PKO.22.07.2012

Dimanche 22 juillet 2012 – XVIème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

 

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°37/2012

HUMEURS

« Dans un monde soumis à la froide logique de l'économie libérale, les médias sont friands de gestes d'humanité. On pense à tel détenteur de grande fortune qui crée une fondation à but humanitaire, telle star qui s'affiche dans un magazine au milieu d'enfants africains qu'elle est venue aider, ou encore la mobilisation médiatisée en faveur des victimes d'une catastrophe... Non la générosité n'est pas morte. Mais beaucoup de ces initiatives sont aussi éphémères que médiatiques. À y réfléchir, elles ne remettent rien en question des structures qui produisent la pauvreté. Pas question bien sûr de faire la fine bouche ; les formes de la solidarité sont multiples. On ne saurait pourtant se passer de l'action à long terme pour le développement et la justice. Celle-ci est moins médiatique, mais vitale. Informer par exemple, comme l'a fait le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement, sur les pratiques de certains chefs d'État qui 1aissent affamer leur peuple pendant qu'ils - amassent d'immenses fortunes à l'étranger. On ne peut qu'admirer tous les gestes d'entraide, mais il faut en même temps s'engager pour réclamer la justice pour les pauvres, faire pression sur les décideurs politiques et économiques par une mobilisation de l'opinion. C'est de la politique ? Oui, mais la charité doit parfois se salir les mains ».

Rémy FITTERER

EN MARGE DE L’ACTUALITE

EUTHANASIE ? DROIT DE LA PERSONNE EN FIN DE VIE ? TESTAMENT VITAL ?

Le président de la République et le gouvernement semblent vouloir prendre des « précautions » avant d’ouvrir un débat (sera-t-il public ?) au sujet de l’éventuelle légalisation de l’euthanasie active. La Conférence épiscopale espagnole a conduit une réflexion approfondie apportant ainsi sa contribution au débat sur la réglementation des droits de la personne en fin de vie. Pour éviter qu’un tiers ne prenne une décision irrévocable à l’égard d’une personne n’étant plus en mesure de faire connaître sa volonté de ne pas recourir à l’euthanasie, il a été suggéré –entre autres – de rédiger un « Testament vital » dont voici un exemple1 : « À l’attention de ma famille, de mon médecin, de mon prêtre, de mon notaire. Si le moment devait arriver où je ne serais plus apte à exprimer ma volonté concernant les traitements médicaux devant m’être administrés, je souhaite et je demande que cette déclaration soit considérée comme l’expression formelle de ma volonté, assumée de manière consciente, responsable et libre, et qu’elle soit respectée comme s’il s’agissait d’un testament. Je considère que la vie en ce monde est un don et une bénédiction de Dieu, mais elle n’est pas une valeur suprême et absolue. Je sais que la mort est inévitable et met fin à mon existence terrestre, mais je crois qu’elle m’ouvre le chemin à la vie éternelle auprès de Dieu. C’est pour cela que je (soussigné) demande que si, en raison de ma maladie, je devais arriver à en être dans une situation critique irrécupérable, on ne me maintienne pas en vie au moyen de traitements disproportionnés ; qu’on ne m’applique pas l’euthanasie (tout acte ou omission qui, de par sa nature ou intention, me causerait la mort) et que me soient administrés les traitements adéquats pour soulager les souffrances. Je demande également du soutien pour assurer ma propre mort de manière chrétienne et humaine. Je souhaite pouvoir me préparer pour cet événement, en paix, en compagnie des êtres qui me sont chers, avec la consolation de ma foi chrétienne, ainsi que des sacrements. Je souscris cette déclaration après mûre réflexion. Et je vous demande, à vous qui aurez la charge de vous occuper de moi, de respecter ma volonté. Pour veiller à l’accomplissement de cette volonté, lorsque je ne serai pas en mesure de le faire moimême, je désigne … Je donne pouvoir à cette (ces) même(s) personne(s) pour que, le cas échéant, elle(s) puisse(nt) prendre en mon nom les justes décisions. J’ai rédigé et je signe cette déclaration afin de vous épargner tout sentiment de culpabilité. (Nom prénoms, lieu, date et signature) »

