit de ces paroles et nous devenons capables de parler avec Dieu.
À ce sujet, je voudrais simplement m’arrêter sur un des moments qui, au cours de la liturgie, nous appelle et nous aide à trouver cette concordance, à nous conformer à ce que nous écoutons, disons et faisons dans la célébration de la liturgie. Je fais référence à l’invitation formulée par le célébrant avant la prière eucharistique : « Sursum corda », élevons notre cœur en sortant du désordre de nos préoccupations, de nos désirs, de nos angoisses, de nos distractions. Notre cœur, notre propre intimité, doit s’ouvrir docilement à la Parole de Dieu et se recueillir dans la prière de l’Église, pour recevoir son orientation vers Dieu des paroles mêmes qu’il écoute et qu’il dit. Le regard de notre cœur doit se diriger vers le Seigneur qui est au milieu de nous : c’est une disposition fondamentale.
Quand nous vivons la liturgie dans cette attitude de fond, notre cœur est comme soustrait à la force de gravité qui l’attire vers le bas et il s’élève intérieurement vers le haut, vers la vérité, vers l’amour, vers Dieu. Comme le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique : « La mission du Christ et de l’Esprit Saint qui, dans la Liturgie sacramentelle de l’Église, annonce, actualise et communique le Mystère du salut, se poursuit dans le cœur qui prie. Les Pères spirituels comparent parfois le cœur à un autel » (n. 2655) : altare Dei est cor nostrum.
Chers amis, nous célébrons et nous ne vivons bien la liturgie que si nous restons dans une attitude de prière, et non pas si nous voulons « faire quelque chose », nous faire voir ou agir, mais si nous orientons notre cœur vers Dieu et si nous restons dans une attitude de prière en nous unissant au mystère du Christ et au colloque du Fils avec le Père. Dieu lui-même nous apprend à prier, affirme saint Paul (cf. Rm 8, 26). Il nous a donné lui-même les paroles adéquates pour nous diriger vers lui, des paroles que nous trouvons dans le psautier, dans les grandes oraisons de la liturgie sacrée et dans la célébration eucharistique. Prions le Seigneur qu’il nous rende chaque jour plus conscients du fait que la liturgie est action de Dieu et de l’homme, prière qui jaillit de l’Esprit-Saint et de nous-mêmes, entièrement tournée vers le Père, en union avec le Fils de Dieu fait homme (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2564). Merci.
© Libreria Editrice Vaticana – 2012
Élargir le mariage aux personnes du même sexe ?
Ouvrons le débat !
L’élargissement du mariage civil aux personnes de même sexe et la possibilité pour elles de recourir à l’adoption, est une question grave. Une telle décision aurait des conséquences importantes sur les enfants, l’équilibre des familles et la cohésion sociale. Il serait réducteur de fonder la modification du droit qui régit le mariage et la famille, sur le seul aspect de la non-discrimination et du principe d’égalité. Le Conseil Famille et Société a voulu prendre en compte, avec l’aide d’experts, la complexité de la question et fournir des éléments de réflexion abordant les principaux enjeux de la décision envisagée. La réflexion s’adresse aux catholiques, mais elle ne reflète pas qu’un point de vue religieux. Elle peut intéresser toute personne s’interrogeant sur les mesures annoncées par le gouvernement. Cette démarche, qui se veut respectueuse des personnes, s’inscrit dans la volonté de l’Eglise de participer au débat public. Elle le fait, s’appuyant sur la tradition chrétienne, dans le souci de servir le bien commun.
Ouvrir un vrai débat
La société se trouve devant une situation nouvelle, inédite. L’homosexualité a toujours existé, mais jusqu’à récemment, il n’y avait jamais eu de revendication de la part des personnes homosexuelles de pouvoir donner un cadre juridique à une relation destinée à s’inscrire dans le temps, ni de se voir investies d’une autorité parentale. Il appartient au pouvoir politique d’entendre cette demande et d’y apporter la réponse la plus adéquate. Mais cette réponse relève d’un choix politique. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe n’est imposée ni par le droit européen ni par une quelconque convention internationale. Elle est une option politique parmi d’autres et un vrai débat démocratique est nécessaire pour faire émerger la meilleure réponse dans l’intérêt de tous.
