PKO 26.08.2012

Dimanche 26 août 2012 – XXIème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

 

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°43/2012

HUMEURS

 

Les casinos (de jeux) seront « hyper contrôlés » !

On ne demande qu’à le croire… mais c’est déjà mal parti ! Si le contrôle des Casinos-jeux est aussi strict et rigoureux que l’information ci-dessous au sujet des Casinos-magasins… il y a du souci à se faire.

Dans les Nouvelles du 21 août nous lisons : « “Je veux discuter avec le père Christophe pour qu'on se comprenne mieux”, dit-il avant de glisser que ce dernier “vient chercher plusieurs fois par semaine des denrées alimentaires” dans ses grandes surfaces dénommées... Casino ».

Mensonge ? Abus de confiance à l’intérieur de l’entreprise ? Information erronée ? Je ne sais pas… mais ce dont je suis sûr c’est qu’à ce jour nous n’avons jamais ni sollicité les magasins Casino, ni rien reçu de leur part pour nos missions auprès des plus démunis. (Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne participent pas à cette mission avec d’autres organismes).

D’autre part le lien qui semble être fait entre le casino et les casinos est assez surprenant… devrions-nous comprendre que lorsque quelqu’un fait un don pour nos actions auprès des plus démunis cela entraine de notre part un devoir de silence ou d’acceptation de ce que peut faire par ailleurs le donateur ?

Ce n’est pas notre éthique ! Parmi nos bienfaiteurs, certains cessent de participer à nos actions parce qu’ils n’apprécient pas nos propos… d’autres savent faire la différence entre les actions auprès des plus démunis et nos positions théologiques, philosophiques, et éthiques.

À l’avenir nous veillerons à être encore plus prudents lorsque des dons nous seront proposés !

                                                                                         

En marge de l’actualité


Casino ? N’en jetez plus !

Le serpent de mer refait surface. Un casino viendrait sauver le tourisme polynésien ? De richissimes joueurs seraient attirés par ce « cube » climatisé, aseptisé...

Depuis 1992, régulièrement, on nous ressort les mêmes arguments sans aucun fondement. Toutes les études économiques montrent que le Produit Brut des Jeux (PBJ) d'un casino se répartit entre 10% pour les Jeux Traditionnels et 90% pour les machines à sous. « Le secteur des Jeux Traditionnels est toujours déficitaire »1. La rentabilité des casinos a décuplé, en France, avec l'arrivée des « bandits manchots ».

L'expérience calédonienne, ou encore de l'île de la Réunion, nous montre que les casinos fonctionnent essentiellement grâce à la clientèle locale, et non par la fréquentation de touristes « fortunés ».

Qui serait assez « fou » pour payer un aller-retour Shanghai-Papeete pour jouer aux machines à sous, alors que Macao offre cent fois mieux ?

Les enjeux financiers sont tout autres, ne soyons pas dupes. Et si par malheur le projet était approuvé par les autorités du Pays et par le maire de Punaauia, ce sont les joueurs Polynésiens qui seraient appâtés et « plumés » au profit de groupes étrangers. Quid alors des retombées économiques ? Les familles les moins favorisées en feraient les frais.

Nous rencontrons suffisamment de difficultés avec les joueurs du Loto, EuroMillion, Keno et autres loteries instantanées pour ne pas réagir contre l'implantation d'un casino.

Le regretté Pasteur Teinaore disait : « La tentation du jeu fait beaucoup de mal aux fidèles. Ce sont les familles les plus modestes qui se laissent attirer par l'appât du gain ». Il ajoutait : « Ce n'est pas de casino dont on a besoin mais d'éducation ». Et Mgr Michel Coppenrath répétait souvent : « On ne soigne pas le jeu par le jeu ». Ne voit-on pas des mères de famille jouer jusqu'à leurs allocations familiales ? Que se passerait-il lorsque le van du casino ferait sa tournée dans les quartiers pour y « cueillir » les joueurs et joueuses potentiels ?

Prévenir avant de commettre l'irréparable est le devoir de toute institution éducative. C'est un devoir et une responsabilité qui incombent non seulement aux Églises, mais aussi aux associations familiales et particulièrement au gouvernement et à l'Assemblée de Polynésie.

Dominique SOUPÉ

Chancelier

1 Source : Rapport Trucy sur les Jeux de hasard et d'argent, Commission des Finances du Sénat (2001-2002).

 

Saint Tarcisius – Servir le Christ avec Générosité

 

Catéchèse du pape Benoît XVI du 4 août 2010

« Aidez les prêtres à servir le Christ et l'Eglise » : C’est ainsi que le pape Benoît XVI a encouragé plus de 50 000 servants de messe, lors de l'audience générale du 4 août 2010 au cours de laquelle il a évoqué la figure de saint Tarcisius, patron des servants d'autel. Bien qu’inscrit au martyrologue romain à la date du 15 août, Saint Tarcisius est traditionnellement fêté le 26 août. À cette occasion la communauté de la Cathédrale veut aujourd’hui mettre à l’honneur nos servants d’autel… fidèle au service.