Dominique SOUPÉ Chancelier

1 La Documentation Catholique.

 

PRESERVER LE SENS TRANSCENDANT DE LA VIE

DECLARATION DE L’ACADEMIE CATHOLIQUE DE FRANCE SUR LA « FIN DE VIE »

Le chef de l’État a annoncé mardi 17 juillet le lancement d’une mission de réflexion sur la fin de vie confiée auprofesseur Didier Sicard, ancien président du Comité d’éthique. Cette mission devrait donner lieu d’ici décembre àl’organisation de plusieurs débats « démocratiques et citoyens ». Pour nourrir notre propre réflexion, voici laDéclaration de l'Académie catholique de France, dont la section 1 du Corps académique rassemble des scientifiques depremier plan issus des sciences exactes, des technologies et de la médecine, a rendu publique une déclaration rédigéepar une commission spécialement constituée comportant aussi des juristes, des philosophes et des théologiens.

La « fin de vie » est une question angulaire de la viesociale. Son traitement doit être à la mesure de l'enjeu supérieur qu'elle constitue pour l'avenir de l'humanité. Laréponse qui lui est apportée concerne la société tout entière et ses fondations premières ; elle doit être digne de la personne et digne de l'humanité universelle dont celle-ci participe. Les débats récents et plusieurs annonces publiques montrent l'urgente nécessité d'une parole de sagesse, audible, sur la fin de la vie humaine. De nombreuses idées réductrices, maints travestissements des faits circulent fréquemment dans certains médias, suggérant que la manière la plus efficace de lutter contre la souffrance serait de causer délibérément la mort. Il convient d'abord de relever la méprise dont est aujourd'hui l'objet l'expression « Mourir dans la dignité ». Non, mourir dans la dignité, ce n'est pas être supprimé par une piqûre létale mais c'est, que l'on soit ou non en état d'exprimer sa volonté, jouir d'une pleine considération, retenir l'attention, inspirer le respect, voir maintenue la relation avec ses proches, en recevoir l'affection, bénéficier d'amour et de soins jusque dans les ultimes moments ; c'est être le sujet, à domicile comme en institution, d'un accompagnement adapté aux situations d'angoisse et de souffrance intolérables.

Malheureusement, ainsi que plusieurs enquêtes récentes l'ont montré, la fin de vie est encore, dans notre pays, trop souvent maltraitée. La mise en place des soins palliatifs et l'exercice d'accompagnement exigent des efforts constants. Ils ont un coût élevé pour la société et demandent davantage de présence de la part  des proches. Pourtant, celui qui accompagne dans ses dernières semaines une personne proche, parente ou amie, éprouve « expérimentalement » l'imprescriptible dignité de chaque être humain. Celle-ci transcende l'état de santé du moment et la beauté du corps, la dépendance et l'absence d'espoir de guérison. Plus encore, en vertu de soins palliatifs appropriés, les derniers jours atteignent une valeur inestimable de communion humaine. Ainsi, dans la plupart des cas observés, les demandes d'euthanasie résultent de la méconnaissance par le patient en fin de vie ou par ses proches des possibilités de soulagement par les soins palliatifs, ou encore des insuffisances dans la prise en charge par l'institution médicale et par la famille. Il est remarquable que le nombre des demandes d'euthanasie diminue de facto aussitôt que les mesures d'accompagnement appropriées sont mises en oeuvre. Prenant le parti d'une approche globale de la personne et suivant l'intention de soulager les douleurs physiques autant que la souffrance psychologique, la loi dite « Léonetti », trop peu connue et appliquée, demande que soit favorisé l'accès aux soins palliatifs, tout en récusant l'acharnement thérapeutique. Jusqu'à une époque récente, le droit répugnait à régir trop étroitement ces questions, comme d'ailleurs celle de la définition de la mort, fondant la qualification juridique sur la seule appréciation médicale. Si cette retenue n'est désormais plus justifiable, il convient néanmoins de rappeler fermement que le droit n'a pas, par nature, la réponse à toutes les questions que pose la « fin de vie » et que le législateur est souvent confronté à de grandes difficultés pour traduire en termes juridiques les enjeux anthropologiques ici impliqués. D'autant que la question ne se pose pas exactement dans les mêmes termes selon que le patient se trouve ou non dans un état conscient.