Les différentes positions
Les prises de positions pour ou contre le mariage de personnes de même sexe ne manquent pas, mais les discours, parfois idéologiques, se croisent. Trois positions s’affirment aujourd’hui. Le discours présenté comme dominant défend l’ouverture du mariage et de l’adoption des enfants aux partenaires de même sexe en vertu du principe de non-discrimination. Il se situe dans la logique de la défense des droits individuels. Le mariage, dans ce cas, n’aurait pas une nature propre ou une finalité en soi ; il ne serait chargé que du sens que l’individu, dans son autonomie, voudrait bien lui conférer. Ce discours se réclame d’une modernité politique avec sa propre compréhension des valeurs de liberté et d’égalité.
Un second discours, beaucoup plus radical et militant, souhaite supprimer le mariage traditionnel pour le remplacer par un contrat universel ouvert à deux ou plusieurs personnes, de même sexe ou de sexe différent. Pour les tenants de ce discours, il n’y aurait plus de sexes et la différence entre homme et femme ne serait que le fruit d’une culture hétérosexuelle dominante dont il conviendrait de débarrasser la société.
Enfin, le troisième discours soutient que le mariage est ordonné à la fondation d’une famille et qu’il ne peut donc concerner que les couples hétérosexuels, seuls en mesure de procréer naturellement. Dans ce cas, le mariage a une nature propre et une finalité en soi, que la loi civile encadre ; le sens du mariage dépasse alors le bon vouloir des individus. Ce discours, qui a pour lui l’expérience millénaire, pose une limite à la liberté individuelle, qui est perçue aujourd’hui comme inacceptable et rétrograde aux yeux de certains.
Les conditions du débat
Entre ces trois discours, il n’y a dans la société française, actuellement, pas de débat politique argumenté. Pour que ce débat puisse s’instaurer, il importe tout d’abord de reconnaître le conflit qui existe entre la signification du mariage hétérosexuel et l’expérience homosexuelle contemporaine. Sans prise de conscience des enjeux de ces divisions et de ces différences, un véritable travail politique est impossible.
Il s’agit aussi de respecter tous les acteurs de ce débat et de permettre à chacun de réfléchir plus profondément et d’exprimer librement ses convictions. Si toute réticence ou interrogation devant cette réforme du droit de la famille est qualifiée a priori d’« homophobe », il ne peut y avoir de débat au fond. Il en va de même lorsque la requête des personnes homosexuelles est disqualifiée a priori. Le respect de tous les acteurs du débat implique une écoute commune, une aptitude à comprendre les arguments exposés et une recherche de langage partagé.
Cette recherche d’un langage partagé suppose, de la part des catholiques, de traduire les arguments tirés de la Révélation dans un langage accessible à toute intelligence ouverte. De même, dans ce débat qui concerne le sens du mariage civil, il n’y a pas lieu de discuter du mariage religieux ni, dans un premier temps, des liens entre mariage civil et religieux. Il ne s’agit pas pour les catholiques d’imposer un point de vue religieux mais d’apporter leur contribution à ce débat en tant que citoyens en se basant sur des arguments anthropologiques et juridiques. Pour cela, il convient d’avoir bien en tête les raisons pour lesquelles l’Église est attachée au mariage comme union entre un homme et une femme.