Chers frères et sœurs,

Je veux vous exprimer ma joie d'être ici aujourd'hui au milieu de vous…

Chers servants et servantes d'autel, chers amis et chères amies, chers pèlerins…, bienvenue à Rome ! Je vous salue tous cordialement… Je remercie de tout cœur Mgr Martin Gächter,… pour le grand don de la statue de saint Tarcisius et pour le foulard qu'il m’a remis. Tout cela me rappelle l'époque où moi aussi j'étais un servant d'autel…

Vous êtes nombreux ! J'ai survolé il y a quelques instants la place Saint-Pierre en hélicoptère et j'ai vu toutes les couleurs et la joie, qui est présente sur cette place ! Ainsi, non seulement vous créez un climat de fête sur la place, mais vous rendez mon cœur plus joyeux encore ! Merci !

La statue de saint Tarcisius est arrivée jusqu'à nous après un long pèlerinage. En septembre 2008, elle a été présentée en Suisse, en présence de 8 000 servants d'autel : certains d'entre vous étaient là. De Suisse, elle est passée par le Luxembourg jusqu'en Hongrie. Nous l'accueillons aujourd'hui dans la fête, heureux de pouvoir mieux connaître cette figure des premiers siècles de l’Église. La statue — comme l'a déjà dit Mgr Gächter — sera ensuite placée à proximité des catacombes de Saint-Calixte, où saint Tarcisius fut enterré. Le souhait que j'adresse à tous est que ce lieu, c'est-à-dire les catacombes de Saint-Calixte et cette statue, puisse devenir un point de référence pour les servants d'autel et pour ceux qui souhaitent suivre Jésus de plus près à travers la vie sacerdotale, religieuse et missionnaire. Que tous puissent regarder ce jeune homme courageux et fort et renouveler l'engagement d'amitié avec le Seigneur lui-même pour apprendre à vivre toujours avec Lui, en suivant le chemin qu'il nous indique avec sa Parole et le témoignage de si nombreux saints et martyrs, dont, à travers le Baptême, nous sommes devenus frères et sœurs.

Qui était saint Tarcisius ? Nous ne disposons pas de beaucoup d'informations. Nous sommes dans les premiers siècles de l’histoire de l'Église, plus précisément au troisième siècle ; on raconte qu'il était un jeune homme qui fréquentait les catacombes de Saint-Calixte ici à Rome et qu'il était très fidèle à ses engagements chrétiens. Il aimait beaucoup l'Eucharistie et, de divers éléments, nous concluons que, probablement, il était un acolyte, c'est-à-dire un servant d'autel. Dans ces années-là, l'empereur Valérien persécutait durement les chrétiens, qui étaient contraints de se réunir clandestinement dans les maisons privées ou, parfois, également dans les catacombes, pour écouter la Parole de Dieu, prier et célébrer la Messe. Même la tradition d'apporter l’Eucharistie aux prisonniers et aux malades devenait de plus en plus dangereuse. Un jour, alors que le prêtre demanda comme d’habitude, qui était disposé à apporter l'Eucharistie aux autres frères et sœurs qui l'attendaient, le jeune Tarcisius se leva et dit : « Veux-tu que je m'en charge ? ». Ce garçon semblait trop jeune pour un service aussi exigeant ! « Ma jeunesse — dit Tarcisius — sera le meilleur abri pour l'Eucharistie ». Le prêtre, convaincu, lui confia le précieux Pain en lui disant : « Tarcisius, rappelle-toi qu'un trésor céleste est remis entre tes faibles mains. Évite les chemins fréquentés et n'oublie pas que les choses saintes ne doivent pas être jetées aux chiens ni les perles aux cochons. Protégeras-tu avec fidélité et assurance les Saints Mystères ? » - « Je mourrai — répondit Tarcisius avec fermeté — plutôt que de les céder ». En route, il rencontra des amis qui, s'approchant de lui, lui demandèrent de se joindre à eux. À sa réponse négative — ils étaient païens — ils devinrent soupçonneux et insistants et ils se rendirent compte qu'il serrait quelque chose sur sa poitrine qu'il semblait défendre. Ils tentèrent de la lui arracher mais en vain ; la lutte se fit de plus en plus acharnée, surtout lorsqu'ils apprirent que Tarcisius était chrétien : ils lui donnèrent des coups de pied, lui lancèrent des pierres, mais il ne céda pas. Mourant, il fut apporté au prêtre par un officier prétorien du nom de Quadratus, devenu lui aussi, clandestinement, chrétien. Il y arriva sans vie, mais il serrait encore contre sa poitrine un petit morceau de lin contenant l'Eucharistie. Il fut enterré immédiatement dans les catacombes de Saint-Calixte. Le Pape Damase fit apposer une inscription sur la tombe de saint Tarcisius, selon laquelle le jeune homme mourut en 257. Le Martyrologe romain fixe la date au 15 août et dans le même Martyrologe est rapportée une belle tradition orale selon laquelle, sur le corps de saint Tarcisius, on ne retrouva pas le Très Saint Sacrement, ni dans ses mains, ni dans ses vêtements. On raconta que le pain consacré, défendu par sa vie par le petit martyr, était devenu chair de sa chair, formant ainsi avec son propre corps, une unique hostie immaculée offerte à Dieu.