L'équilibre délicat du droit des patients et des obligations des médecins

Face à un patient conscient, la question juridique peutparaître réglée par le principe de l'autonomie de la volonté : il suffirait seulement de concilier le droit des patients avec les obligations des médecins. Le droit est habitué à opérer des conciliations entre des principes en apparence opposés (par exemple liberté du travail et droit de grève). Mais il les résout en général par un recours au juge. Ici, par prudence, la loi Léonetti a voulu ajouter aux obligations des médecinscelle de respecter l'avis d'un malade exactement informé. Nous ne pensons pas qu'il faille remettre en question un équilibre si délicat. Concernant le patient inconscient, le droit ne peut que reconnaître la faiblesse des instruments juridiques habituels. Il est difficile de poser ici un principe absolu de respect des « dernières volontés » dès lors que ceux qui les expriment pourraient ne pas être informés sur les données exactes de la situation subie ; c'est pourquoi la loi Leonetti exige que les « directives anticipées » du patient datent de moins de trois ans. Il est également difficile de recourir à la notion de représentation (la charge pesant sur le représentant est alors quasi surhumaine) ; aussi la loi Leonetti donne-t-elle à la « personne de confiance » un rôle purement consultatif. Peut-on alors faire peser la charge de décision uniquement sur les médecins ? On pourrait sans doute arguer que les protections posées à l'égard de cette prise de décision (collégialité et transparence) sont insuffisantes et imparfaites. Mais quels autres mécanismes le droit pourrait-il inventer ? Nous considérons ainsi fermement que l'autorisation par la loi civile de la pratique de l'euthanasie lèverait un interdit social et moral fondamental, pilier de toute société avancée : « Tu ne tueras pas », et pourrait engendrer de nombreuses dérives. Dans les pays qui ont fait le choix de la légalisation, on observe déjà de nombreux abus sur la liberté des personnes. En vérité, la légalisation de l'euthanasie constitue un moyen au rabais et trompeur de faire face aux difficultés ; si elle était adoptée dans notre pays, elle ne ferait que retarder la mise en place de mesures permettant d'améliorer de manière durable la fin de vie de nos concitoyens ; elle entraînerait, ici comme ailleurs, une moindre responsabilité des proches. Notre société ne peut continuer à définir ses lignes d'action à partir d'une philosophie généralisée de la « maîtrise ». Elle ne saurait se mentir à elle-même face à la complexité irréductible de l'homme, de la vie et du monde. Elle ne saurait, sans dommage, partager l'illusion selon laquelle l'être humain peut vivre sans souffrir, et maîtriser son ultime destinée : mourir quand on veut, comme on veut. Prenant acte des effets catastrophiques qu'une telle philosophie a déjà entraînés sur les plans anthropologique et écologique, une saine réflexion doit plutôt traduire au plan juridique une position de prudence, refondatrice du rapport au monde. C'est donc pour des motifs puisés dans la raison et la sagesse que la société doit préserver, à même sa législation, le sens transcendant de la vie. C'est en effet devant un choix de civilisation que nous sommes placés.

Face à ces enjeux de la plus haute gravité, les intellectuels chrétiens veulent faire entendre des paroles de responsabilité, de courage et d'espérance. L'Académie catholique de France estime de son devoir d'encourager une réflexion ouverte, éclairée et audible sur le sens de la « fin de vie » ; elle souhaite, à l'écart des vaines rhétoriques et des instrumentalisations spectaculaires, voir ses considérations prises en compte et son argumentaire largement assumé.

© Copyright 2012 – Académie Catholique de France

 

ÊTRE SEXUE OU NE PAS ETRE SEXUE, VOILA LA QUESTION ?