Comprendre la position de l’Église catholique
Un amour qui donne la vie
Les chrétiens croient en un Dieu qui est Amour et qui donne la vie. Cette vie est marquée par l’altérité sexuelle : « Homme et femme, il les créa » (Gn 1,27), qui est un des bienfaits de la Création (Gn 1,31) et qui préside à la transmission de la vie. Dans l’expérience humaine, seule la relation d’amour entre un homme et une femme peut donner naissance à une nouvelle vie. Cette relation d’amour participe ainsi à la Création de Dieu. L’homme et la femme deviennent en quelque sorte co-créateurs. Pour cette raison, cette relation garde un caractère unique et l’Église catholique lui reconnaît un statut particulier. C’est une relation d’amour vécue dans la liberté qui s’exprime dans le don de soi réciproque et dont le Christ a pleinement révélé la beauté. Par respect pour cet amour et pour aider les couples, l’Église invite, au nom du Christ, l’homme et la femme à s’engager librement dans un mariage indissoluble, vécu dans la fidélité et l’ouverture à la vie. Le mariage religieux est, pour les catholiques, un sacrement dans lequel Dieu lui-même s’engage aux côtés des époux et de leur alliance. Ainsi, ce cadre ne constitue pas tant une contrainte qu’un soutien pour pouvoir vivre cet amour. Il constitue aussi le moyen le plus simple et le plus efficace pour élever des enfants.
La fécondité sociale
Ce n’est pas parce que l’Église accorde un statut particulier à cette relation d’amour entre un homme et une femme, qu’elle n’accorde pas de valeur à d’autres relations d’amour ou d’amitié. Mais celles-ci ouvrent sur un autre type de fécondité, une fécondité sociale. Cela n’est pas moins important aux yeux de l’Église. Le Christ nous enseigne que nos relations d’amour ne sont pas faites pour nous enfermer égoïstement dans un tête-à-tête, mais doivent justement s’ouvrir aux autres. Mais seul dans le cas de l’amour d’un homme et d’une femme, cette ouverture à l’autre se traduit par la naissance d’une vie nouvelle. C’est une différence de taille, qui est occultée aujourd’hui.
L’importance du mariage civil
À travers le mariage civil, la société reconnaît et protège aussi la spécificité de ce libre engagement de l’homme et de la femme dans la durée, la fidélité et l’ouverture à la vie. Quelques 250 000 mariages civils sont célébrés chaque année en France et c’est toujours un événement important pour ceux qui s’y engagent. L’élargissement du mariage aux personnes de même sexe entrainerait une modification profonde du droit du mariage et de la filiation pour tous, y compris pour les couples hétérosexuels.
Refuser l’homophobie
Une réforme en profondeur du mariage et de la filiation concerne tous les citoyens et devrait donc pouvoir faire l’objet d’un large débat. Celui-ci se heurte aujourd’hui à l’accusation d’homophobie qui vient fustiger toute interrogation.
Le respect des personnes
Cette situation a ses raisons d’être. Pendant longtemps, les personnes homosexuelles ont été condamnées et rejetées. Elles ont fait l’objet de toutes sortes de discriminations et de railleries. Aujourd’hui, cela n’est plus toléré, le droit proscrit toute discrimination et toute incitation à la haine, notamment en raison de l’orientation sexuelle, et il faut se féliciter de cette évolution.
Du côté de l’Église catholique, la Congrégation pour la doctrine de la foi invitait, dès 1976, les catholiques à une attitude de respect, d’écoute et d’accueil de la personne homosexuelle au cœur de nos sociétés. Dix ans plus tard, la même Congrégation soulignait que les expressions malveillantes ou gestes violents à l’égard des personnes homosexuelles méritaient condamnation. Ces réactions « manifestent un manque de respect pour les autres qui lèse les principes élémentaires sur lesquels se fonde une juste convivialité civile. La dignité propre de toute personne doit toujours être respectée dans les paroles, dans les actions et dans les législations ».
La lente évolution des mentalités
Si le respect de la personne est donc clairement affirmé, il faut bien admettre que l’homophobie n’a pas pour autant disparu de notre société. Pour les personnes homosexuelles, la découverte et l’acceptation de leur homosexualité relèvent souvent d’un processus complexe. Il n’est pas toujours facile d’assumer son homosexualité dans son milieu professionnel ou son entourage familial. Les préjugés ont la vie dure et les mentalités ne changent que lentement, y compris dans nos communautés et familles catholiques. Elles sont pourtant appelées à être à la pointe de l’accueil de toute personne, quel que soit son parcours, comme enfant de Dieu. Car ce qui, pour les chrétiens, fonde notre identité et l’égalité entre les personnes, c’est le fait que nous sommes tous fils et filles de Dieu. L’accueil inconditionnel de la personne n’emporte pas une approbation de tous ses actes, il reconnaît au contraire que l’homme est plus grand que ses actes.