Chères servantes et chers servants d'autel, le témoignage de saint Tarcisius et cette belle tradition nous enseignent l’amour profond et la grande vénération que nous devons avoir pour l'Eucharistie : c'est un bien précieux, un trésor dont la valeur ne peux pas être mesurée, c'est le Pain de la vie, c'est Jésus lui-même qui se fait nourriture, soutien et force pour notre chemin de chaque jour et route ouverte vers la vie éternelle, c'est le don le plus grand que Jésus nous a laissé.

Je m'adresse à vous ici présents et, à travers vous, à tous les servants d'autel du monde ! Servez avec générosité Jésus présent dans l'Eucharistie. C'est une tâche importante, qui vous permet d'être particulièrement proches du Seigneur et de croître dans une amitié vraie et profonde avec Lui. Conservez jalousement cette amitié dans votre cœur comme saint Tarcisius, prêts à vous engager, à lutter et à donner la vie pour que Jésus parvienne à tous les hommes. Vous aussi, transmettez aux jeunes de votre âge le don de cette amitié, avec joie, avec enthousiasme, sans peur, afin qu'ils puissent sentir que vous connaissez ce Mystère, qu'il est vrai et que vous l'aimez ! Chaque fois que vous vous approchez de l'autel, vous avez la chance d’assister au grand geste d'amour de Dieu, qui continue à vouloir se donner à chacun de nous, à être proche de nous, à nous aider, à nous donner la force pour vivre bien. Avec la consécration — vous le savez — ce petit morceau de pain devient Corps du Christ, ce vin devient Sang du Christ. Vous avez la chance de pouvoir vivre de près cet indicible mystère ! Vous accomplissez avec amour, avec dévotion et avec fidélité votre tâche de servants d'autel ; n'entrez pas dans l'église pour la célébration avec superficialité, mais préparez-vous intérieurement à la Messe ! En aidant vos prêtres dans le service de l’autel, vous contribuez à rendre Jésus plus proche, de manière telle que les fidèles puissent le sentir et s’en rendre compte avec plus de force : Il est ici ; vous collaborez afin qu'il puisse être plus présent dans le monde, dans la vie de chaque jour, dans l'Église et en tout lieu. Chers amis ! Vous prêtez à Jésus vos mains, vos pensées, votre temps. Il ne manquera pas de vous récompenser, en vous donnant la vraie joie et en vous faisant sentir où est le bonheur le plus complet. Saint Tarcisius nous a montré que l'amour peut nous conduire jusqu'au don de la vie pour un bien authentique, pour le bien véritable, pour le Seigneur.

À nous probablement, le martyre n'est pas demandé, mais Jésus nous demande la fidélité dans les petites choses, le recueillement intérieur, la participation intérieure, notre foi et l'effort de conserver présent ce trésor dans notre vie de chaque jour. Il nous demande la fidélité dans les tâches quotidiennes, le témoignage de Son amour, en fréquentant l'Église par conviction intérieure et pour la joie de sa présence. Ainsi pouvons-nous aussi faire savoir à nos amis que Jésus est vivant. Dans cet engagement, puisse nous aider l’intercession de saint Jean-Marie Vianney, dont c'est aujourd'hui la fête liturgique, de cet humble curé de France, qui a changé une petite communauté et a ainsi donné au monde une lumière nouvelle. Que l'exemple des saints Tarcisius et Jean-Marie Vianney nous pousse chaque jour à aimer Jésus et à accomplir sa volonté, comme l'a fait la Vierge Marie, fidèle à son Fils jusqu'au bout. Merci encore à tous ! Que Dieu vous bénisse en ces jours et bon retour dans vos pays !