LE MARIAGE HOMOSEXUEL ET LE DROIT A L’HOMOPARENTALITE

Le mariage homosexuel n'est rien s'il n'est pas accompagné par une reconnaissance de l'homoparentalité... À supposer qu'on l'admette c'est l'ensemble du droit des personnes qu'il faut revoir car un coup de baguette magique électorale ne suffira pas ! Voici une réflexion de Jean Hauser, professeur émérite de l'université Montesquieu - Bordeaux IV (CERFAP), parue dans la revue « La Semaine juridique ». Une réflexion en dehors de toutes références religieuses…

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On ne saurait ramener, comme le font les candidats, la question du sexe en droit des personnes à celle du mariage homosexuel et de l'homoparentalité, si ce n'est que les expressions sont commodes et véhiculent ce qu'il faut de revendications d'un côté et de crainte de l'autre (on supposera qu'on veut faire quelque chose sinon...). En réalité la question du sexe (dont celui des anges...) irrigue l'ensemble du droit des personnes non seulement national mais encore européen dans la mesure où la différenciation sexuelle est un des fondements de cette branche du droit. Pour autant la réalité de situations différentes n'est pas une nouveauté et, contre les adversaires de tout changement, on peut souligner que le mot même de mariage a recouvert dans l'histoire et la géographie des réalités concrètes très profondément diverses et des fonctions non moins variées. Ce qui est nouveau c'est la revendication d'une reconnaissance par le droit et on peut la dater clairement de l'acceptation du changement de sexe à l'état civil (ceux qui s'y opposaient dans les années 1991 avaient bien vu venir la suite...). Cette revendication se situe dans un mouvement beaucoup plus vaste (la tendance à la conventionnalisation du droit familial, visible partout, et maintenant bien étudiée, serait un sujet plus digne que les confettis individualistes sur lesquels on va discuter !) – sur lequel les candidats à l'élection devraient se prononcer plutôt que de se polariser sur le sujet facile du mariage - qui est celui de l'équilibre entre l'intervention du droit, qui suppose des définitions, et la liberté de la vie privée qui n'en supporte pas, équilibre jamais trouvé définitivement (les débats en 1884, sur la réintroduction du divorce, disparu depuis 1816, ont été extrêmement vifs... et puis 1912 sur la recherche de paternité, 1972 et la réforme Carbonnier que certains encensent aujourd'hui mais qui a suscité à l'époque de violentes critiques etc ). Le sujet, rajeuni par l'introduction des théories dites du « gender » qui font du sexe une superstructure sociale (au sens marxiste du terme !) dont le droit ne devrait pas tenir compte, a maintenant suscité une abondante littérature, nourrie par des partisans représentatifs de groupes de pression dans tous les sens. En droit français, si le Pacs a ouvert la voie à une reconnaissance officielle d'un couple de même sexe, les tentatives pour obtenir de la part des jurisprudences, nationale ou européenne, une reconnaissance expresse d'une famille équivalente ont toutes échoué, même si ses partisans, à l'affût du moindre signe, soutiennent régulièrement que c'est chose faite (pendant un temps la voie jurisprudentielle n'est pas condamnable et elle assure les transitions entre les mentalités mais vient un moment où ses inconvénients habituels se révèlent surtout quand les combattants sont à l'affût des plus petites décisions des modernes juges de Château- Thierry... il est vrai que F.Gény note que le bon juge Magnaud s'est ensuite présenté aux élections) ! Demain toute consécration du mariage homosexuel sera, cette fois, une réforme de la parenté sauf habileté stratégique qui ne fera que retarder le problème.