Le refus de l’homophobie et l’accueil des personnes homosexuelles, telles qu’elles sont, font partie des conditions nécessaires pour pouvoir sortir des réactions épidermiques et entrer dans un débat serein autour de la demande des personnes homosexuelles.
Entendre la demande des personnes homosexuelles
Une réalité diversifiée
En fait, les données statistiques qui évaluent le nombre de personnes homosexuelles, le nombre de personnes vivant une relation stable avec un partenaire de même sexe ou le nombre d’enfants élevés par deux adultes de même sexe, sont rares et difficiles à interpréter. Sous cette réserve, plusieurs études montrent que les pratiques homosexuelles ont évolué et que l’aspiration à vivre une relation affective stable se rencontre plus fréquemment aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Cette réalité n’est pour autant pas uniforme : la cohabitation sous le même toit, la relation sexuelle ou l’exclusivité du partenaire ne font pas toujours partie des éléments d’une telle relation stable.
Une demande de reconnaissance
La diversité des pratiques homosexuelles ne doit pas empêcher de prendre au sérieux les aspirations de celles et ceux qui souhaitent s’engager dans un lien stable. Le respect et la reconnaissance de toute personne revêtent désormais une importance primordiale dans notre société. Les discussions sur le multiculturalisme, le racisme, le féminisme et l’homophobie sont sous-tendues par cette demande de reconnaissance qui s’exprime aujourd’hui sur le mode égalitariste. La non-reconnaissance est expérimentée comme oppression ou discrimination. Certains poussent très loin ce discours égalitariste. Ils estiment que toute différence ouvre sur un rapport de pouvoir et en conséquence sur un risque de domination de l’un sur l’autre : domination de l’homme sur la femme, domination du blanc sur le noir, domination de l’hétérosexuel sur l’homosexuel, etc. Selon eux, la seule solution pour combattre l’oppression ou la discrimination serait alors de gommer les différences ou, en tout cas, de leur dénier toute pertinence dans l’organisation de la vie sociale.
Une volonté de gommer les différences
C’est dans ce contexte que s’inscrit le processus de transformation du mariage pour le rendre accessible aux personnes de même sexe. La demande vise à faire reconnaître que l’amour entre deux personnes de même sexe a la même valeur que l’amour entre un homme et une femme. La différence entre les deux, au regard de la procréation naturelle, est gommée ou jugée non pertinente pour la société. La richesse que représente l’altérité homme/femme tant dans les rapports individuels que collectifs est passée sous silence. Seule semble compter la reconnaissance de la personne homosexuelle et le fait de mettre fin à la discrimination dont elle s’estime victime dans une société hétéro-normée.
La valeur d’une relation affective durable
La société, tout comme l’Église dans le domaine qui lui est propre, entend cette demande de la part des personnes homosexuelles et peut chercher une réponse. Tout en affirmant l’importance de l’altérité sexuelle et le fait que les partenaires homosexuels se différencient des couples hétérosexuels par l’impossibilité de procréer naturellement, nous pouvons estimer le désir d’un engagement à la fidélité d’une affection, d’un attachement sincère, du souci de l’autre et d’une solidarité qui dépasse la réduction de la relation homosexuelle à un simple engagement érotique.
Mais cette estime ne permet pas de faire l’impasse sur les différences. La demande des personnes homosexuelles est symptomatique de la difficulté qu’éprouve notre société à vivre les différences dans l’égalité. Plutôt que de nier les différences en provoquant une déshumanisation des relations entre les sexes, notre société doit chercher à garantir l’égalité des personnes tout en respectant les différences structurantes qui ont leur importance pour la vie personnelle et sociale.
