PKO 19.08.2012

Dimanche 19 août 2012 – XXème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

 

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°42/2012

HUMEURS

 

Tel le monstre du Loch Ness le projet d’un Casino ressurgit !

« L’Évangile selon les promoteurs de Casinos »

L’annonce de la fermeture de l’hôtel Maeva Beach en novembre a été l’occasion pour les partisans de casinos en Polynésie de faire remonter le projet à la surface.

Les arguments sont toujours le souci d’un développement du tourisme en Polynésie. Une manne extraordinaire pour le Pays et ses habitants.

À ces arguments traditionnels s’en ajoutent de nouveaux…

Là, il faut reconnaître que l’Église n’a qu’à bien se tenir : « Je peux vous dire que c’est une force divine, je vais vous dire pourquoi… La Vierge Marie et l’archange Gabriel me sont apparus… ils m’ont dit : “nous serons avec toi tout au long de ta vie” et l’archange Gabriel a ajouté : “je serai ton bouclier”… Lors d’un pèlerinage j’ai rencontré Padre Pio à qui je me suis confié, il m’a dit :“je suis au courant je te crois” ».

Je me garderai bien de dénigrer ce témoignage de foi… je ne suis pas habilité à porter un quelconque jugement… je ne suis qu’un prêtre.

Mais je reste dubitatif sur l’interprétation des signes reçus… La Vierge Marie, l’archange Gabriel et Padre Pio favorable à l’implantation de casinos en Polynésie.

Aujourd’hui, dans de nombreux pays (France, État-Unis…) s’ouvent des centres spécialisés pour soigner les personnes addictes aux jeux d’argent. Un fléau pour de plus en plus de familles.

La proposition d’établir des réglementations afin de protéger les plus démunis en Polynésie est la reconnaissance implicite par les partisans des casinos de leurs nuisances sur les personnes… Mais il semble que ce soit un moindre mal que cela nuise seulement aux touristes que l’on veut plumer !

C’est le même argument qui nous fut proposé pour légaliser la production du paka uniquement pour l’exportation ou les touristes…

Le ciel encouragerait donc d’assurer notre bien-être en s’asseyant sur la dignité des autres, des touristes !

Étrange Évangile !

                                                                                         

En marge de l’actualité

 

15 Août : un appel à l’espérance our l’humanité désorientée

 

La réalité du monde semble être une vallée de larmes où l'humanité subit mille souffrances : famines, guerres, maladies... L'Homme est-il promis à l'agonie jusqu'à la fin des temps ? On serait porté à le penser car beaucoup vivent sans perspective d'espérance, comme s'ils n'avaient pas déjà été sauvés.

La fête de l'Assomption de la Vierge Marie nous appelle à l'espérance : Marie est sauvée de la mort, elle participe à la résurrection partagée avec tous les hommes et toutes les femmes par son fils, Jésus. « Marie guide et soutient l'espérance du peuple de Dieu encore en chemin » (préface de la fête de l'Assomption).

Les nombreux pèlerinages et processions organisés le 15 août sont autant d'expériences spirituelles proposées pour amener le monde à se convertir et à entrer dans la perspective de salut universel apportée par le Christ.

De même les miracles de guérison que Dieu réalise par l'intercession de la Vierge Marie et des saints « sont destinés à soutenir la foi, qui est nécessaire pour avoir accès à la vie éternelle... [ils] sont des signes certains de la Révélation, adaptés à l'intelligence de tous : ils constituent des motifs de crédibilité, et démontrent que la foi n'est nullement un mouvement aveugle de l'esprit ». (cf. Catéchisme de l'Église Catholique, n°156)

Lors de son pèlerinage à Lourdes en août 1983, Jean-Paul II exhortait ainsi les fidèles : « Ne laissez pas les certitudes de la foi se dissoudre ou s'éteindre au vent d'idéologies athées ou simplement de remises en question systématiques et inconsidérées... Priez, vous aussi, priez davantage... et prenez soin, jeunes et adultes, de nourrir votre foi... Rendez compte de l'espérance qui est en vous ! » (16 août 1983)

En cette nouvelle année scolaire qui commence que cette espérance anime parents, enseignants et éducateurs.