1, 2, 3,…

La première question méthodologique est celle de la distinction ou non entre le couple et la parenté devenue parentalité pour certains. Si on la retient on est alors obligé de constater qu'il ne peut s'agir que d'une étape provisoire, comme le droit en connaît beaucoup (en ce sens l'évolution des droits des enfants, ci-devant adultérins, depuis 1955 jusqu'à 2005 estsymbolique d'étapes successives pendant un quart de siècle), qui traduit bien l'idée de Ripert selon laquelle les lois sont des traités de paix entre des forces contraires. Telle est la méthode suivie lors de la loi Pacs en 1999 puisque aucune conséquence ne peut encore en être tirée quant à la filiation. La différenciation sexuelle du couple y demeure une donnée de la filiation et la reconnaissance du couple homosexuel se limite au mode de vie et n'atteint pas le mode de procréation. Contre une telle méthode on peut avancer plusieurs arguments. Tout d'abord l'évolution considérable de ces dernières années a conduit à dissocier complètement le mode de vie des parents et le statut des enfants. L'autorité parentale échappe complètement à ce lien. Il faudrait donc, si l'on continue sur ce chemin, retenir une nouvelle distinction méthodologique entre la fabrication des enfants qui resterait sexuée et celle de leur vie qui ne le serait pas. C'est le sens du combat indirect, mené actuellement en jurisprudence, sur l'organisation de la vie des familles homoparentales à base de « bricolages » d'adoptions ou de délégations-partages d'autorité parentale, voire de rétro délégations, alors que l'enfant est né d'opérations que, par ailleurs, on interdit ou même qui constituent des infractions pénales... On conviendra, quelle que soit l'opinion finale, que le procédé n'est pas satisfaisant ? La seconde question méthodologique qui pourrait bien être au centre des discussions de demain est celle de choisir entre un statut spécifique de l'union homosexuelle comportant les mêmes conséquences que celles de l'union hétérosexuelle ou une homogénéisation dans le vocabulaire comme dans les conséquences.

Enfin la troisième devrait imposer de s'interroger complètement sur les conséquences de ce qu'on va faire au-delà des injonctions médiatiques et des démonstrations intellectuelles qui laissent aux juristes le service après vente des idées les plus brillantes des autres.

2 OU 1 ?

La première piste est celle du Pacs en matière patrimoniale, doté peu à peu des mêmes conséquences que celles du mariage, sans que cette assimilation soulève des oppositions majeures comme en 1999. Il serait donc concevable, au besoin en changeant de nom (on hésitera à proposer « pacte civil d'union »), de poursuivre sur ce terrain, ce qui pourrait être un échappatoire pour candidats élus mais soucieux de ne pas trancher trop vite (centristes ou repentis de tous les bords ?). Hormis le fait que la méthode serait quelque peu hypocrite - mais on peut ici faire l'éloge de l'hypocrisie - (après tout, en 1884, ne ressusciter que le divorce pour faute alors que le droit français avait connu d'autres formes a conduit rapidement à l'hypocrisie des fausses lettres d'injure...) elle posera le problème du sens des revendications des couples homosexuels. Si cette revendication est uniquement technique, soit avoir un statut et pouvoir établir la filiation des enfants, la réponse devrait suffire mais, dans ce domaine, l'affichage symbolique est au moins aussi important que le contenu du texte et la solution serait certainement déficitaire sur ce point (le pacs ne sert qu'à moins de 10 % à des couples homosexuels. Quand on voit ce que fut, en 1999, l'affichage de la revendication on mesure qu'elle était largement aussi symbolique que concrète). On touche là un aspect délicat, propre au droit des personnes et de la famille à notre époque, qui a, en partie, cessé d'être à finalité concrète pour devenir une sorte de vitrine permanente des symboles souvent contradictoires de notre société, ce que les juristes ne savent pas trop faire. La seconde piste, qui paraît nourrir le débat simpliste de la campagne présidentielle, consiste à homogénéiser les statuts en satisfaisant ainsi les revendications concrètes et symboliques de certains groupes. Elle pose, pour le juriste, un problème de vocabulaire et de classement redoutable. Certes on peut toujours dire que les mots n'ont que le sens qu'on veut bien leur donner mais le mot « mariage » n'est tout de même pas n'importe quoi historiquement et, en si bon chemin, on peut liquider toute la langue française et toute la terminologie juridique. Si demain les meubles en ont assez d'entendre sur leur passage res mobilis, res vilis, ils pourront revendiquer de s'appeler « immeubles » et si les animaux obtiennent un statut ils pourront revendiquer de s'appeler personnes ! La revendication symbolique est, de plus, sans issue réelle. Quoi qu'on fasse, et même si la  distinction n'a plus d'existence juridique, on retrouvera le lendemain le clivage inévitable entre les couples (et entre les choses qui bougent et les choses qui ne bougent pas !). Il n'est même pas sûr qu'il ne fasse pas l'objet d'une revendication des adversaires car, si la discrimination consiste à traiter de manière différente des personnes placées dans des situations semblables, on pourrait tout aussi bien soutenir qu'elle consiste aussi à dénommer de façon semblable des situations différentes. La revendication symbolique est à double entrée (on peut probablement pronostiquer que, le lendemain d'une loi assimilationniste, on retrouvera la revendication d'une reconnaissance civile du mariage tel que retenu dans certaines religions : catholique, musulmane etc... ) et conduit d'ailleurs à d'insondables contradictions. En ce sens il aurait été plus clair et même plus glorieux de revendiquer un vrai statut sans imitation - pour le couple homosexuel en s'appuyant sur l'équivalence de son rôle social et sur la liberté de la vie privée sans faire l'impasse sur une différence naturelle mais cela supposait un débat concret dont on peut être sûr qu'il ne sera pas mené àl'occasion des élections ! Le symbolisme par copiage peut être aussi la négation de l'indépendance d'esprit.

