PKO 21.10.2012
Dimanche 21 octobre 2012 – XXIXème Dimanche du Temps ordinaire – Année B
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°52/2012
HUMEURS
Le sens du bien commun !
La valeur qui semble disparaître totalement dans la société contemporaine : le sens du bien commun est couramment remplacée par « Ce qui est à tout le monde est à moi… j’en dispose à ma guise ! »
Ce qui surprend c’est que cette attitude individualiste se retrouve au sein même de l’Église…
C’est ainsi que d’aucuns s’arrogent le droit d’user de tel ou tel bien de l’Église universelle pour en tirer un bénéfice. Oh ! Certes pas pour soi ou pour un petit groupe, mais à des fins pastorales… par conséquent, nécessairement nobles !
Or, « La fin justifie les moyens » n’est pas une valeur évangélique ! Si l’Église nous donne une consigne et que nous nous plaçons au-dessus, et si cette consigne ne va pas à l’encontre de notre conscience et du respect de notre dignité… qu’en est-il alors de notre crédibilité ?
Le logo de l’Année de la Foi, réalisé par le Conseil pontifical pour la Nouvelle Évangélisation, relève du bien commun de l’Église universelle…il est mis à disposition de tous : « Le copyright du logo appartient au Saint-Siège et plus précisément au Conseil Pontifical pour la promotion de la Nouvelle Evangélisation, mais il peut être librement utilisé par les Conférences Épiscopales, les diocèses, les paroisses et par d'autres organismes de l'Église catholique, à condition de ne pas l'utiliser dans un but lucratif » Son utilisation pour la vente d’objets, quand bien même il s’agirait d’un projet pastoral, ne peut se justifier… car il est une appropriation par quelques-uns du bien de tous…
On arguera que le « Vatican » n’est en rien lésé ou appauvri par l’utilisation de ce logo pour la confection de t-shirt revendus au profit de la pastorale…
Exact… cependant ce qui est lésé et profondément blessé c’est notre sens du bien commun, notre sens de l’appartenance à un corps solidaire qui ne s’approprie pas le bien de tous…
Si l’intention n’est pas mauvaise…il n’en demeure pas moins qu’elle illustre cependant une réalité de notre société, dont l’Église n’est malheureusement pas exempte, la perte du sens du bien commun.
Nous avons besoin de moyens pour assurer la mission de l’Église mais c’est en donnant que l’on reçoit… et non en forçant la porte… « La fin justifie les moyens » ne peut être notre critère…
Que cette année de la Foi nous réapprenne le sens de la gratuité du don de Dieu… le sens du bien commun et la soif de vérité.
En marge de l’actualité
Merci de témoigner !
Chaque année, vous donnez, au cours de la Semaine Missionnaire Mondiale, vos prières, votre temps, votre attention, et une offrande de près d’un million cinq cent milles euros.
Soyez-en remerciés, pour les 1 350 diocèses dans le monde que votre offrande fait vivre, pour les 6 000 projets que votre partage permet de financer. Car les Œuvres Pontificales Missionnaires, présentes dans 140 pays, seules destinatrices de la quête pour les Missions, ne sont que le prolongement de votre engagement, de votre souci de l’autre et de votre générosité. Elles sont le simple outil dont s’est doté l’Église pour organiser la charité en son sein.
Votre don est un témoignage !
Qui d’autre que nous tous, catholiques, portera le souci des Églises les plus pauvres, de la formation des futurs prêtres et des catéchistes, sans oublier les nombreux projets de santé, d’éducation, d’évangélisation, portés par les OPM ? Votre don est un témoignage de foi, d’amour, de solidarité. Cette année encore, merci de témoigner !
Œuvres Pontificales Missionnaires
Une « longue histoire d’amitié avec l’homme »
Catéchèse du pape Benoît XVI du 17 octobre 2012
« Dieu s’est révélé par des paroles et des œuvres dans toute une longue histoire d’amitié avec l’homme, qui culmine dans l’incarnation du Fils de Dieu et dans le mystère de sa mort et sa résurrection » : c’est la foi de l’Église que Benoît XVI invite à « reconnaître » pendant cette Année. Le pape a lancé un nouveau cycle de catéchèses pour l’Année de la foi.
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, je voudrais introduire le nouveau cycle de catéchèses qui va se dérouler tout au long de l’Année de la foi dans laquelle nous venons d’entrer et qui interrompt, pendant cette période, le cycle consacré à l’école de prière. J’ai lancé cette année particulière, avec la lettre apostolique Porta Fidei, précisément pour que l’Église renouvelle son enthousiasme de croire en Jésus-Christ, unique sauveur du monde, qu’elle ravive sa joie de marcher sur le chemin qu’il nous a indiqué et qu’elle témoigne concrètement de la force transformante de la foi.