Dominique SOUPÉ

Chancelier

 

Hommage à Monseigneur Hervé-Marie LE CLEAC’H

 

TEIKIMEITEAKI A PUNATETE – Le prince qui vient du ciel

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Monseigneur Le Cleac’h, évêque émérite de Tefenuaenata (Taiohae), âgé de 97 ans, est retourné vers le Père ce lundi 13 août 2012. Son décès a été constaté  au Centre Hospitalier du Taaone à Pirae (Tahiti) où il avait été admis en urgence le 7 août. Toute la journée du 14 août la population, en particulier celle qui est originaire des Marquises, et de nombreuses personnalités civiles, religieuses, politiques sont venues en l'église Ste Trinité à Pirae (Tahiti) pour rendre hommage à ce Pasteur breton devenu marquisien promoteur de la langue et de la culture marquisiennes.


Mgr Hervé-Marie restera dans les mémoires comme une figure historique des îles Marquise et de la Polynésie Française, un vrai Pasteur apprécié universellement pour sa foi solide comme le granite de sa Bretagne natale, un véritable guide spirituel artisan d'une inculturation intelligente de l'Évangile au cœur du peuple marquisien.

Par son travail de traduction en marquisien des psaumes et des textes liturgiques, la langue marquisienne est devenue la langue liturgique et les Marquisiens ont redécouvert leur passé, leurs racines, leur identité. Monseigneur Le Cleac'h a accompagné le développement et la sauvegarde de la culture marquisienne.

Missionnaire, il a contribué à l'éclosion de vocations religieuses et à la restauration d'une pratique religieuse vivante.

En cette année où se réunira le Synode des Evêques sur la Nouvelle Évangélisation, Mgr Hervé-Marie Le Cleac'h est un bel exemple  de prêtre breton qui non seulement s'est fait marquisien parmi les marquisiens à cause de l'Évangile, mais a permis au peuple marquisien de retrouver sa culture, ses valeurs et sa fierté d'appartenir à « Te Henua Enana » (la terre des hommes).

Quelques notes biographiques

Né le 10 mars1915 à Pen-ar-Yeun en Dinéault (Finistère), Hervé-Marie Le Cleac'h est le cadet de cinq enfants.

Son père, Gabriel, mort pour la France en 1916, il est alors Pupille de la nation.

En 1920,  il va à l'école des frères de Ploërmel à Châteaulin.

En 1925, il passe à l'école apostolique de Sarzeau (Morbihan)

Poursuit ses études secondaires à Fontarabia en Espagne.

En 1932 il accomplit son noviciat à Montgeron près de Paris.

Le 12 septembre 1933, à l'âge de 18 ans,  il prononce ses premiers vœux , et poursuit ses études de philosophie et de théologie au scolasticat de Chateaudun

En 1936 il effectue son service militaire au 27 R.C.I. à Brest, et comme tous les malchanceux des classes 35 à 27 il prolonge son temps sous les drapeaux à cause de la guerre.

Le 31 janvier 1939 il prononce ses vœux perpétuels à Chateaudun.

En juin 1940 il est fait prisonnier, après deux tentatives d'évasion infructueuses il parvient à s'échapper du Stalag III A près de Berlin, marchant à pied toutes les nuits  il rejoint la France. Cela lui vaudra la Croix de Guerre et la Médaille des Evadés.

Il achève ses études de théologie au séminaire de Rodez.

Il est ordonné prêtre à 28 ans,  le 18 décembre 1943 à Thieulin.

Professeur d'Écriture Sainte de 1944 à 1948 au séminaire de Chateaudun, il demandera à partir au Canada où il séjournera dans la Province de Québec durant 14 ans. Il y fera œuvre utile puisqu'il créera le séminaire des Picpuciens, deviendra curé de la paroisse Saint-Laurent du Fleuve et assumera les fonctions de professeur de théologie à l'Université de Montréal.

Il reviendra en France de 1963 à 1970 à Chateaudun comme professeur d'Écriture Sainte, puis à Strasbourg comme supérieur du Scolasticat.