© Libreria Editrice Vaticana - 2010


Les nouveaux drogués du jeu

 

Les hommes d’argent croupier… les polynésiens croupions !

Un article sur l’addiction aux jeux qui devraient faire réfléchir la Polynésie… Mais il est vrai que l’argent vaut plus que les polynésiens pour beaucoup !

« Je ne vais plus chez le coiffeur et je n'offre plus de cadeaux à ma petite-fille... Je joue. Jusqu'à me priver même de manger. Tous les soirs, je trempe du pain dans un bol de chicorée ». Germaine, 79 ans, est une vieille dame « accro » aux bandits manchots. Elle attend chaque matin devant la porte du casino, dont les grilles sont baissées. Puis, dès l'ouverture (10 heures), elle se précipite vers sa machine, devant laquelle elle reste « jusqu'à plus de sous ».

Germaine a rencontré le jeu il y a cinq ans, à la faveur d'une sortie au casino avec des amies. « Mon mari venait de mourir. Les machines à sous l'ont remplacé », confie-t-elle, laconique. Depuis, la veuve sacrifie tout sur l'autel de sa passion : pension (916 euros par mois) et économies (30 489 euros). Il y a peu de temps, le casino qu'elle fréquente l'a interdite de machines durant six mois. La vieille dame a été surprise la main dans le seau à pièces d'une autre joueuse. Elle joue dorénavant dans un autre établissement, où elle se rend en bus. « Tous mes problèmes viennent des machines, mais je ne les oublie qu'en y jouant. Quand je ne joue pas, je pleure chez moi ».

Germaine n'est pas une exception. Malgré l'absence de statistiques, on évalue en France à environ 1 % la proportion de joueurs compulsifs, soit 300 000 personnes... Une population équivalente à celle des toxicomanes. Elle fréquente d'ailleurs quelquefois les mêmes lieux de soins. Ainsi, à l'hôpital Marmottan, temple de la lutte contre les toxicomanies à Paris, le médecin-chef Marc Valleur a été obligé d'ouvrir son service aux joueurs dépendants, ou « addicts ». « Ils nous appellent. On leur dit : ici, c'est le crack, la cocaïne, l'héroïne. Ils répondent : on le sait, c'est justement pour ça que l'on vous contacte. Certains ont parfois goûté à la drogue. Et ils estiment que le jeu est plus nocif ».

Qui sont-ils ? À quoi jouent-ils ? En fait, toutes les couches sociales sont touchées, y compris les plus défavorisées. À Paris, la permanence de SOS Joueurs, seule association d'aide (aux joueurs) en France, reçoit plus d'ouvriers, d'employés et de chômeurs que de commerciaux et de cadres supérieurs. Il s'agit en majorité d'hommes, souvent mariés et pères de famille. Des joueurs très éloignés de l'univers cossu et raffiné de la littérature romanesque sur le jeu, de Dostoïevski à Stefan Zweig. Ils ne poussent pas des jetons ou des plaques sur les tapis verts des casinos. La moitié d'entre eux joue aux bandits manchots à coups de pièces de 0,50, 1 et 2 euros. Un quart environ parie sur les chevaux au PMU. Une plus petite partie mise sur des numéros au Rapido, voire « gratte » des Morpion ou des Millionnaire.

Impossible de dresser un profil type du joueur addict. À SOS Joueurs, Armelle Achour, psychologue et fondatrice de l'association, relève simplement quelques constantes : « On remarque que beaucoup de joueurs dépendants ont gagné au début une grosse somme. Ce qui les a incités à rejouer. Parallèlement, ils ont souvent connu une rupture dans leur vie : divorce, décès, perte d'emploi... ». Beaucoup consacrent au jeu la totalité de leur salaire ou allocation Assedic. Quelquefois même les allocations familiales. « J'ai des patients qui accumulent pendant plus d'un an des factures dans un tiroir, sans même ouvrir les enveloppes », raconte Armelle Achour. Ils ont trois, quatre, voire cinq crédits revolving sur le dos et sont interdits bancaires pour avoir payé leurs dettes de jeu avec des chèques sans provision. Beaucoup ont entraîné leur famille dans la spirale infernale du jeu avant de plonger dans la dépression ou la délinquance, toute ressource extérieure épuisée. 80 % des usagers de SOS Joueurs sont dépressifs. 20 % ont commis des délits : détournements de fonds, vente de biens gagés, malversations, abus de confiance, vols qualifiés, cambriolages et escroqueries en tout genre. Mais rien n'apparaît dans les statistiques de la justice. Selon le psychiatre strasbourgeois Christian Bucher, expert judiciaire auprès de la cour d'appel de Colmar, les joueurs délinquants seraient enclins à cacher leurs problèmes de jeu. Et les tribunaux ne parviendraient pas à les déceler, faute d'expertise psychiatrique. « Celle-ci n'est pas obligatoire dans les tribunaux correctionnels, donc rarement demandée par les magistrats », note le praticien.