Le rappel des cinquante ans de l’ouverture du concile Vatican II est une occasion importante pour retourner à Dieu, pour approfondir et vivre plus courageusement sa foi, pour affermir son appartenance à l’Église, « maîtresse d’humanité », qui, à travers l’annonce de la Parole, la célébration des sacrements et les œuvres de charité, nous guide pour rencontrer et connaître le Christ, vrai Dieu et vrai homme. Il s’agit d’une rencontre, non pas avec une idée ou un projet de vie, mais avec une Personne vivante qui nous transforme en profondeur et nous révèle notre véritable identité d’enfants de Dieu. La rencontre avec le Christ renouvelle nos relations humaines en les orientant, jour après jour, vers une plus grande solidarité et fraternité, dans la logique de l’amour. Avoir foi dans le Seigneur n’est pas un fait qui intéresse seulement notre intelligence, le terrain du savoir intellectuel, mais c’est un changement qui engage notre vie et tout notre être : nos sentiments, notre cœur, notre intelligence, notre volonté, notre corporéité, nos émotions, nos relations humaines. Avec la foi, tout change en nous et pour nous, et se dessinent alors clairement notre destin futur, la vérité de notre vocation dans l’histoire, le sens de la vie, le goût d’être des pèlerins en marche vers la patrie céleste.
Mais, posons-nous la question : la foi est-elle vraiment la force transformante de notre vie, de ma vie ? Ou bien elle est seulement un des éléments qui font partie de l’existence, sans être le point déterminant qui l’implique totalement ? Avec les catéchèses de cette Année de la foi, nous voulons nous mettre en route pour fortifier ou retrouver la joie de la foi, en comprenant qu’elle n’est pas quelque chose d’étranger, de détaché de la vie concrète, mais elle en est l’âme. La foi en un Dieu qui est amour, et qui s’est fait proche de l’homme en s’incarnant et en se donnant sur la croix pour nous sauver et nous rouvrir les portes du Ciel, indique de façon lumineuse que la plénitude de l’homme ne se trouve que dans l’amour.
Aujourd’hui, il est nécessaire de le redire clairement, lorsque les transformations culturelles en acte montrent souvent tant de formes de barbaries qui passent pour être le signe de « conquêtes de civilisation » : la foi affirme qu’il n’y a pas de véritable humanité sinon dans les lieux, les gestes, les temps et les formes où l’homme est animé de l’amour qui vient de Dieu, exprimé comme un don, manifesté dans des relations riches d’amour, de compassion, d’attention et de service désintéressé envers l’autre. Là où sont la domination, la possession, l’exploitation, la réduction de l’autre à une marchandise par égoïsme, l’arrogance du moi replié sur lui-même, l’homme est appauvri, dégradé, défiguré. La foi chrétienne, active dans la charité et forte dans l’espérance, ne limite pas mais humanise la vie, et même elle la rend pleinement humaine.
La foi, c’est accueillir ce message transformant dans notre vie, c’est accueillir la révélation de Dieu, qui nous fait connaître qui Il est, comment il agit, quels sont ses projets pour nous. Certes, le mystère de Dieu demeure toujours au-delà de nos concepts et de notre raison, nos rites et nos prières. Cependant, avec la révélation, c’est Dieu lui-même qui se communique, se raconte, se rend accessible. Et nous sommes rendu capables d’écouter sa parole et de recevoir sa vérité. Voilà la merveille de la foi : Dieu, dans son amour, crée en nous – à travers l’œuvre de l’Esprit-Saint – les conditions adéquates pour que nous puissions reconnaître sa parole. Dieu lui-même, dans sa volonté de se manifester, d’entrer en contact avec nous, de se rendre présent dans notre histoire, nous rend capables de l’écouter et de l’accueillir. Saint Paul l’exprime avec joie et reconnaissance lorsqu’il dit : « Nous ne cessons de rendre grâces à Dieu de ce que, une fois reçue la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l'avez accueillie, non comme une parole d'hommes, mais comme ce qu'elle est réellement, la parole de Dieu » (1 Th 2, 13).
Dieu s’est révélé par des paroles et des œuvres dans toute une longue histoire d’amitié avec l’homme, qui culmine dans l’incarnation du Fils de Dieu et dans le mystère de sa mort et sa résurrection. Dieu s’est non seulement révélé dans l’histoire d’un peuple, non seulement il a parlé par les prophètes, mais il a franchi les portes du ciel pour entrer sur la terre des hommes, comme un homme, pour que nous puissions le rencontrer et l’écouter.
Et de Jérusalem, l’annonce de l’Évangile du salut s’est diffusée jusqu’aux extrémités de la terre. L’Église, née du côté du Christ, est devenue porteuse d’une nouvelle et solide espérance : Jésus de Nazareth, crucifié et ressuscité, sauveur du monde, qui est assis à la droite du Père et qui est le juge des vivants et des morts. Voilà le kérygme, l’annonce centrale et ininterrompue de la foi. Mais depuis les débuts, se pose le problème de la « règle de la foi », c’est-à-dire de la fidélité des croyants à la vérité de l’évangile, dans laquelle ils doivent demeurer fermes, à la vérité salvifique sur Dieu et sur l’homme qu’il faut garder et transmettre. Saint Paul écrit : « vous vous sauvez, si vous le [l’évangile] gardez tel que je vous l'ai annoncé ; sinon, vous auriez cru en vain » (1 Co 15, 2).