En novembre 1970 il reçoit de Rome sa nomination comme Administrateur Apostolique du diocèse de Taiohae (îles Marquise). (« Je ne sais même pas où sont les Marquises ! » dira-t-il au Pape Paul VI lors d'une audience à Rome... mais Hervé-Marie Le Cleac'h deviendra l'un des grands spécialistes  reconnus de la langue marquisienne !)

 Le 1er mars 1973, nommé évêque de Taiohae, Mgr Hervé-Marie Le Cleac'h recevra l'onction épiscopale le 24 juin 1973 des mains de Mgr Michel Coppenrath, archevêque de Papeete.

Les Marquisiens lui donneront le nom de « Teikimeiteaki a Punatete » (le prince qui vient du ciel).

Mgr Hervé-Marie Le Cleac'h apprend très vite à connaître ce peuple marquisien qui lui est confié par l'Église. Seul, avec le lexique de Mgr Dordillon et au contact des Anciens, il apprend la langue marquisienne. Il découvre l'âme, la sensibilité, la culture d'une population qui a « honte » de se dire « marquisienne ». [Mgr Le Cleach connaissait déjà six langues : le breton, le français, l'anglais, l'espagnol, l'allemand, le latin et le grec classiques.]

Mgr Le Cleac'h redisait souvent : « Comment pouvais-je être décemment le pasteur d’un peuple dont je ne possédais pas l’idiome ? Comment annoncer la Bible sans qu’elle s’inscrive dans la culture de ceux dont je devais assumer l’éducation religieuse ? »

Mgr Guy Chevalier, actuel évêque de Taiohae, rappelle les propos tenus par Hervé-Marie Le Cleac'h, peu après son arrivée, lors du presbyterium du 25 novembre 1971 : « Que la Mission soit présente et active dans l'effort de création de la culture marquisienne nouvelle... L'Église se doit de maintenir l'usage de la langue Marquisienne et d'éveiller la jeunesse, à la connaissance et à l'estime de son histoire passée.

La liturgie s'efforcera d'être bilingue : marquisien et français. La catéchèse exige la publication de la Bible en Marquisien, à tout le moins, le Nouveau Testament. L'initiation à la Foi et l'enseignement du catéchisme se fera en Marquisien jusqu'à l'âge de 10 ans...

La sculpture est une richesse artisanale de l'archipel, le plus typique de la Polynésie. Il faut faire appel à cet art dans la décoration et l'adaptation de nos églises et chapelles ».

La route à suivre était tracée, ne restait plus que le programme à mettre en œuvre.

Par son travail de traduction en marquisien des psaumes et des textes liturgiques, la langue marquisienne est devenue la langue liturgique et les Marquisiens ont redécouvert leur passé, leurs racines, leur identité. Monseigneur Le Cleac'h a accompagné le développement et la sauvegarde de la culture marquisienne.

Missionnaire, il a contribué à l'éclosion de vocations religieuses et à la restauration d'une pratique religieuse vivante.

À la retraite en 1986 Mgr Hervé-Marie a tenu à continuer à vivre avec les Marquisiens en se retirant dans l'île de Ua Pou jusqu'en 1995. L'âge avançant et quelques ennuis de santé l'ont amené à rester à Papeete jusqu'en 2002, année où il repartit vivre à Taiohae encore 8 années.

Le 2 janvier 1990 il est fait Officier de la Légion d'Honneur pour tous les services rendus à la Nation.

En 2010, ses capacités physiques diminuant il s'est retiré à Pirae (Tahiti) à la maison des Pères des Sacrés-Cœurs où de nombreux marquisiens et marquisiennes venaient se confier à lui, demandant conseil.  Car il était pour chacun comme un « Père ». Il connaissait pratiquement tous les Marquisiens de souche sur quatre générations, par l'accent et le vocabulaire employé par son interlocuteur il était capable de repérer de quelle île il venait.

En cette année où se réunira le Synode des Evêques sur la Nouvelle Evangélisation, Mgr Hervé-Marie Le Cleac'h est un bel exemple  de prêtre breton qui non seulement s'est fait marquisien parmi les marquisiens à cause de l'Évangile, mais a permis au peuple marquisien de retrouver sa culture, ses valeurs et sa fierté d'appartenir à « Te Henua Enana » (la terre des hommes).