La France en retard

En France, aucun service de l'État n'évalue les effets sociaux, sanitaires et économiques du jeu, nocifs ou pas. La dernière publication relative aux joueurs remonte à 1993. Par ailleurs, aucune étude épidémiologique ou clinique approfondie n'a encore été réalisée sur les joueurs addicts. Une carence inquiétante dont la Cour des comptes s'est émue dans son rapport 2001. Autre signal d'alarme : un rapport du Sénat, « Les jeux de hasard et d'argent », rendu public en février 2002. « La prise en charge des joueurs dépendants par notre système de santé publique est totalement déficiente », note son rapporteur, le sénateur François Trucy.

La France demeure très en retard par rapport aux autres pays, notamment anglo-saxons. Elle est pourtant une des nations qui jouent le plus : deuxième rang mondial pour les casinos (produit brut des jeux), cinquième en ce qui concerne les loteries, seconde en Europe en termes de volume de paris. Mais les trois opérateurs de jeux - Française des Jeux (FDJ), PMU et casinos - se sentent peu concernés par la dépen dance de leurs clients. La FDJ nie que ses produits soient addictifs, même si elle confie verser depuis peu une petite subvention à SOS Joueurs (7 620 euros). Au Canada, son équivalent, Loto Québec, a instauré une permanence téléphonique et une consultation pour les joueurs. Côté casinos, le groupe Accor distribue à ses clients un petit « Guide de prévention aux risques d'abus de jeux ». « Vous jouez avec votre argent, gardez la raison ! » peut-on lire. Ça s'arrête là. Aux États-Unis, une prise en charge des joueurs addicts est assurée à l'intérieur même des casinos par des psychologues. Chez nous, le seul recours proposé au joueur est de se faire interdire de jeu. Et encore la démarche n'est-elle possible que pour les jeux traditionnels (roulette, black jack...) - environ 30 000 joueurs y sont interdits.

Ces dernières années, plusieurs études nord-américaines ont montré la forte corrélation entre le développement de l'offre de jeu et la progression du nombre de joueurs pathologiques ou à problèmes. Pourtant, en France, le périmètre des jeux, défini par le ministère de l'Intérieur, ne cesse de s'élargir depuis vingt-cinq ans : Quarté, Quinté, Loto, tickets de grattage, Rapido... Il existe aujourd'hui en France un détaillant de la FDJ pour moins de 1 400 habitants. « Mieux que les boulangeries ou les bureaux de poste », observe le rapport du Sénat.

Ainsi, 30,5 millions de personnes ont joué à un jeu de la Française des Jeux, soit un Français ou une Française sur deux. Même certains mineurs s'y sont mis. « Ils grattent, constate un buraliste de Bagneux (Hauts-de-Seine). Ils achètent les tickets pour leurs parents. Et prennent souvent la manie ». D'où les inquiétudes du Sénat : « La FDJ ne peut se dispenser de veiller à ce que ses distributeurs respectent l'interdiction de vendre des jeux aux mineurs ». Selon la régie, la part des mineurs représenterait 1 à 2 % de la clientèle des jeux de grattage. Mais elle se défend de concevoir des jeux spécifiques pour les jeunes et rappelle qu'elle ne fait pas de publicité auprès d'eux. Elle a cependant installé 1 200 distributeurs automatiques en France, dont l'accès est libre.

Il y a vingt-cinq ans, les jeux d'argent se résumaient au tiercé et à la Loterie nationale pour le grand public, aux casinos pour une poignée de nantis. Aujourd'hui, le joueur moyen joue au Loto deux fois par semaine, achète deux ou trois tickets à gratter et s'installe derrière une machine à sous dès qu'il en a l'occasion. L'apparition en 1987 des bandits manchots a contribué à la démocratisation des casinos. Les salles de machines à sous sont accessibles sans aucun contrôle ni droit d'entrée et sont ouvertes toute l'année, de jour comme de nuit, dimanches et jours fériés compris. Résultat : en 2000, les casinos ont réalisé plus de 68 millions d'entrées, contre 15 millions environ dans les musées.