Mais où trouvons-nous la formule essentielle de la foi ? Où trouvons-nous les vérités qui se sont fidèlement transmises et qui constituent la lumière pour notre vie quotidienne ? La réponse est simple : dans le Credo, dans la Profession de foi, ou Symbole de la foi, nous nous rattachons à l’événement originel de la personne et de l’histoire de Jésus de Nazareth ; ce que l’apôtre des gentils disait aux chrétiens de Corinthe devient alors concret : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu'il a été mis au tombeau, qu'il est ressuscité le troisième jour » (1 Co 15, 3).
Aujourd’hui encore nous avons besoin que le Credo soit mieux connu, compris et prié. Il est important surtout que le Credo soit, pour ainsi dire, « reconnu ». Connaître, en effet, pourrait être une opération purement intellectuelle, alors que « reconnaître » signifie la nécessité de découvrir le lien profond entre les vérités que nous professons dans le Credo et notre existence quotidienne, pour que ces vérités soient vraiment et concrètement, comme elles l’ont toujours été, une lumière pour nos pas dans notre vie, une eau qui irrigue dans la sécheresse de notre chemin, une vie qui l’emporte sur les déserts de la vie contemporaine.
La vie morale du chrétien se greffe sur le Credo et trouve en lui son fondement et sa justification.
Ce n’est pas un hasard si le bienheureux Jean-Paul II a voulu que le Catéchisme de l’Église catholique, norme sûre pour l’enseignement de la foi et source certaine d’une catéchèse renouvelée, soit fondé sur le Credo. Il s’agissait de confirmer et de conserver ce noyau central de la vérité de la foi, en le restituant dans un langage plus intelligible aux hommes de notre temps, c’est-à-dire à nous-mêmes. Il est du devoir de l’Église de transmettre la foi, de communiquer l’Évangile, afin que les vérités chrétiennes soient lumière dans les nouvelles transformations culturelles, et que les chrétiens soient capables de rendre raison de l’espérance qu’ils portent (cf. 1 P 3, 14). Aujourd’hui, nous vivons dans une société profondément changée même par rapport à un passé récent, et en mouvement continu. Les processus de la sécularisation et d’une mentalité nihiliste diffuse, dans laquelle tout est relatif, ont marqué fortement la mentalité commune. Ainsi, la vie est souvent vécue avec légèreté, sans idéaux clairs ni d’espérances solides, au sein de liens sociaux et familiaux inconsistants, provisoires. Et surtout, les nouvelles générations ne sont pas éduquées à la recherche de la vérité et du sens profond de l’existence qui dépasse le contingent, à la stabilité des affections, à la confiance. Au contraire, le relativisme pousse à ne pas avoir de points de repère fermes, le soupçon et l’inconstance provoquent des ruptures dans les relations humaines, alors que la vie est vécue dans des expériences qui durent peu, irresponsables. Si l’individualisme et le relativisme semblent dominer l’esprit de beaucoup de nos contemporains, on ne peut pas dire que les croyants soient totalement à l’abri de ces dangers, auxquels nous sommes confrontés dans la transmission de la foi. L’enquête lancée dans tous les continents pour la célébration du synode des évêques sur la nouvelle évangélisation en a mis certains en lumière : une foi passive, vécue de manière privée, le refus de l’éducation à la foi, la fracture entre vie et foi.
Le chrétien, souvent, ne connaît pas même le noyau central de sa foi catholique, du Credo, au point de laisser la place à un certain syncrétisme et à un relativisme religieux, sans idée claire sur les vérités à croire et sur la singularité salvifique du christianisme. Nous ne sommes pas si loin du risque de construire, pour ainsi dire, une religion « à la carte ». Il faut, au contraire, nous tourner vers Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, il faut que nous redécouvrions le message de l’évangile, que nous le fassions entrer plus profondément dans nos consciences et notre vie quotidienne.
Dans les catéchèses de cette Année de la foi, je voudrais offrir une aide pour accomplir ce chemin, pour reprendre et approfondir les vérités centrales de la foi sur Dieu, sur l’homme, sur l’Église, sur toute la réalité sociale et cosmique, en méditant et en réfléchissant sur les affirmations du Credo. Et je voudrais qu’il en résulte clairement que ces contenus ou vérités de la foi (fides quae) se relient directement à notre vécu ; ils demandent une conversion de notre existence, qui donne vie à une nouvelle manière de croire en Dieu (fides qua). Connaître Dieu, le rencontrer, approfondir les traits de son visage met en jeu notre vie, parce que Dieu entre dans les dynamismes profonds de l’être humain.
Puisse le chemin que nous accomplirons cette année nous faire tous grandir dans la foi et dans l’amour du Christ, pour que nous apprenions à vivre, dans nos choix et nos actions quotidiennes, la vie bonne et belle de l’Evangile. Merci.
© Libreria Editrice Vaticana – 2012
Saint Jacques BERTHIEU
Que l’Esprit Saint nous donne de mettre en œuvre ses options de vie
En prélude à la canonisation par Benoît XVI, dimanche 21 octobre sur la place Saint-Pierre, du P. Jacques Berthieu (1838-1896), le P. Adolfo Nicolas, préposé général des Jésuites, a adressé aux membres de la Compagnie de Jésus une lettre retraçant la vie et l’œuvre de ce jésuite français missionnaire à Madagascar.