Remerciements

Père William Tepa, Vice Provincial des Pères des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (ss.cc.) et Frère Philippe Peltier, supérieur de la communauté de Pirae, au nom de tous les membres, Pères, Frères, Sœurs de la congrégation et de toute la communauté marquisienne, remercient toutes les personnes qui leur ont témoigné de la sympathie, envoyé des messages, à l'occasion du décès de notre illustre doyen, Mgr Hervé-Marie Le Cleac'h.

Grand merci à toutes les personnalités, à tous les groupes de prières, aux communautés religieuses, à nos frères et sœurs de toutes confessions religieuses et aux nombreux Polynésiens de toutes origines pour leurs témoignages d'affection et de soutien.

www.diocese-de-papeete.com

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Le Seigneur a fait pour moi de grandes choses…

 

Témoignage de Mgr Hervé-Marie LE CLEAC’H à l’occasion de l’ordination de son successeur

Dans un article intitulé « Jamais tant d’évêques sur nos rives, évoquant, par leur présence, ce que signifie l’Église dans le Pacifique… », paru dans la revue Horizon blanc d’octobre 1985, Monseigneur Hervé-Marie Le Cleac’h exprimait sa vision du ministère.

« Le Seigneur fit pour moi de grandes choses. Saint est Son Nom... » Cette confidence de l'humble Vierge Marie, la jeune fille venue de Nazareth, à sa cousine Elisabeth, est le chant de l'Église répandu dans le monde entier. Elle unit sa louange à celle de Notre-Dame, car le Seigneur a voulu faire monter jusqu'au ciel, avec son âme et son corps, Marie la Mère de Son Fils.

Pour nous aussi, le ciel a fait de grandes choses. Nous, l'Église des Iles Marquises, réunie pour l'ordination de son nouvel évêque.

Jamais, dans l'histoire de nos îles, on n'avait vu la présence de tant de notables à la fois, reconnaissant la réalité de l'institution ecclésiastique des Marquises.

Jamais nous n'avions reçu sur nos rives tant d'évêques. évoquant par leur présence ce que signifie l'Église dans le Pacifique.

Jamais tant de Pères, Frères, Sœurs, réunis pour nous manifester l'action de Jésus vivant parmi nous et animant son Église par la grâce de l'Esprit-Saint.

Vision de Foi qui explique notre assemblée. Je voudrais l'expliciter quelque peu, pour nous aider à mieux prendre par à notre célébration.

Qu'est-ce que l'Évêque ? C'est une question de catéchisme. Tous les enfants savent la réponse : « L'évêque est le successeur des apôtres ».

Mais l'enfant veut savoir : « Toi, tu succèdes à quel apôtre ? » Alors il faut ouvrir l'Évangile et faire découvrir autour de Jésus le Collège Apostolique.

Ils étaient douze. Puis, ils furent douze cent. Puis, trois mille six cent.

Être évêque, c'est devenir membre de ce Collège Apostolique, qui, uni à Pierre, constitue le fondement de l'œuvre que Jésus a voulu établir dans ce monde.

Rappelons comment Dieu le Père nous à tellement aimés, qu'il nous donne Son propre Fils, né dans un canton sans renom du vaste Empire Romain, ou il vécut quelques années.

Années dérisoires, dans le calcul du temps tel que nous le connaissons. II serait né pour les hommes de toutes les générations. Comment Son Message de Paix et d'Amour atteindrait-il tous les hommes sous tous les cieux ? Hommes de toutes cultures ?

Dans l'accomplissement de sa mission, Jésus en mourut. Nous le chantons Il nous à tant aimés qu'il en mourut…

De son corps endormi sur la croix sont nés les Sacrements de l'Église.

Église aujourd'hui répandue dans le monde, elle qui annonce Jésus Christ, qui annonce l'Amour de Dieu et la Paix entre les hommes. C'est sa mission : « Allez dans le monde entier. Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ». (Jn, 10,11)

Envoyée de la même manière et dans le même but : annoncer la Paix par la rémission des péchés : « Qui vous reçoit me reçoit me reçoit… » (Mt 10, 40).