« Pour certaines catégories de la population qui n'ont pas accès à la Bourse, le jeu devient une sorte de placement à risque », analyse le sociologue lyonnais Jean-Pierre Martignoni, auteur de l'unique étude en France sur les machines à sous. « C'est une façon pour certains chômeurs, Rmistes ou retraités de faire fructifier de l'argent sans travailler ». 40,6 % des joueurs de bandits manchots interrogés par le sociologue pour son enquête ne travaillent pas. Parmi eux, 21,8 % sont des retraités, 18,8 % sont des inactifs. On retrouve des chiffres semblables chez les clients de la FDJ. En 1999, selon une étude interne réalisée par Ipsos, 19 % sont retraités, 24 % sont inactifs.

Des « casinos urbains »

Ces douze derniers mois, le périmètre des jeux s'est à nouveau élargi. L'État a autorisé la FDJ à créer plusieurs loteries instantanées sur l'Internet pour contrer la concurrence des réseaux clandestins. Surtout, l'ouverture de « casinos urbains » rapproche pour la première fois les machines à sous des grandes concentrations de population. Jusque-là, ces établissements de jeux demeuraient cantonnés aux stations balnéaires et thermales. Lyon est la première grande ville à bénéficier de l'amendement Chaban-Delmas, qui, depuis 1988, autorise les communes de plus de 500 000 habitants à accueillir un casino intra-muros. Et par là même les très lucratifs bandits manchots, qui représentent aujourd'hui 90 % du chiffre d'affaires des établissements de jeu. Bordeaux a également obtenu le feu vert. Toulouse, Lille, Marseille et Nantes l'attendent. Parallèlement, depuis un mois et demi, le casino d'Enghien-les-Bains, aux portes de Paris, possède 130 machines. Jusque-là, celles-ci lui avaient été refusées. « Une porte ouverte, affirme le chercheur Jean-Pierre Martignoni. C'est la première fois que le casino se rapproche des joueurs ». Son enquête montre qu'il existe un lien direct entre proximité géographique et fréquentation du casino. Un fait d'évidence qui se vérifie au nouveau casino lyonnais. « 80 % des joueurs de notre établissement ne jouaient pas auparavant. Ils se sont découvert un nouveau passe-temps », reconnaît Guy Benamou, le PDG du Pharaon. Combien deviendront dépendants au jeu ? Il ressort de l'étude de Jean-Pierre Martignoni que, si 74 % des joueurs de machines se fixent au départ une somme à ne pas dépasser, à l'arrivée 21 % excèdent cette limite. Évidemment, parmi eux, tous ne sont pas addicts. Néanmoins, cela témoigne du pouvoir de ces engins sur les joueurs.

Depuis plusieurs années, Jean-Pierre Martignoni et quelques autres spécialistes du jeu français réclament un Observatoire national des pratiques ludiques. Il ne s'agit pas pour eux de stigmatiser le jeu mais d'en évaluer les effets et essayer d'en minimiser les dégâts. Mais leurs appels restent sans réponse. Le sujet semble tabou. La peur, peut-être, de tuer la poule aux œufs d'or ? Le chiffre d'affaires global de la FDJ, du PMU et des casinos s'est élevé en 2000 à 157,4 milliards de francs. Un chiffre supérieur à celui de la SNCF, une croissance supérieure à celle de l'économie. Parallèlement, la dépendance aux jeux est souvent une souffrance silencieuse. Personne n'entend Germaine pleurer, seule, chez elle...

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Il ne faut pas dénaturer le mariage

 

Le cardinal Philippe BARBARIN décrypte la prière nationale d el’Assomption

Mercredi 15 août, lors de la fête de l'Assomption, une « proposition nationale pour une prière des fidèles », écrite par le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, a été reprise dans la plupart des paroisses du pays. Un message fort que décrypte le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon.

Le Figaro : Comme jamais elle ne l'avait encore fait, l'Église catholique lance une prière pour le 15 août qui concerne les dirigeants politiques et économiques, mais qui touche deux thèmes très sensibles que sont le mariage gay et l'euthanasie : cette prière pour la France est-elle politique ?

Mgr Philippe BARBARIN : Politique, ce n'est pas un « gros mot » ! La prière a aussi une dimension politique. Mais prier est d'abord un acte spirituel : nous nous tournons vers Dieu avec confiance, en lui demandant son aide pour ceux que nous aimons, spécialement ceux qui vivent une passe difficile. Rien de plus naturel que de prier pour sa famille, pour son pays. Jamais notre prière n'a fait abstraction des questions de la vie sociale, encore moins des souffrances des hommes. On peut dire que notre prière est marquée par les conditions de vie de la société dans laquelle nous nous trouvons. L'exemple le plus récent, ce sont les Roms à Lyon, qui ont une place particulière dans notre prière. Un curé de Villeurbanne qui s'est occupé avec ses paroissiens d'une famille de Roms depuis plus d'un an se réjouit de voir qu'elle vient d'obtenir un visa de séjour, et en même temps il exprime sa souffrance devant l'expulsion de tant d'autres ces jours-ci. Tout cela entre dans notre prière, la nourrit et la transforme chaque jour. Par la prière, nous affirmons surtout que la source ultime du bien n'est pas dans l'autorité politique. Nous prions pour celle-ci, car nous croyons que Dieu veut la bénir et peut lui donner lumière et force pour être vraiment au service de tous.