Chers frères dans le Christ,
Le Père Jacques Berthieu, jésuite français (1838-1896), prêtre et missionnaire à Madagascar, fut déclaré bienheureux martyr de la foi et de la chasteté par le pape Paul VI en 1965 durant le Concile Vatican II. Il sera canonisé à Rome le 21 octobre prochain avec six autres bienheureux ; ce jour coïncide avec la Journée mondiale des missions et s’inscrit au cœur de l’Année de la Foi et du Synode des Evêques sur la Nouvelle Evangélisation. Pour la Compagnie, cette année 2012 est de plus celle de la Congrégation des Procureurs qui s’est tenue en juillet à Nairobi ; la vitalité apostolique des provinces d’Afrique et Madagascar regroupées dans le JESAM et la prise de conscience renouvelée du sentire cum Ecclesia nous invitent à recevoir avec ferveur le témoignage de Jacques Berthieu. Après avoir rappelé les étapes de sa vie et son martyre telles que les sources les présentent, je dégagerai certains aspects de sa sainteté qui nous interpellent aujourd’hui.
Né le 27 novembre 1838 sur le domaine de Montlogis, à Polminhac, en Auvergne, au centre de la France, où ses parents étaient fermiers, Jacques Berthieu fit ses études au séminaire de Saint-Flour, avant d’être ordonné prêtre de ce diocèse en 1864 et nommé vicaire à Roannes-Saint-Mary où il restera neuf ans. Désirant partir évangéliser dans des contrées lointaines et fonder sa vie spirituelle sur les Exercices de Saint Ignace, il demande son admission dans la Compagnie de Jésus et entre au noviciat à Pau en 1873. Il quitte en 1875 le port de Marseille vers deux îles au large de Madagascar, la Réunion puis Sainte-Marie (alors sous dépendance de la France et aujourd’hui appelée Nosy Bohara) où il étudie la langue malgache et se forme à la mission.
En 1881, la législation française ferme aux jésuites les territoires français, mesure qui contraint Jacques Berthieu à passer sur la grande île de Madagascar. Il y travaille tout d’abord dans le district d’Ambohimandroso-Ambalavao, à Fianarantsoa, dans la partie sud des hauts plateaux. Puis, durant la première guerre franco-malgache, il assure des ministères divers sur les littoraux est et nord. À partir de 1886, il dirige la mission d’Ambositra, à 250km au sud d’Antananarivo, puis celle d’Anjozorofady-Ambatomainty, au nord de la capitale. Une seconde guerre l’oblige à s’éloigner. En 1895, l’insurrection des Menalamba (les toges rouges) contre les colonisateurs vise également les chrétiens. Jacques Berthieu cherche à placer ceux-ci sous la protection des troupes françaises. Privé de la protection d’un colonel français à qui il avait reproché sa conduite envers les femmes du pays, il dirige un convoi de chrétiens vers Antananarivo et s’arrête au village d’Ambohibemasoandro. Le 8 juin 1896, les Menalamba font irruption dans le village et finissent par trouver Jacques Berthieu qui s’était caché dans la maison d’un ami protestant ; ils s’emparent de lui et le dépouillent de sa soutane ; l’un des leurs lui arrache son crucifix, en disant : « Est-ce là ton amulette, est-ce ainsi que tu égares le peuple et vas-tu prier encore longtemps ? » « Il me faut prier jusqu’à la mort, répond-il ». Un des leurs lui porte un coup de machette au front ; il tombe à genoux, son sang coule abondamment. Les Menalamba l’emmènent pour ce qui sera une longue marche. Blessé au front, Jacques Berthieu dit à ceux qui le conduisent : « Lâchez-moi les mains, que je prenne mon mouchoir dans ma poche pour essuyer le sang au dessus mes yeux car je ne vois pas le chemin ». Plus loin, quelqu’un s’approche et Jacques Berthieu lui demande : « As-tu reçu le baptême, mon enfant ? ». « Non », répond l’autre. Alors, fouillant dans sa poche, Jacques Berthieu en tire une croix et deux médailles qu’il lui donne en ajoutant : « Prie Jésus-Christ tous les jours de ta vie. Nous ne nous reverrons plus, n’oublie pas ce jour, apprends la religion chrétienne et demande le baptême quand tu verras un prêtre ».
Lorsqu’après une dizaine de kilomètres de marche il arrive au village d’Ambohitra où se trouve l’église qu’il avait fondée, quelqu’un déclare qu’il n’est pas possible qu’il entre au camp car il en profanerait les objets sacrés, désignant ainsi les fétiches. À trois reprises, on lui lance une pierre, à la troisième il tombe prosterné. Non loin du village, alors qu’il est en sueur, un Menalamba lui prend son mouchoir, le trempe dans la boue et l’eau souillée et lui en ceint la tête ; des huées s’élèvent : « Voici le roi des Vazaha (Européens) ». Certains vont même jusqu’à l’émasculer, provoquant une nouvelle perte de sang qui l’épuise.