C'est ce mystère de Grâce, de Joie, que nous contemplons aujourd'hui. Oh, je le sais, ce sont des réalités spirituelles, mystiques. Mais ces réalités ineffables, que l'histoire seule n'explique pas, comment les exprimer, sinon par des symboles ?

Cette femme, rayonnante comme le soleil, la lune sous les pieds, couronnée d'étoiles, et protégeant son enfant contre le dragon qui veut le détruire, qui est-ce ? C'est Notre-Dame, la Vierge Marie. C'est l'Église.

Le destin de Marie est le destin de l'Église Sainte, qui sait qu'un jour, elle aussi, sera dans la gloire de Dieu. Église Sainte, enfin triomphante.

En attendant, elle endure les combats et supporte toutes les luttes pour que vienne le Règne de Dieu.

Un évêque qui entre dans le Collège Apostolique reçoit cette mission aux dimensions du monde, celle de l'Église Universelle, Catholique. Oh, pour l'évêque des îles Marquises cette Mission est évidente, il la vit, je dirais avec déchirement. Car il est à la fois membre de l'Assemblée Épiscopale de France, dont il reçoit tous les échos des recherches, discussions, luttes, et membre de la Conférence Épiscopale du Pacifique, et par elle, membre du Conseil des Églises du Pacifique.

Il rencontre régulièrement les autres Conférences Épiscopales du Pacifique. Le Pacifique, ce lac qui unit les régions les plus peuplées du globe et les puissances les plus dynamiques, aux énergies les plus créatrices.

L'évêque est aux écoutes des conflits d’intérêts opposés, aux écoutes de son peuple qui en porte les contrecoups, aux écoutes des voix qui réclament de lui des déclarations et prises de position contradictoires.

L'évêque a pour mission l'annonce de Jésus Christ au monde entier. Mais il est aussi le Pasteur d'une Église particulière.

Que veut dire : être Evêque des Iles Marquises ou de la Terre des Hommes ? Car c’est ainsi que les habitants de ces iles se nomment eux-mêmes...

Pour évoquer l'histoire de l'Église dans cet archipel souvenons-nous du Psaume que nous chantions il y a un instant : « Dieu règne. Exulte la terre. Que les iles se réjouissent Joie aux Iles sans nombre ! » (Ps 96)

Ah ! ce n'est certes pas dans un climat de Joie que la Parole de Dieu a été annoncée dans ces îles. Ce n'est pas avec un cœur dilaté que les hommes de cette terre ont appris la Bonne Nouvelle. Ils ont attendu près de cent ans avant de l'accepter, car ils ne pouvaient y croire.

Mgr Dordillon. ss.cc. disait : « Ne jugez pas ces hommes, écoutez-les. Laissez-les s'expliquer eux-mêmes ». Et voyant son peuple mourir, l'Évêque s'acharna pendant plus de quarante ans à sauver sa culture, son âme, en sauvant sa langue.

Je veux citer encore Mgr David Le Cadre, ss.cc. que beaucoup parmi vous ont connu. Durant quarante ans lui aussi, il fut témoin d'un peuple qui vivait sans espoir et mourait satisfait : mourir pour ne plus vivre, car sans raison de vivre !

Mais l'exquise bonté de leur évêque, sa patience, sa générosité, lui méritèrent la confiance de tous et ce compliment : « Il fut le plus doux des hommes », celui-là même qui avait été décerné à Moïse. Il fut aimé. Comme Mgr Dordillon, qui fut appelé « le Père des Iles »...

Que les îles se réjouissent ! Qu'est-ce à dire ? La première source de joie pour l'homme est de savoir pourquoi il existe. C'est une réponse apaisante aux questions profondes que l'artiste a illustré dans son tableau. Il ne l'a pas conçu ici, mais les personnages sont polynésiens, il se réfugia dans nos îles pour continuer sa méditation : « D'ou je viens ? Qui suis-je ? Ou je vais ? »

La question fut reprise par le poète qui le rejoignit dans nos îles « Le mot dans le regard. Le cœur est voyageur, l'avenir au hasard ».