Connaître les limites du PACS
Le Pacte Civil de Solidarité (PACS), créé en 1999, a de façon inattendue surtout été utilisé par les couples hétérosexuels qui représentent 95% des 174 523 PACS conclus en 2009. Pour ces derniers, il constitue une alternative au mariage, qui ouvre un certain nombre de droits fiscaux et sociaux, sans avoir le poids symbolique du mariage, et en conservant une totale liberté de rompre.
Des différences mal connues
Aujourd’hui, pour les couples hétérosexuels, les différences entre le PACS et le mariage sont importantes et mal connues. Le PACS est un contrat, le mariage est une institution. Au plan patrimonial, c’est dans le domaine du droit des successions, des régimes matrimoniaux et de la réversion de la pension au partenaire survivant que se situent les plus grandes différences. Mais ce sont cependant les effets d’ordre personnel et symbolique qui marquent le plus l’infériorité du PACS par rapport au mariage. Le PACS n’est pas conclu à la mairie mais au Tribunal ou devant notaire. Il ne produit aucun effet en matière de nom et n’entraîne aucun effet personnel. Notamment, le PACS n’impose aucune obligation de fidélité, il ne crée pas de lien d’alliance entre le pacsé et la famille de son partenaire et peut être rompu unilatéralement, par simple lettre recommandée avec accusé de réception. Aucune protection n’est prévue pour le partenaire délaissé ou les éventuels enfants nés de cette union. Bien souvent, les couples hétérosexuels pacsés en viennent au bout d’un certain temps à se marier, afin de donner plus de solidité et de solennité à leur union.
La recherche symbolique
Les personnes homosexuelles réclament aujourd’hui aussi une forme d’union plus solennelle, dotée d’un véritable poids symbolique et ne pouvant être rompue sans procédure ni indemnité. Dans leur revendication, la différence au regard de la procréation naturelle est mise de côté, comme un détail négligeable, pour ne garder du mariage que la sincérité et l’authenticité du lien amoureux. Il s’agit là d’une vision très individualiste du mariage qui n’est pas celle du droit français.
Prendre en considération le droit français
Une réforme du droit de la famille doit partir du droit existant et examiner en quoi celui-ci n’est plus adapté à la situation nouvelle et quelles seront les conséquences de la réforme envisagée pour les citoyens. Si le droit n’est qu’une technique humaine qui peut évoluer à tout moment, il n’en garde pas moins une fonction anthropologique : il dit quelque chose de notre vision de l’homme.
La fonction sociale du mariage
Le discours en faveur de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe part d’une vision tronquée du droit. Il choisit de ne retenir du mariage civil que le lien amoureux et fait alors valoir que refuser le mariage aux personnes de même sexe est une discrimination car elles aussi sont amoureuses. Ne pas leur ouvrir l’accès au mariage revient alors à mettre en doute la sincérité et l’authenticité de leurs sentiments, voire leur capacité d’aimer. Or, il ne s’agit pas de cela. Contrairement à ce qui est soutenu, le mariage n’a jamais été un simple certificat de reconnaissance d’un sentiment amoureux. Le mariage a toujours eu la fonction sociale d’encadrer la transmission de la vie en articulant, dans le domaine personnel et patrimonial, les droits et devoirs des époux, entre eux et à l’égard des enfants à venir. La conception individualiste du mariage, véhiculée par le discours ambiant, ne se trouve pas dans les textes de loi.
La valeur symbolique du don total de soi
La haute valeur symbolique du mariage ne vient d’ailleurs pas du sentiment amoureux, par définition éphémère, mais de la profondeur de l’engagement pris par les époux qui acceptent d’entrer dans une union de vie totale. Cet engagement concerne la vie des conjoints (respect, fidélité, assistance, communauté de vie, contribution aux charges), la vie des familles (liens d’alliance, obligations alimentaires, empêchements au mariage), la vie des enfants (présomption de paternité, éducation, autorité parentale conjointe) et les tiers (solidarité des dettes ménagères). Compte tenu de l’importance de cet engagement, y compris à l’égard des tiers, il est régi par la loi et sa rupture est soustraite au bon vouloir des parties. Le divorce ne peut être prononcé que par le juge qui veillera à la protection des plus faibles et une répartition équitable des biens.