La nuit est proche. À Ambiatibe, village situé à 50 km au nord d’Antananarivo, après délibération, décision est prise de le tuer. Le chef rassemble un peloton de six hommes armés de fusils. À cette vue, Jacques Berthieu s’agenouille. Deux hommes tirent ensemble et le manquent. Il se signe et s’incline. Un des chefs s’approche et lui dit : « Renonce à ton odieuse religion, n’égare plus le peuple, nous ferons de toi notre conseiller et notre chef et nous t’épargnerons ». Il réplique : « Je ne puis y consentir, je préfère mourir ». Deux hommes tirent de nouveau. Il s’incline encore pour prier, on le manque. Un autre tire le cinquième coup et l’atteint, sans le tuer. Il reste à genoux. Un dernier coup presque à bout portant achève Jacques Berthieu.
Missionnaire, Jacques Berthieu décrivait ainsi sa tâche : « Voilà le missionnaire : se faire tout à tous, à l’intérieur et à l’extérieur ; s’occuper de tout, hommes, bêtes et choses, et tout cela finalement pour gagner des âmes, d’un cœur large et généreux ». En témoignent ses multiples efforts en vue de promouvoir l’instruction scolaire, la construction de bâtiments, l’irrigation et le jardinage ou la formation agricole. Il fut un infatigable catéchiste. Un jeune maître d’école, l’accompagnant en tournée, voyant qu’à cheval il avait son catéchisme ouvert sous les yeux, lui dit : « Mon Père, pourquoi étudiez-vous encore le catéchisme ? » Il lui répondit : « Mon enfant, le catéchisme est un livre qu’on ne saurait trop approfondir, car il contient toute la doctrine catholique ». À cette époque, une fois parti en mission, il n’était pas question de retourner au pays natal. « Dieu sait, disait-il, si j’aime encore le sol de la patrie et de la terre chérie d’Auvergne. Cependant Dieu me fait la grâce d’aimer bien plus encore ces champs incultes de Madagascar, où je peux seulement pêcher à la ligne quelques âmes pour Notre Seigneur… La mission progresse, bien que les fruits ne soient encore qu’en espérance en bien des endroits et peu visibles en d’autres. Mais que nous importe, pourvu que nous soyons de bons semeurs ? Dieu donnera la croissance en son temps ».
Homme de prière, il puise en celle-ci sa force. « Quand j’allais le trouver, a déclaré l’un de ses catéchistes, je le trouvais presque toujours à genoux dans sa chambre » ; et un autre : « Je n’ai vu de Père rester plus longtemps devant le Saint-Sacrement. Quand on le cherchait, on était sûr de le trouver là ». Un frère de sa communauté a rendu aussi ce témoignage : « Dès qu’il fut en convalescence, chaque fois que j’entrais dans sa chambre, je le trouvais à genoux, priant ». Son amour de Dieu était tel qu’on l’appelait « Tia vavaka » (pieux). On le voyait toujours le chapelet ou le bréviaire à la main. Sa foi s’exprimait dans sa piété envers le Saint Sacrement, la Messe étant le foyer de sa vie spirituelle. Il professait aussi une dévotion spéciale au Sacré-Cœur auquel il se consacra à Paray-le-Monial avant son départ en mission ; il se fit d’ailleurs l’apôtre de ce culte parmi les chrétiens malgaches. Fervent dévot de la Vierge Marie, il s’était rendu en pèlerinage à Lourdes ; le rosaire était sa prière favorite, qu’il récitait quand on le conduisit à la mort. Il révérait aussi Saint Joseph.
Pasteur, il s’adresse aux chrétiens avec les mots mêmes du Christ : « Mes petits enfants » (Jn 13,33) ; quant à ses bourreaux, il les interpelle avec douceur : « Ry zanako - Mes enfants ». Sa charité était pleine de respect pour autrui, même lorsqu’il devait reprendre un fidèle qui s’égarait ; pourtant, il savait parler fort et ferme, s’il jugeait les intérêts de Dieu et de l’Église lésés. Il ne cachait pas les exigences de la vie chrétienne, à commencer par l’unité et l’indissolubilité du mariage monogame. La polygamie étant monnaie courante à l’époque, il dénonçait l’injustice et les abus qui en découlent, s’attirant de la sorte autant d’ennemis, surtout parmi les détenteurs du pouvoir.
La veille de sa mort, alors qu’il se dirige vers la capitale avec les fidèles traqués par les Menalamba, il est saisi de pitié à la vue d’un jeune homme blessé au pied et se met en quête de porteurs, leur proposant une forte somme en échange de ce service ; tous se récusent. Descendant alors de cheval, il hisse l’infirme sur la monture et, malgré sa propre faiblesse, va désormais lui-même à pied, tirant l’animal par la bride. « C’était un homme doux, déclare un témoin, patient, zélé à remplir son ministère, alors même qu’on l’appelait à minuit ou que la pluie tombait à verse ». Au sud d’Anjozorofady vivaient deux femmes lépreuses ; chaque fois qu’il revenait de ses tournées, il allait les voir, leur portait vivres et vêtements et leur enseignait le catéchisme, jusqu’au jour où il put les baptiser. Accompagner les mourants dans leur agonie lui tenait à cœur : « Que je mange ou que je dorme, répétait-il, n’ayez pas honte de m’appeler, il n’y a pour moi d’obligation plus stricte que celle de visiter les moribonds ».