Le peuple de ces îles, en effet, îles toutes de virile majesté, de grandiose beauté, ce peuple vit, je dirai gît, dans le creux de vallées escarpées, le regard fixé sur l'horizon ou ciel et terre se confondent, là d'où vient l'inattendu, là ou se perd dans la brume le bateau qui est parti.

Ah ! ce mot koutee preignant d'aventures marines, que personne n'a pu chanter, mais que les épouses éplorées évoquent dans leurs complaintes !

Alors, la joie de nos îles ? Les anciens ont disparu, emportant leur tristesse, et les jeunes qui m'écoutent ignorent même ce que j'évoque. Il vaut mieux qu'il en soit ainsi.

Aujourd’hui près de 60% de notre population marquisienne a moins de 21 ans. Le passé n'est plus. Le présent est la jeunesse qui nous entoure. Mais cette génération pose la même question à l'Église : Ou est la joie de vivre ?

À l'heure ou elle découvre la société de consommation, l'omniprésence de l'argent, l'interrogation garde tout son sens : Qui suis je ? D'où je viens ? Ou je vais ?

Beaucoup de jeunes aujourd'hui, dans la société qui nous influence, ne trouvent pas réponse à ces questions. Pour eux - ils le disent - la raison de vivre vaut mieux que la vie.

C'est le défi posé à l'Église dans nos îles. Défi posé aussi a l'évêque : montrer qu'aujourd'hui la raison de vivre, c'est Jésus Christ. Avec la grâce de Dieu, proclamer bienheureux celui qui vit dans la lumière des béatitudes évangéliques, celui qui a faim el soif de la justice.

La justice, non pas comprise selon notre sensibilité ou émotivité, mais la justice biblique, la tsedek, qui évoque la recherche de la vérité dans la charité, car la vérité exige, c'est Jésus Christ, la vérité de l'homme tout entier, vérité cherchée avec droiture, dans le respect de tous, dans leur personnalité, leur culture.

Bienheureux ceux qui s'engagent dans la lutte pour la paix. Oui, une raison de vivre : s'engager au service de la paix autour de soi et la paix dans ce monde, en refusant les privilèges de l'argent, en servant les plus petits.

Heureux qui connait l'affection familiale, celui qui, naissant dam ce monde est accueilli par l'affection de ceux que l'on nomme, faute d'un autre mot : te tuhaa.

C'est la famille élargie ou les mot : père, mère, s'étendent à toute la parenté adulte. Heureux l'enfant qui rencontre autour de lui ce faisceau d'affection, la sécurité de se savoir aimé, qui est enraciné dans un petit univers de bienveillance.

Alors, au jour de son mariage, il saura ce que l'amour signifie : non pas la rencontre d'un jeune homme ou d'une jeune fille, mais des enfants de Dieu qui s'unissent d'un cœur où bat l'amour de Dieu. « Nous sommes les fils de saints et devons vivre comme des saints » disait déjà Tobie.

Pourquoi continuer ? Disons seulement qu'au jour de son ordination, l’Évêque s'engage à croire ce que croit l'Église, à enseigner ce qu'elle enseigne, à rester uni à Pierre, désigné par le Seigneur pour être le fondement : « Tu es Pierre, sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16, 18). C'est lui que le Seigneur a choisi pour lui confier le troupeau « Pas mes agneaux et mes brebis » (Jn 21). Ce n'est qu'un engagement de fidelité, mais souvenons-nous. de fidélité à Dieu qui appelle.

Quand Dieu agit c'est toujours simple. La vierge Marie dit : « Qu'il me soit fait selon ta parole, Voici ta servante ». Et le Verbe de Dieu se fit chair, et le monde en sera bouleversé.

Dans le silence de Nazareth est né celui qui va ruiner la puissance de la culture romaine à l'apogée de sa gloire.