Ce qui confère au mariage sa haute valeur symbolique, c’est donc cet engagement de toute une vie, « pour le meilleur et pour le pire », ce pari un peu fou que l’amour humain puisse surmonter tous les obstacles que la vie nous réserve. Or, l’accueil des enfants nés de cette union de vie fait partie intégrante de cet engagement. Si le mariage a connu des variations dans l’histoire, il a toujours organisé le lien entre conjugalité et procréation. Encore aujourd’hui, en droit français, le mariage comporte une présomption de paternité, que connaissait déjà le droit romain (pater is est quae nuptiae demonstrant). Destinée à rattacher juridiquement au mari les enfants mis au monde par la mère, cette présomption de paternité est la traduction juridique des conséquences naturelles de la promesse de fidélité et de vie commune que font les époux. Sans méconnaître que cette tradition juridique a aussi été porteuse de préjugés et d’injustices à l’égard des femmes, il convient de discerner ce qu’elle contient de sage et qu’elle est son importance pour la société.
Mesurer les enjeux pour l’avenir
Le mariage, tel qu’il existe aujourd’hui en droit français, assure le lien entre conjugalité et procréation et donc la lisibilité de la filiation. C’est là, en particulier, où le droit a une fonction anthropologique.
La vie est un don
Tout d’abord, en assurant le lien entre conjugalité et procréation, le droit vient nous rappeler que la vie est un don et que chacun la reçoit. Personne ne choisit son père et sa mère, personne ne choisit son lieu ou sa date de naissance. Ce sont pourtant ces « données » qui vont, à jamais, caractériser chacun comme un être unique au monde. Ces données incontournables de la filiation, qui s’imposent à chacun, viennent rappeler à l’homme qu’il n’est pas tout-puissant, qu’il ne se construit pas tout seul, mais qu’il reçoit sa vie des autres, d’un homme et d’une femme (et pour les croyants, d’un Autre).
Les deux sexes sont égaux et indispensables à la vie
Ensuite, faire le lien entre conjugalité et procréation est important pour la reconnaissance de l’égalité des sexes, qui sont l’un comme l’autre indispensables à la vie. Le fait d’être né d’un homme et d’une femme signe notre origine commune, notre appartenance à l’espèce humaine. La dualité sexuelle homme/femme est en effet une « propriété des vivants ».
Les droits des enfants
Enfin, la lisibilité de la filiation et l’inscription dans une histoire et une lignée sont essentielles pour la construction de l’identité. La Convention des Droits de l’enfant de l’ONU stipule expressément qu’un enfant, dans la mesure du possible, a droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Si les circonstances de la vie peuvent empêcher cela, il ne faudra pas que le législateur prenne l’initiative d’organiser l’impossibilité pour les enfants de connaître leurs parents ou d’être élevés par eux. Ce qui sera le cas s’il accède aux demandes de parenté des personnes homosexuelles que ce soit par le biais de l’adoption ou de la procréation médicalement assistée.
L’utilité sociale
À côté de ces fonctions anthropologiques fondamentales, le mariage a aussi une utilité sociale. Même s’il n’est plus l’unique porte d’entrée de la vie de famille, il continue à favoriser la stabilité conjugale et familiale, qui correspond à une aspiration profonde d’une très grande majorité de la population. Celle-ci est non seulement bénéfique pour ses membres, mais elle profite à toute la société car elle permet aux familles de mieux assumer leur rôle dans le domaine de l’éducation et de la solidarité. À défaut, c’est la collectivité qui doit prendre le relais.