Le Figaro : Pourtant, certains qui ne partagent pas la culture ou la foi catholique peuvent considérer que cet acte ecclésial ne respecte pas la laïcité.

Mgr Philippe BARBARIN : La laïcité interdirait la prière ? Est-ce cela que vous me demandez ? Sommes-nous en tyrannie ? Allons-nous soumettre nos rites et nos formulaires au commandement de la « pensée unique » ? Dans son discours pour le 70e anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv, le président François Hollande a évoqué la prière que les Juifs font chaque shabbat pour la République, dans les synagogues. Les catholiques le font aussi, en particulier dans la grande prière liturgique du vendredi saint, et cela n'étonne ni ne gêne personne. Oui, nous prions pour les gouvernants et les législateurs, espérant que chacun cherchera d'abord le bien de tout un pays, des générations futures et suivra la voix de sa conscience, plus que la ligne de son parti.

Le Figaro : Mais l'heure est-elle si grave pour que l'Église ose ainsi manier publiquement deux sujets aussi délicats que sont prière et politique et le patronage de la France par la Vierge Marie ?

Mgr Philippe BARBARIN : Oui, l'heure est grave. C'est une rupture de civilisation de vouloir dénaturer le mariage, qui est depuis toujours une réalité merveilleuse et fragile. Il suffit de voir le nombre de fois où l'on interroge Jésus à ce sujet dans l'Évangile. On a reproché à l'Église son silence en d'autres temps. Mais si sa mission première est la prière, et j'espère qu'elle s'en acquitte fidèlement, elle doit parler quels que soient les courants qui traversent l'opinion publique. C'est la dernière consigne que Jésus nous a laissée avant de nous quitter et de nous promettre la force de l'Esprit saint : « Vous serez mes témoins… jusqu'aux extrémités de la terre ! »

Le Figaro : Le texte de la prière exprime l'opposition connue de l'Église au mariage homosexuel et à l'adoption d'enfants par ces couples. Est-ce là une étape, « soft », oserait-on dire, d'une opposition morale qui pourrait se durcir, sous d'autres formes, à la rentrée ?

Mgr Philippe BARBARIN : Avez-vous lu cette prière ? Aucune des expressions que vous utilisez ne s'y trouve. On peut prier pour l'engagement des époux, pour les enfants et les jeunes, afin qu'ils « bénéficient pleinement de l'amour d'un père et d'une mère » sans être taxé d'homophobie, j'espère ! Ce sont les intentions qui montent spontanément au cœur des croyants. Il ne faudrait pas se mettre à terroriser le bon sens…

Le Figaro : De même pour l'euthanasie, comment l'Église catholique envisage-t-elle d'exprimer son opposition formelle sur le sujet, suggérée dans cette prière ?

Mgr Philippe BARBARIN : La société doit aider chacun à vivre dans les meilleures conditions. Une loi qui justifierait l'euthanasie accréditerait l'idée que certaines vies ne méritent pas d'être vécues. Or, notre civilisation reconnaît « la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine » ; c'est la première ligne de la Déclaration des droits de l'homme. L'essentiel, c'est de manifester proximité, fidélité et tendresse à ceux qui passent la mort. La fête du 15 août, c'est justement une grande source d'espérance en ce domaine: Dieu associe la Vierge Marie à la victoire de Jésus ressuscité sur la mort. L'Assomption nous parle de ceux qui sont morts et que nous continuons d'aimer ; elle parle aussi de notre avenir, celui que nous évoquons en disant dans le Credo : « J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir ». Dans le « Je vous salue, Marie », nous demandons à la Mère de Dieu d'être avec nous, « maintenant et à l'heure de notre mort ». Redisons simplement la vérité de la mort, même si elle est rude à entendre. Je bénis les médecins qui m'ont aidé à traverser des soucis de santé… Et je dis à tous : « Souvenez-vous de ce que nous sommes: des serviteurs de la vie, de l'homme tout entier, son corps, son âme, son esprit… »

Le Figaro : Avez-vous été surpris par l'ampleur de la polémique provoquée par cet appel à la prière qui aurait très bien pu susciter l'indifférence: qu'est-ce que cela révèle, selon vous ?