Quand Dieu agit, c'est toujours simple. Ce que nous vivons dans la prière est simple. Dieu qui a choisi Mgr Guy Chevalier pour son œuvre, sait a quoi il le destine, comme il savait à quelle gloire il destinait Marie le jour ou l'ange, de sa part, vint a Nazareth.

Et le cœur tressaillant d'allégresse, Marie confia à sa cousine Élisabeth : « Le Seigneur a fait pour moi de grandes choses. Saint est Son Nom... »  

Hervé-Marie LE CLEAC'H, ss.cc.

Évêque des Iles Marquises.

© Copyright 1985 – Horizon blanc


L’Église distingue l’acte et son auteur

 

Père Jean-Marie GUEULLETTE au sujet de l’accueil par les Sœurs Clarisses de Michelle Martin

À Malonne, en Belgique, l’hospitalité des clarisses provoque des remous Une marche blanche est organisée dimanche 19 août à Bruxelles, pour protester contre la libération conditionnelle de Michelle Martin après seize ans de prison. Si la Cour de cassation belge confirmait cette décision, l’ancienne complice du pédophile belge Marc Dutroux irait s’installer au monastère des clarisses de Malonne.

La Croix : Comment analysez-vous l’émotion suscitée par la décision des clarisses de Malonne d’accueillir Michelle Martin pour sa libération conditionnelle ?

Père Jean-Marie : J’ai l’impression que deux sujets distincts se mélangent : d’une part la possibilité offerte à cette femme de sortir avant le terme de sa condamnation, perçue comme une sorte « d’indulgence » par les familles de victimes, mais sur laquelle l’Église n’a rien à dire. Et, d’autre part, la décision d’un couvent de l’accueillir. Sur ce point, il faut d’emblée rappeler qu’aucun endroit ne sera considéré comme « bon », personne – aucun immeuble, aucun village – ne voudra jamais accueillir la compagne de Marc Dutroux.

La Croix : Quelle conception a l’Église de l’hospitalité ? Est-elle forcément inconditionnelle ?

Père Jean-Marie : Cette hospitalité repose sur la distinction fondamentale entre le péché et le pécheur, entre l’acte et l’auteur. L’hospitalité monastique a toujours été pratiquée, une fois la justice passée : elle n’est jamais une complicité avec le crime, seulement la traduction du principe selon lequel « tout être humain est mon frère ». Ça, c’est inconditionnel. L’Église n’est pas composée de gens irréprochables : Paul, Pierre, Marie-Madeleine, qui en sont les piliers, ont eu des parcours pour le moins tortueux.

Pour elle, tout être humain est capable du meilleur comme du pire. Le P. Lataste, ce dominicain qui a fondé au XIXe siècle la congrégation des Sœurs de Béthanie pour accueillir à leur sortie de prison des femmes désirant devenir religieuses, le disait lui-même, après en avoir côtoyé certaines condamnées aux travaux forcés : « Après tout, ce sont mes sœurs ».

La Croix : L’incompréhension de la société n’est-elle pas un critère à prendre en compte ?

Père Jean-Marie : On mesure bien sûr l’émotion des familles. Mais le prix à payer par cette femme – même si elle restait plus de cinquante ans en prison – serait de toute façon bien inférieur à leur douleur. Je comprends donc Qu’un comportement évangélique fasse scandale n’est pas une catastrophe ! J’espère même que l’Église va continuer à être parfois en décalage avec l’opinion publique : la pauvreté vécue par la famille franciscaine (à laquelle appartiennent ces clarisses) n’est pas « normale » non plus dans notre société. Si leur geste pouvait faire réfléchir, interroger sur l’atmosphère de lynchage qui entoure cette femme…

La Croix : Et le fait que Michelle Martin n’ait jamais exprimé de remords ?

Père Jean-Marie : C’est une condition sine qua non pour obtenir le pardon de ses victimes : il serait héroïque de pardonner à son auteur une faute qu’il ne reconnaîtrait pas. Mais l’accueil de l’Église n’est pas de cet ordre.