Le don total et délibéré de sa vie à la suite du Christ est la clef de son engagement. Au milieu des épreuves, il gardait sa bonne humeur, affable, humble et serviable. Il citait volontiers l’évangile : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ceux qui peuvent perdre l’âme ». (cf. Mt. 10, 28). Dans ses instructions, il traitait souvent de la résurrection des morts ; les fidèles ont retenu cette phrase : « Seriez-vous mangés par un caïman, vous ressusciterez ». Etait-ce un présage de sa fin ? De fait, après sa mort, deux habitants d’Ambiatibe trainèrent son corps jusqu’à la rivière de Mananara, à deux pas du lieu de son martyre, et ses restes disparurent.
La Compagnie se réjouit que l’Église canonise un nouveau saint parmi les siens, le propose en modèle à tous les fidèles et invite à recourir à son intercession. Certes le contexte historique et les modalités de la mission ont évolué entre la fin du 19ème siècle et aujourd’hui ; c’est le rôle des historiens et des hagiographes d’approcher la réalité au plus près et d’identifier les aspects les plus significatifs de la sainteté.
Que l’Esprit Saint nous donne de mettre en œuvre les options de Jacques Berthieu : l’exigence de la mission qui le mène vers un autre pays, une autre langue et une autre culture ; l’attachement personnel au Seigneur exprimé dans la prière ; le zèle pastoral, à la fois amour fraternel des fidèles qui lui sont confiés et exigence de les conduire plus haut sur la voie chrétienne ; le don de sa vie enfin, monnayé au fil des jours jusqu’à la mort qui le configure définitivement au Christ !
Que l'intercession de Jacques Berthieu nous aide à reconnaître la force de notre fragitilité, à être joyeusement fidèle à notre vocation et à nous donner totalement à la mission reçue du Seigneur !
Fraternellement vôtre dans le Christ,
Rome, le 15 octobre 2012
Adolfo Nicolas, S.I
Supérieur Général
© Libreria Editrice Vaticana – 2012
Décret pour les indulgences à l’ocasion de l’Annee de la Foi
Certains exercices de piété, à accomplir pendant l’Année de la Foi sont enrichis du don de saintes indulgences
Voici le décret officiel pour les Indulgences à l’occasion de l’Année de la Foi :
À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ouverture solennelle du Concile œcuménique Vatican II, auquel le bienheureux Jean XXIII « avait assigné comme tâche principale de mieux garder et de mieux expliquer le dépôt précieux de la doctrine chrétienne, afin de le rendre plus accessible aux fidèles du Christ et à tous les hommes de bonne volonté » (Jean-Paul II, Const. apost. Fidei depositum, 11 oct. 1992), le Souverain Pontife Benoît XVI a établi le début d’une année spécialement consacrée à la profession de la vraie foi et à sa juste interprétation, à travers la lecture ou mieux, la pieuse méditation des Actes du Concile et des articles du Catéchisme de l’Église catholique, publié par le bienheureux Jean-Paul II, trente ans après le début du Concile, dans l’intention précise d’encourager les fidèles à « en approfondir l’enseignement pour mieux y adhérer et [à] en promouvoir la connaissance et l’application » (ibid. n. 114).
Déjà en l’année du Seigneur 1967, pour faire mémoire du XIXe centenaire du martyre des apôtres Pierre et Paul, une Année de la foi semblable avait été proclamée par le serviteur de Dieu Paul VI « par la profession de foi du Peuple de Dieu, pour attester combien les contenus essentiels qui depuis des siècles constituent le patrimoine de tous les croyants ont besoin d’être confirmés, compris et approfondis de manière toujours nouvelle afin de donner un témoignage cohérent dans des conditions historiques différentes du passé » (Benoît XVI, Lett. apost. Porta fidei, n. 4).
En cette époque de profonds changements, auxquels l’humanité est soumise, le Saint-Père Benoît XVI, avec la proclamation de l’Année de la foi, entend inviter le Peuple de Dieu dont il est le Pasteur universel, ainsi que ses frères évêques du monde entier « à s’unir au Successeur de Pierre, en ce temps de grâce spirituelle que le Seigneur nous offre, pour faire mémoire du don précieux de la foi » (ibid. n. 8).
Tous les fidèles auront « l’opportunité de confesser la foi dans le Seigneur ressuscité dans [les] cathédrales et dans les églises du monde entier ; dans [leurs] maisons et auprès de [leurs] familles, pour que chacun ressente avec force l’exigence de mieux connaître et de transmettre aux générations futures la foi de toujours. Les communautés religieuses comme celles des paroisses, et toutes les réalités ecclésiales anciennes et nouvelles, trouveront la façon, en cette Année, de rendre une profession publique du Credo » (ibid. n. 8).
En outre, tous les fidèles, de façon individuelle et communautaire, seront appelés à apporter un témoignage clair de leur foi devant les autres dans les circonstances particulières de la vie quotidienne : « La nature sociale de l’homme requiert elle-même qu’il exprime extérieurement ces actes intérieurs de religion, qu’en matière religieuse il ait des échanges avec d’autres, qu’il professe sa religion sous une forme communautaire » (Décl. Dignitatis humanae, 7 déc. 1965).