Mgr Philippe BARBARIN : Petite polémique… L'Église a l'habitude d'être le paillasson sur lequel on s'essuie les pieds. Ce qui donne à penser, dans ces réactions - et paradoxalement à se réjouir -, c'est que certains semblent avoir peur de la prière. Elle est puissante, en effet !

Le Figaro : Le texte de la prière englobe la gravité de la crise économique et sociale, quel sens particulier donneriez-vous dans ce contexte à cette fête de l'Assomption ?

Mgr Philippe BARBARIN : La tentation dans une crise d'une telle ampleur, qui semble laisser aux gouvernants bien peu de marge de manœuvre, c'est de trouver des dérivatifs sur des sujets dits « sociétaux ». Faute de pouvoir résorber le chômage, on changerait le mariage, la famille… et quoi encore, demain ? Je ne suis pas sûr que cela relève de l'autorité d'un Parlement. Ceux qui nous gouvernent ont de grandes responsabilités, pour l'équilibre de la vie sociale, l'amélioration de nos conditions de vie. Leur mission est de veiller sur la santé, l'éducation, la répartition des biens, les transports, la sécurité, et d'abord la paix. C'est vraiment beaucoup ! Je ne voudrais pas qu'ils se croient la mission de changer le monde. J'espère que le pouvoir politique voit bien, comme chacun de nous, ce qui dépend de lui et ce qui le dépasse !

Par Jean-Marie Guénois

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Voulez-vous partir vous aussi ?

 

Commentaire de l’évangile du XXIème Dimanche du Temps ordinaire –Année B

« Voulez-vous partir vous aussi ? » Accueillons en plein cœur la question poignante de Jésus. C’est la crise. Jusqu’ici, les foules l’ont recherché. Des sympathisants, par centaines, ont commencé un bout de chemin avec lui. Saint Jean va même jusqu’à les appeler des « disciples ». Mais la révélation du mystère eucharistique en rebute le plus grand nombre. Ils partent sur la pointe des pieds : « Ce qu’il dit là est intolérable ». Un jour ou l’autre, comme ces Galiléens, nous serons acculés à faire le saut de la foi ou à abandonner Jésus. Lui, il nous aime trop pour ne pas respecter notre liberté. Il ne nous retient pas. Il nous aime jusqu’au drame de la croix. Le grand mystique espagnol, Jean de la Croix, le montre dans un poème : « (...) Ce berger seul et tout désolé (...) est monté sur un arbre, ses bras sont grand ouverts.Voyez le, mort, il reste suspendu, son cœur, hélas, d’amour est déchiré ».

Il faut choisir. La foi est une mise en demeure. « Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir », dit Josué, dans la première lecture. Viens prendre le Pain offert qui est le Corps du Christ ressuscité. Viens demeurer en Lui et Lui en toi, en époux aimants : « L’Amant avec la bien-aimée, l’amante en l’Amant transformée ! » (Amado con amada/ amada en el Amado transformada) comme le chante aussi Jean de la Croix. Ou bien, tu choisis de ne pas venir, tu refuses l’invitation au banquet divin.

Nous sommes faits pour l’intimité de la Trinité, ce que traduit merveilleusement l’icône de Roublev. Trois personnages sont inscrits dans un cercle vivant, mais ce cercle est ouvert vers nous, qui sommes là, devant, à contempler cette icône. La vie trinitaire nous est offerte, à la Table eucharistique. Nous sommes des « dieux par participation » (dios por paticipaçion), dit encore Jean de la Croix, à la suite de la deuxième lettre de saint Pierre (2 P 1,4).

Mais pour devenir présent à Dieu, dans une parfaite communion, nous avons à nous convertir. La seule manière infaillible de changer le monde est de commencer par nous-mêmes. Osons croire. Osons faire confiance. Il nous faut pressentir, au-delà des apparences, « l’essentiel invisible aux yeux ». « La foi est le seul moyen prochain de l’union avec Dieu », commente toujours Jean de la Croix. L’amour de l’homme et de la femme, dont nous parle la seconde lecture, peut nous faire entrevoir ce qu’est notre destinée. Nous sommes conviés à entrer dans la profondeur de Dieu, à nous unir à lui jusqu’à être divinisés, sans cesser d’être nous-mêmes. La foi demande d’aimer pour connaître. Beaucoup voudraient comprendre avant d’aimer, ce qu’ils ne font jamais lorsqu’ils tombent vraiment amoureux ! L’Eucharistie, c’est une relation d’amour.

« Seigneur, à qui irions-nous ?... Tu as les paroles de la vie éternelle... Tu es le Saint, le Saint de Dieu ».

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