2 OU 3 ?

Si, sans prendre parti sur le choix précédent, on part du principe d'une équivalence ou d'une assimilation entre les couples, il faut d'emblée détruire l'idée que tout cela se fera d'un coup de baguette juridique magique en un unique article : « le mariage ne suppose pas la différence de sexe » ou « encore le couple homosexuel bénéficie d'un statut analogue à celui du couple marié ». Il n'y aura évidemment pas de difficultés pour le statut patrimonial lequel est depuis un moment déjà assexué (le dernier refuge des traditionnalistes ? Le mariage homosexuel : La Bastille et Versailles ?). Il n'y en aura pas non plus pour le divorce sauf à noter que la différenciation sexuelle sociologique dans la répartition des créanciers et débiteurs en matière de prestation compensatoire devrait en partie disparaître... (la revanche des hommes en même temps qu'ils perdent leur titre) ! Le tableau est totalement différent pour ce qui est du droit de la filiation et les candidats, plutôt que des imprécations pour estrades électorales, feraient bien de réfléchir avant... de ne pas tenir leurs promesses ou de les tenir mal. Jamais la fameuse théorie des dominos n'aura été aussi vraie que dans ce débat et l'unification complète n'est guère concevable dans l'immédiat.

2 OU 3 OU UPSILON ?

Comme à l'habitude dans ce type de matière on peut penser que le pire va se produire dès lors que la maxime est « satisfaisons les apparences », pour le concret on verra après. Il faut tout de même rappeler que, nantie d'une méthodologie juridique aussi « élevée », la loi de 1999 a trouvé moyen de rendre les pacsés plus solidairement responsables des dettes du ménage que les gens mariés et ce jusqu'en 2006, d'oublier les personnes protégées en leur permettant de se marier et non de se pacser, de retenir comme régime de base l'indivision dont le juriste néophyte sait qu'il est le pire des régimes de gestion, etc... Nul doute que la cohorte des non-juristes qui se précipite sur notre sujet ne manquera pas d'affirmer que les conséquences sont sans importance, quitte ensuite à tirer sur les pianistes. Quelle réflexion doit d'abord être menée ? L'admission d'une union homosexuelle (mariage ou union autonome) rend obsolète la totalité du droit de la filiation et une bonne partie du droit des PMA etc... Cette révision concerne les modes juridiquement autorisés de « fabrication » des enfants et ensuite les modes d'établissement de la filiation de ces enfants qu'on ne peut qu'évoquer sommairement. Quant au cadre général : - Il faut d'abord abroger l'interdiction des mères porteuses ou de substitution puisque les couples d'homme seront naturellement (le droit ne peut pas tout malgré la théorie du « gender ») obligés d'y recourir ce qui justifiera un remboursement par le droit de la sécurité sociale sous la menace d'une discrimination. - Il faut ensuite abolir toutes les restrictions au recours à la PMA qui exigent un homme et une femme dans un couple, voire simplement un couple puisque cette exigence devient sans signification faute de modèle de référence (ce qui implique de revoir soigneusement le Code de la santé publique sur ce point) sinon on aura une revendication des célibataires. - Il faut évidemment faire de même avec le droit de l'adoption qui admet déjà l'adoption par une personne seule mais, quand l'adoption est effectuée par un couple, comporte des conditions qui deviendraient illogiques.