Ces enjeux anthropologiques et sociaux ainsi que la protection des droits de l’enfant sont passés sous silence. Le discours dominant, égalitariste, choisit délibérément d’ignorer la différence entre les personnes homosexuelles et hétérosexuelles à l’égard de la procréation et veut faire croire que le lien entre conjugalité et procréation n’est pas pertinent pour la vie en société. Un coup d’œil sur les conséquences juridiques d’une telle réforme démontre le contraire.
Evaluer les conséquences juridiques de la réforme envisagée
Le sort de la présomption de paternité
En cas d’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, se posera la question du sort de la présomption de paternité, actuellement prévue à l’article 312 du Code Civil. La première solution possible est de décider que cette présomption ne s’appliquerait pas aux couples de même sexe. Il y aurait alors dans les faits deux types de mariages, et il importerait que les citoyens soient clairement informés de cette distinction. Cette hypothèse, retenue aux Pays-Bas et en Belgique, ne règle pas la question du lien entre la compagne de la mère et l’enfant de celle-ci. Une deuxième solution, plus radicale, consisterait à supprimer la présomption de paternité pour tous. Cela reviendra à instaurer officiellement la dissociation entre conjugalité et procréation et viderait le mariage de son sens. Quel sens peut avoir un mariage civil qui, en refusant de régler la transmission naturelle de la vie, n’honore plus la promesse de fidélité des époux ? Une troisième solution, encore plus radicale, a été retenue au Canada. La présomption de paternité est transformée en présomption de parenté et joue aussi pour les partenaires homosexuels : la compagne de la mère sera la « co-mère » de l’enfant. Dans ce cas, la lisibilité de la filiation, qui est dans l’intérêt de l’enfant, est sacrifiée au profit du bon vouloir des adultes et la loi finit par mentir sur l’origine de la vie !
La loi ne doit pas mentir sur l’origine de la vie
Les choses se compliquent encore davantage devant les questions d’adoption et de procréation médicalement assistée. Par exemple, comment concevoir une adoption plénière qui supprime la filiation d’origine et dit que l’enfant est « né de » ses parents adoptifs ? Faut-il faire croire à un enfant qu’il est né de deux hommes ou de deux femmes ? Les complications juridiques sont nombreuses. Tout notre système juridique est basé sur la distinction des sexes, puisque la transmission de la vie passe par la rencontre d’un homme et d’une femme.
Conclusion
S’il appartient au pouvoir politique d’entendre la demande d’un certain nombre de personnes homosexuelles de bénéficier d’un cadre juridique solennel pour inscrire une relation affective dans le temps, c’est en fonction du bien commun dont il est garant qu’il doit chercher à y répondre.
L’Église catholique appelle les fidèles à vivre une telle relation dans la chasteté, mais elle reconnaît, au-delà du seul aspect sexuel, la valeur de la solidarité, de l’attention et du souci de l’autre qui peuvent se manifester dans une relation affective durable. L’Église se veut accueillante à l’égard des personnes homosexuelles et continuera à apporter sa contribution à la lutte contre toute forme d’homophobie et de discrimination.
La demande de l’élargissement du mariage civil ne peut être traitée sous le seul angle de la non-discrimination car cela suppose de partir d’une conception individualiste du mariage, qui n’est pas celle du droit français pour qui le mariage a une claire vocation sociale. Prétendre régler les problèmes de domination et d’abus de pouvoir, qui existent effectivement dans la société, par l’ignorance des différences entre les personnes, semble une option idéologique dangereuse. Les différences existent et c’est une bonne chose. La différence des sexes est une heureuse nouvelle.
La demande d’élargissement du mariage aux personnes de même sexe met la société au défi de trouver des nouvelles formes pour vivre les différences dans l’égalité. Pour cela, le législateur sera amené à opérer des arbitrages délicats entre des intérêts individuels contradictoires. Le propre du pouvoir politique est en effet de défendre non seulement les droits et les libertés individuels, mais aussi et surtout le bien commun. Le bien commun n’est pas la somme des intérêts individuels. Le bien commun est le bien de la communauté tout entière. Seul le souci du bien commun peut venir arbitrer les conflits de droits individuels.