Étant donné qu’il s’agit avant tout de développer au plus haut degré — pour autant que possible sur cette terre — la sainteté de vie et d’obtenir ainsi le plus haut degré de pureté d’âme, le grand don des Indulgences que l’Église, en vertu du pouvoir qui lui a été conféré par le Christ, offre à tous ceux qui, conformément aux dispositions adéquates, remplissent les conditions spéciales pour les recevoir, sera très utile. « Dans l’Indulgence — enseignait Paul VI — l’Église, en vertu de ses pouvoirs de ministre de la rédemption du Christ Seigneur, communique aux fidèles la participation à cette plénitude du Christ dans la communion des saints, leur permettant d’accéder largement aux moyens de salut » (Lett. apost. Apostolorum Limina, 23 mai 1974). Ainsi se manifeste le « trésor de l’Église », dont constituent « un enrichissement supplémentaire également les mérites de la Bienheureuse Mère de Dieu et de tous les élus, du premier au dernier juste » (Clément vi, Bulle Unigenitus Dei Filius, 27 janv. 1343).
La Pénitencerie apostolique, qui a la charge de réglementer ce qui concerne la concession et l’utilisation des Indulgences, et d’encourager l’âme des fidèles à ressentir et à nourrir de façon juste le pieux désir de les obtenir, sollicitée par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, après un examen attentif de la Note relative aux indications pastorales de l’Année de la foi de la Congrégation pour la doctrine de la foi, afin d’obtenir le don des Indulgences au cours de l’Année de la foi, a établi les dispositions suivantes, émises conformément à l’esprit du Souverain Pontife, afin que les fidèles soient davantage encouragés à la connaissance et à l’amour de la doctrine de l’Église catholique et qu’ils en obtiennent des fruits spirituels plus abondants.
Tout au long de l’Année de la foi, proclamée du 11 octobre 2012 jusqu’au 24 novembre 2013, pourront recevoir l’Indulgence plénière de la peine temporelle pour leurs péchés, accordée miséricordieusement dans le Seigneur, applicable également à l’âmes des fidèles défunts sous forme d’intention, tous les fidèles vraiment repentis et ayant accompli la confession et la communion sacramentelle, et qui prieront selon les intentions du Souverain Pontife :
a. Chaque fois qu’ils participeront à au moins trois temps de prédications au cours des saintes missions, ou à au moins trois leçons sur les Actes du Concile Vatican II et sur les articles du Catéchisme de l’Église catholique, dans toute église ou tout lieu approprié ;
b. chaque fois qu’ils accompliront un pèlerinage dans une Basilique papale, une catacombe chrétienne, une Église cathédrale, un lieu sacré désigné par l’évêque du lieu pour l’Année de la foi (par exemple dans les basiliques mineures et les sanctuaires dédiés à la Bienheureuse Vierge Marie, aux saints Apôtres et aux saints Patrons) et qu’ils participeront en ce lieu à une sainte cérémonie ou qu’ils s’arrêteront au moins pour un temps de recueillement suffisant, accompagné de pieuses méditations, se concluant par la récitation du Notre Père, la profession de foi sous toute forme légitime, les invocations à la Bienheureuse Vierge Marie et, le cas échéant, aux saints apôtres ou patrons ;
c. chaque fois que, aux jours déterminés par l’évêque du lieu pour l’Année de la foi (par exemple en la solennité du Seigneur, de la Bienheureuse Vierge Marie, à l’occasion des fêtes des saints apôtres et patrons, de la Chaire de saint Pierre), ils participeront dans un lieu saint à une célébration eucharistique solennelle ou à la liturgie des heures, en ajoutant la profession de foi sous toute forme appropriée ;
d. un jour librement choisi, au cours de l’Année de la foi, pour la pieuse visite du baptistère ou de tout autre lieu où ils ont reçu le sacrement du baptême, s’ils renouvellent les promesses baptismales sous toute formule appropriée.
Les évêques diocésains ou éparchiaux, et ceux qui sont assimilés à eux par le droit, le jour le plus opportun de cette période, à l’occasion de la principale célébration (par exemple le 24 novembre 2013, en la solennité de Jésus Christ Roi de l’univers, par laquelle se conclura l’Année de la foi), pourront donner la Bénédiction papale avec l’Indulgence plénière, dont pourront bénéficier tous les fidèles qui recevront cette Bénédiction avec dévotion.
Les fidèles vraiment repentis, qui ne pourront pas participer aux célébrations solennelles pour de graves motifs (comme, en particulier, les religieuses qui vivent dans les monastères de clôture perpétuelle, les anachorètes et les ermites, les détenus, les personnes âgées, les malades, ainsi que ceux qui, dans les hôpitaux ou d’autres lieux de soin, prêtent un service continu aux malades...), obtiendront l’Indulgence plénière aux mêmes conditions si, unis par l’esprit et la pensée aux fidèles présents, en particulier aux moments où les paroles du Souverain Pontife ou des évêques seront transmises par télévision et par radio, ils récitent dans leur maison ou dans le lieu où ils sont retenus (par exemple dans la chapelle du monastère, de l’hôpital, de la maison de soin, de la prison...) le Notre Père, la Profession de foi sous toute forme appropriée, et d’autres prières conformes aux finalités de l’Année de la foi, en offrant leurs souffrances ou les difficultés de leur vie.