Quant au droit de la filiation :

Dans la mesure où, par définition, le rapport biologique n'est plus le fondement du droit de la filiation tout est à revoir pour le candidat parent qui n'est pas le parent biologique. Là encore deux pistes sont concevables. Ou bien on utilise le seul mode fictif de filiation actuellement disponible et organisé qu'est l'adoption. Revue entièrement, elle peut effectivement servir à établir tous les liens possibles entre les compagnons, compagnes, enfants etc... quel que soit leur mode de fabrication (ce qui est déjà, en partie, le cas de l'adoption simple). Elle  résentera l'inconvénient, déjà aperçu, d'un « déficit » de symbolisme, voire d'un reproche d'ostracisme, avec un régime particulier, même si ses conséquences sont celles du droit commun de la filiation. L'opération consisterait à ouvrir un large procédé de création d'un lien de filiation par la seule volonté et sans imitation de la nature. Il faudrait alors revoir non moins largement les possibilités de révocation de l'adoption sans prendre modèle sur les actions en contestation d'état puisque la preuve biologique serait sans utilité. Admettre la simple résolution potestative n'est guère imaginable, refuser toute résolution (sur le modèle des articles 311-19 et 311-20 en matière de PMA) ne l'est pas non plus. Ou bien on procède à une totale assimilation et c'est tout le droit de la filiation qu'il faut revoir, soit par extension

point par point, soit par réforme globale. On peut ainsi, par exemple, estimer que la présomption de paternité n'a plus lieu d'être ou, au contraire, admettre qu'on l'étend à tous, ce qui devrait conduire à la débaptiser en « présomption de parenté » qui résulterait du mariage sauf à aller encore plus loin (puisqu'on en est au vocabulaire !) et admettre une présomption de paternité ou une reconnaissance de paternité en faveur d'une femme et, inversement, la preuve d'une maternité à l'égard d'un homme (les groupes qui soutiennent l'utilisation neutre du mot « mariage » irontils jusqu'à revendiquer l'utilisation des mots père et mère sans référence au sexe ?). Bien entendu c'est tout le régime des actions d'état qu'il faut revoir, les contestations fondées sur l'absence de lien biologique ne pouvant plus résumer, à elles seules, les refus de filiation.

1134 OU LA SECONDE MORT D'EMMANUEL GOUNOT

En réalité pour les filiations non biologiques ainsi consacrées c'est tout un régime de type conventionnel qu'il faudrait construire avec de redoutables questions sur les résolutions ou résiliations, sur l'effet des conventions passées entre les membres du couple sur les enfants « commandés » ou « programmés » et sur les relations entre les deux systèmes. En ce sens le mouvement ainsi très sommairement décrit est inséparable de la conventionnalisation en général du droit des personnes. Mais il est illusoire de penser qu'on s'arrêtera au droit civil. Croit-on un instant que le régime fiscal favorable à la filiation biologique sera maintenu alors que la filiation volontaire pourra abriter toutes les constructions et montages (la rédaction actuelle, franchement hostile à l'adoption simple, de l'article 786 CGI pourrait faire école... ) ? On peut en dire autant du droit social.

00000...