La véritable question est alors de savoir si, dans l’intérêt du bien commun, une institution régie par la loi doit continuer à dire le lien entre conjugalité et procréation, le lien entre l’amour fidèle d’un homme et d’une femme et la naissance d’un enfant, pour rappeler à tous que :
• la vie est un don ;
• les deux sexes sont égaux et l’un comme l’autre indispensables à la vie ;
• la lisibilité de la filiation est essentielle pour l’enfant.
Une évolution du droit de la famille est toujours possible. Mais plutôt que de céder aux pressions de différents groupes, la France s’honorerait à instaurer un vrai débat de société et à chercher une solution originale qui fasse droit à la demande de reconnaissance des personnes homosexuelles sans pour autant porter atteinte aux fondements anthropologiques de la société.
© Conférence des Évêques de France - 2012
Tolérance et intransigeance !
Commentaire de l’évangile du XXVIème Dimanche du Temps ordinaire –Année B
Décidément, si on veut être fidèle à la pensée de Jésus, il faut se garder de tout simplisme. Dans la même page, aujourd’hui, Marc a rapproché deux attitudes apparemment contradictoires de Jésus : d’une part une très grande largeur de vue, de l’autre une rigoureuse exigence.
Une immense tolérance...
Un jour, donc, les apôtres viennent se plaindre à Jésus parce qu’ils avaient vu quelqu’un « chasser les esprits mauvais » sans appartenir à leur groupe. C’est une réaction très humaine de vouloir conserver un certain monopole de l’action apostolique. Nous sommes naturellement portés à nous méfier de ceux qui ne sont pas de notre bord.
Le sectarisme n’est pas d’aujourd’hui. Déjà, au temps de Moïse, on voulait interdire à Eldad et Médad de prophétiser parce qu’ils n’étaient pas au bon endroit. Moïse, loin de s’en offusquer, avait répondu : « Ah ! si tout le monde pouvait être prophète ». Jésus a la même réflexe de grande ouverture : n’empêchez pas ceux qui font le bien même s’ils ne sont pas de votre clan. On n’enchaîne pas l’Esprit, on ne le met pas en bouteille. Il agit aussi en dehors de nos structures, en dehors de l’Église. L’Esprit souffle où il veut. Qui pourrait faire taire le vent ?
... et une ferme intransigeance
Cela ne veut pas dire que Jésus soit indifférent au mal. Il y a aujourd’hui une certaine tolérance qui n’est qu’un laisser-aller criminel : tout est permis... même Dutroux ! Jésus, lui, s’il demande qu’on laisse faire le bien qui s’accomplit en dehors de nous, s’indigne qu’on puisse sciemment entraîner quelqu’un au mal : « Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits... mieux vaudrait le précipiter dans la mer avec une meule au cou !... Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le ! »
Seul Jésus a le droit de prononcer ces mots impitoyables. Lui seul sait véritablement ce qu’est le péché. Si nous n’avons pas à juger les personnes, nous avons, nous aussi, à appeler un chat un chat. Le mal est le mal. Nous devons le dénoncer et le combattre.
Et s’il fallait encore nous en convaincre, il suffirait d’écouter saint Jacques, dans la seconde lecture : voilà un langage clair de prophète ! « Vous les riches qui exploitez les pauvres, pleurez... Si vous n’avez pas payé le salaire juste à ceux qui ont travaillé pour vous, leur salaire crie vengeance... Vous avez recherché sur terre le plaisir, le luxe, vous avez fait bombance pendant qu’on massacrait des gens... vos richesses sont pourries... »
Si nous voulons vraiment suivre Jésus, nous ne pouvons justifier ni nos étroitesses de clocher, ni nos molles lâchetés. Il nous demande, aujourd’hui comme hier, à la fois la tolérance et la rigueur. C’est difficile. C’est un don à demander à Dieu dans la prière.