Afin que l’accès au sacrement de la Pénitence et à l’obtention du pardon divin à travers le pouvoir des Clés, soit pastoralement facilité, les évêques des lieux sont invités à accorder aux chanoines et aux prêtres qui, dans les cathédrales et dans les Églises désignées pour l’Année de la foi, pourront écouter les confessions des fidèles, les facultés limitées au for interne, dont il est question, pour les fidèles de rite oriental, au canon 728 § 2 du C.C.E.O., et dans le cas d’une éventuelle réserve, celles contenues dans le canon 727, à l’exception, évidemment, des cas considérés dans le can. 728 § 1 ; pour les fidèles de l’Eglise latine, les facultés dont il est question au can. 508 § 1 du C.I.C.
Les confesseurs, après avoir averti les fidèles de la gravité des péchés auxquels sont attachées une réserve ou une censure, détermineront de façon appropriée des pénitences sacramentelles, aptes à les conduire le plus vite possible à une rectification définitive et, selon la nature des cas, à leur imposer la réparation d’éventuels scandales et dommages.
Enfin, la Pénitencerie invite cordialement les évêques, en tant que détenteurs du triple munus d’enseigner, de guider et de sanctifier, à prendre soin d’expliquer clairement les principes et les dispositions proposées ici pour la sanctification des fidèles, en tenant compte de façon particulière des circonstances de lieu, de culture et de traditions. Une catéchèse adaptée à la nature de chaque peuple, pourra proposer plus clairement et de façon plus vivante à l’esprit et enraciner plus fermement et profondément dans les cœurs le désir de ce don unique, obtenu en vertu de la médiation de l’Église.
Le présent Décret a validité uniquement pour l’Année de la foi. Nonobstant toute chose contraire.
Donné à Rome, au siège de la Pénitencerie apostolique,
le 14 septembre 2012,
fête de l’Exaltation de la Sainte Croix.
Manuel card. Monteiro de Castro
Pénitencier majeur
Mgr Krzysztof Nykiel
Régent
© Libreria Editrice Vaticana – 2012
Le Fils de l’homme est venu pour servir !
Commentaire de l’évangile du XXIXème Dimanche du Temps ordinaire –Année B
Il faut l’avouer, l’Évangile est décapant. Saint Marc, aujourd’hui, nous place devant un problème aussi sensible que celui de l’argent dont il parlait dimanche passé. Jésus nous dit ce qu’il pense du pouvoir : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur... celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ».
Ne sourions pas de la demande des deux frères Jacques et Jean. Les fils de Zébédée, cousins de Jésus, voudraient obtenir les meilleures places dans le Royaume de Dieu. Ne nous en amusons pas. Tous les êtres humains cherchent à dominer, à se placer aux premiers rangs. La passion la plus élémentaire n’est sans doute pas, comme le pensait Freud, la pulsion sexuelle. Le psychanalyste Adler y voyait plutôt la volonté de puissance. Notre société ne se gêne pas pour attiser ce désir, jusqu’à la frénésie. Elle adule les premiers, les plus forts, les plus riches, les plus beaux, les gagnants, les battants. Les premières places : que ne fait-on pas pour y arriver ? Tous ne les atteignent pas, mais tous, de manière plus ou moins avouée, en rêvent.
Face à ce besoin de la nature humaine, Jésus répond en rappelant un enseignement de base, que nous avons tant de mal à mettre en œuvre. Pas plus que l’argent, l’autorité n’est mauvaise en soi. Mais pour Jésus, la situation de responsabilité n’est pas d’abord une domination, mais un service plus étendu. Ceux qui sont grands devant Dieu, ce ne sont pas ceux qui se font servir, mais ceux qui servent. Ceux qui seront aux bonnes places, ce ne sont pas ceux qui se contentent d’en rêver, mais ceux qui imiteront le Christ, en buvant la coupe des épreuves comme lui, en devenant serviteur comme lui.
Servir de façon désintéressée, dans l’oubli de soi jusque dans la souffrance face aux ingratitudes ou aux agressivités, ce n’est pas facile. Que de gens se disent au service des autres, et ne le sont que fort peu. Les partis politiques se disent au service des citoyens, les syndicats affirment être au service des travailleurs, les médecins se veulent au service des malades, les professeurs au service des élèves, les parents au service des enfants, les curés au service des paroissiens... mais qu’en est-il dans la réalité ?
Les meilleurs chefs sont ceux qui savent faire participer leurs subordonnés. Les meilleurs professeurs sont ceux qui savent susciter l’initiative de leurs étudiants. Les meilleures paroisses sont celles où les fidèles participent le plus à tous les services. Le mot latin « auctoritas » (autorité) vient de la racine faire croître (« augere »), augmenter. Pour Jésus, c’est bien cela : l’autorité est le service qui aide les personnes à grandir, à devenir elles-mêmes responsables. Le vrai chef est celui qui sait écouter, comprendre, mettre en valeur et respecter.
Ce n’est pas facile. C’est une grâce à demander. Et la raison fondamentale de cette conception radicalement nouvelle du pouvoir, c’est tout simplement d’imiter Jésus. « Le Fils de l’homme est venu pour servir... » Et moi ? Qui ai-je à aimer, à servir, à valoriser, à promouvoir ?