Ce qu'il ne faudrait pas faire : - légiférer sous la pression des groupes sociopolitiques ou communautaristes, de tout bord, qui ne défendent que leurs intérêts comme c'est leur rôle ; - légiférer sous la pression du « cela se fait toujours ailleurs » ce qui, pour l'instant, est statistiquement faux en Europe et dans le monde et justifierait alors bien d'autres assimilations inadmissibles ; - légiférer sans mesurer toutes les conséquences collatérales sur d'autres points de principe du droit familial : sera-t-il encore logique de refuser d'accueillir les mariages polygamiques alors qu'on aura accueilli les mariages homosexuels ? Mesurer que tous les principes retenus en matière de procréation médicalement assistés deviendront peu ou prou obsolètes ou au moins à revoir et que la mondialisation de la fabrication des enfants sera ainsi approuvée ; - légiférer sans parcourir tous les autres codes etensembles législatifs ce qui conduit à un désordre de plusieurs années avant d'y voir clair (voir le pacs qui vient seulement, par ex., d'être intégré dans le Code des étrangers... 13 ans après la loi !) ; - enfin, et c'est peut-être le plus délicat, oublier que l'ouverture à la seule volonté des adultes de la fabrication des enfants, sans aucune référence à la nature, conduit à une nouvelle analyse de l'enfant devenu un enfant purement potestatif dont l'intérêt pourrait passer au second plan malgré d'innombrables affirmations contraires. Le droit de la famille a connu d'autres épreuves et rien n'est éternel. La République laïque a su jadis répondre à bien d'autres débats. Le rêve d'une famille définie de façon « neutre » n'est pas forcément un cauchemar mais pas non plus la terre promise. La décision politique de principe - qui mériterait mieux qu'une campagne électorale – devra s'accompagner d'une préparation juridique soignée si l'on décide de franchir le pas. À défaut il faut inviter les juristes à décliner toute responsabilité et à être les greffiers intransigeants des conséquences qui se produiront.

© La Semaine juridique – 2012

 

COMME DES BREBIS SANS BERGER…

COMMENTAIRE DE L’EVANGILE DU XVIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE –ANNEE B

En suivant de près le texte de l'évangile d'aujourd'hui, nous pouvons y découvrir quatre lois essentielles de l'apostolat. Ce sont elles seules qui permettent aux pasteurs de tenir bon face à l'indifférence de tant de gens qui ne viennent auprès de leur curé que pour franchir quelques seuils : baptêmes, mariages, enterrements, ou pour lui soutirer quelques sous…

Rendre compte à Jésus

L'apôtre, - prêtre, diacre ou laïc engagé -, ne fait pas une propagande à son compte ou une campagne électorale. Il n'est le représentant que d'un autre. Il est envoyé par Jésus. Il lui faut donc rendre compte à son envoyeur. Il doit rapporter à Jésus, dans la prière, se vie apostolique. C'est déjà le but de l'assemblée eucharistique du dimanche. Après leur mission dans la semaine, les chrétiens reviennent avec toute leur vie quotidienne auprès de Jésus.

Prendre le temps du repos avec Jésus

Mais ce principe va beaucoup plus loin encore, car nous entendons Jésus redire à ses amis : « Venez à l'écart, dans un endroit désert, et reposez-vous un peu ». La vie profonde exige du recueillement. L'agitation extérieure n'engendre que la superficialité et l'irritation. Plus encore que notre corps, ce sont nos nerfs, notre cœur et notre esprit qui ont besoin de se refaire, de changer d'air et de rythme. Pour l'apôtre qui compte infiniment plus d'échecs que de réussites sur le plan humain, la détente est vitale. Interrogeons-nous sur la part de désert, de silence que je mets dans mes journées et mes semaines. Seul le désert pourra transformer la litanie noire de l'apathie des gens à qui la religion ne dit rien, de la méchanceté de quelques uns et de l'éloignement moral et physique des responsables en une prière confiante.

Accepter l'inattendu dans nos plans

Alors que Jésus espérait un temps de repos, voici que la foule l'a rattrapé. Il veut débarquer sur une plage tranquille pour être tout seul, et la plage est déjà pleine de monde. Il accepte de se laisser déranger. Seule la prière pourra nous donner le tonus nécessaire pour abandonner certains de nos plans pour nous consacrer à d'autre tâches. Et c'est ici qu'intervient la grâce du discernement, qu'on reçoit dans la prière : que faut-il abandonner ? Que faut-il faire en priorité ?

Enseigner la Parole de Dieu

Quelle était donc la priorité apostolique de Jésus ? C'est de répondre à l'ignorance dans laquelle étaient immergées les foules. Pour rejoindre ce grand manque de ces gens qui ne savent où ils vont, qui sont « comme des brebis sans berger », Jésus enseigne longuement, nous dit saint Marc. L'évangéliste ne nous dit rie du contenu de ce long sermon, ce jour-là. Mais, pendant les cinq dimanches à venir, nous allons, précisément, lire le plus long sermon de Jésus, celui sur le Pain de vie. Il nous fournira l'occasion de nous ressourcer.

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