La Croix : Les évêques belges, encore aux prises avec les affaires de pédophilie, n’ont pas été prévenus…

Père Jean-Marie : Il semble en effet que l’Église belge – même si cela n’a aucun lien – est encore très marquée par la révélation d’actes pédophiles en son sein, d’où une impression de « complicité ». Apprendre la nouvelle dans la presse n’était sans doute pas l’idéal pour les évêques. Mais les clarisses ne sont pas sous leur autorité directe. Surtout, le courage évangélique ne s’accommode pas toujours des fonctionnements institutionnels. Si elles avaient demandé leur avis à tout le monde, elles n’auraient jamais osé.

La Croix : La publicité donnée à cette décision ne va-t-elle pas compliquer la tâche des sœurs ?

Père Jean-Marie : C’est à mon avis la grande difficulté à laquelle elles vont être confrontées. Le couvent des clarisses est relativement ouvert : Michelle Martin ne sera pas protégée par la clôture. Or un accueil comme celui-ci ne peut se faire que dans la plus totale discrétion, y compris à l’égard des autres membres de la communauté, comme c’est le cas chez les dominicaines de Béthanie ou les trappistes.

Cette discrétion absolue (sauf à l’égard de la mère abbesse ou du père abbé) est la seule solution pour que l’accueil soit vivable. Une autre difficulté, à mon avis, sera liée au statut « hybride » de Michelle Martin au sein de la communauté : elle y sera accueillie mais n’en fera pas partie. Ce type de présence n’est jamais simple.

Recueilli par ANNE-BÉNÉDICTE HOFFNER

© Copyright 2012 – La Croix

La messe un repas de communion et un sacrifice

 

Commentaire de l’évangile du XXème Dimanche du Temps ordinaire –Année B


L’évangile de ce jour nous parle de communion et de sacrifice : demeurer en Jésus et porter avec Lui notre croix quotidienne.

La messe est un repas de communion

« Ma chair est vraie nourriture et mon sang est vraie boisson ». L’Eucharistie est présentée par Jésus comme un repas de communion. S’il est vrai que nous mangeons la chair du Seigneur et que nous buvons son sang, ne sommes-nous pas dès lors réellement incorporé à sa personne ? N’est-ce pas sa vie, la vie éternelle qui coule en nos veines ? Il demeure en moi et je demeure en lui. Jésus nous transmet sa vie en se donnant à nous sous le signe du pain et du vin. Pour celui qui mange et qui boit la chair du Seigneur, la vie éternelle est déjà commencée et coule en lui. Notre éternité commence avec notre communion au corps et au sang du Christ. « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ».

La messe est un sacrifice

Les auditeurs de Jésus ont été scandalisé parce qu’ils s’attendaient à s’asseoir sur l’herbe pour recevoir un pain tout cuit tombé du ciel. Leur rêve d’évasion vers un bonheur facile, obtenu sans effort, s’est effondré devant l’exigence de Jésus. Car manger la chair du Fils de l’Homme et boire son sang c’est communier à la Pâque du Christ, à son passage à la vie au travers de la souffrance et de la mort.

La promesse que Jésus nous fait de communier éternellement à sa vie ne nous arrache pas aux difficultés de la vie présente. Au Temple de Jérusalem, le sacrifice de communion  comprenait deux parts. La première portion de l’offrande (animal ou blé) était brûlée sur l’autel et la deuxième partagée entre tous ceux qui offraient le sacrifice. Communier à Jésus est une démarche analogue. Elle consiste à prendre part à son sacrifice (ce qui est calciné) afin de partager sa gloire (ce qui est consommé). Concrètement, cela signifie : porter sa croix avec Lui.

La communion à Jésus, par la manducation du Pain vivant qu’il nous donne, invite à unir à son sacrifice ce qui est notre propre sacrifice quotidien, cette part de notre vie que nous portons comme une croix. Communier à Jésus, c’est porter avec Lui, en dépassant l’amertume et le repli sur nous-mêmes, ce qui nous fait mal, ce qui nous pèse. Pas de communion à la vie éternelle dont Jésus est comblé par le Père, sans lui laisser porter avec nous notre croix quotidienne. Au lieu de faire de nos peines un poids mort dont on voudrait se débarrasser, unissons les au sacrifice de Jésus pour en faire peu à peu un chemin de communion et de paix.

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