PKO 18.11.2012

Dimanche 18 novembre 2012 – XXXIIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

 

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°57/2012

HUMEURS

 

« L’équité vient du cœur ; la justice de la raison » (A. Chavanne)

Depuis quelques années, avec des moments plus intenses que d’autres, les « affaires judiciaires » de responsables politiques, syndicaux et économiques font la Une de l’actualité et sont l’objet de conversations quotidiennes dans la rue, à la maison, au travail…

Que les hommes de justice fassent leur travail et que justice soit rendue, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Notre réflexion, aujourd’hui est davantage sur les propos que l’on entend de-ci de-là. Il apparaît parfois une certaine jouissance à voir tel ou tel homme mis au ban des accusés pour ne pas dire jeté en pâture à la population ou lynchés médiatiquement…

Quelle que soit la faute ou l’erreur commise, cela ne justifie en aucun cas que l’on se réjouisse d’un tel spectacle qui ne respecte pas la dignité de l’homme. Tout homme a droit au respect, même si lui ne nous respecte pas.

Les fuites savamment distillées d’on ne sait où … les commentaires, suppositions, extrapolations de media en mal d’auditeur… l’engouement et la course aux lynchages de ces hommes que nous avons souvent adulés… n’est pas compatible avec la foi chrétienne dont beaucoup d’entre nous se réclament.

Il nous faut prier et œuvrer pour que la justice soit appliquée au mieux dès ici bas… mais nous ne devons jamais manquer au devoir du respect inconditionnel de la dignité de tout homme, sans exception aucune.

Un homme est mort par amour de l’Homme et par respect pour sa dignité… nous prétendons être ses disciples… agissons et vivons en conséquence. Que chacun (justice, media, citoyen) garde un minimum de retenue et ne sacrifie jamais au plaisir du malheur de l’autre.

                                                                  

En marge de l’actualité

 

Journée Mondiale de l’Enfance

Mardi prochain, la Journée Mondiale de l'Enfance marquera le 23ème anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. De tous les pays reconnus par les Nations Unis, seul le Soudan du Sud n'a pas signé cette Convention ; et deux autres pays ne l'ont pas ratifiée : les États-Unis (pour des raisons politiques et juridiques internes) et la Somalie (compte tenu de la désorganisation du pays).

193 pays reconnaissent qu'un enfant n'est pas seulement un être fragile qu'il faut protéger mais que c'est une personne qui a le droit d'être éduquée, soignée, protégée, quel que soit l'endroit du monde où l'enfant est né. Ils reconnaissent aussi qu'il a le droit de s'amuser, d'apprendre et de s'exprimer. Et pourtant…

Et pourtant, il reste beaucoup à faire pour que les droits des enfants soient réellement reconnus et défendus dans le monde entier. Dans un bon nombre de pays les réalités et conditions sanitaires, sociales, morales, économiques, culturelles ne permettent pas de respecter les droits et libertés fondamentales des enfants. Plus d'un milliard d'enfants sur Terre, soit plus de la moitié au monde, souffrent de privations extrêmes liées à la pauvreté, à la guerre, au sida... Un enfant meurt toutes les trois secondes ! On estime à 200 millions le nombre d’enfants obligés de travailler pour survivre. Dans 20 Pays 250 000 enfants participent à des conflits armés en tant que soldats, démineurs, espions, porteurs... Plusieurs millions d'enfants et d'adolescents sont prostitués ou exploités sexuellement par des adultes.

En France, sur 15 millions de moins de 18 ans : environ deux millions d'enfants sont touchés par  la pauvreté,  240 000 sont placés ou pris en charge par des organismes sociaux, 15% des enfants arrivant au collège ne savent pas lire, 150 000 filles et garçons quittent chaque année le système scolaire sans diplôme.

Qu'en est-il chez nous, au fenua ?

L'hygiène, la santé, la sécurité physique et affective d'un foyer familial et l'éducation sont indispensables pour assurer le développement complet de l'enfant. Il revient à la société, avec l'appui des pouvoirs publics, de garantir les droits de tout enfant de Polynésie. Sommes-nous capables de relever ce défi, et de prendre les moyens nécessaires ?

Dominique SOUPÉ

Chancelier

 

Année de la Foi : Trois chemins vers Dieu

 

Catéchèse pour l’Année de la Foi du pape Benoît XVI du 14 novembre 2012

Quels sont les chemins qui conduisent à Dieu ? Benoît XVI en a indiqué trois : le monde, l’homme et la foi lors de l’audience générale de ce 14 novembre : le monde, l’homme, la foi. Le pape a en effet poursuivi ses catéchèses sur la foi. Il a souligné notamment que c’est Dieu qui a toujours l’initiative dans la foi et qu’il « ne se fatigue pas de nous chercher, il est fidèle à l’homme qu’il a créé et sauvé ».

Chers frères et sœurs,

Mercredi dernier nous avons réfléchi sur le désir de Dieu que l’être humain porte au plus profond de lui-même. Aujourd’hui je voudrais continuer à approfondir cet aspect en méditant brièvement avec vous sur quelques chemins pour arriver à la connaissance de Dieu.

Je voudrais rappeler d’abord que l’initiative de Dieu précède toujours toute initiative de l’homme et que dans le chemin vers Lui, c’est d’abord Lui qui nous éclaire, nous oriente et nous guide, en respectant toujours notre liberté. Et c’est toujours Lui qui nous fait entrer dans son intimité, se révélant et nous donnant la grâce de pouvoir accueillir cette révélation dans la foi. N’oublions jamais l’expérience de saint Augustin : ce n’est pas nous qui possédons la Vérité après l’avoir cherchée, mais c’est la Vérité qui nous cherche et nous possède.

Cependant il existe des chemins qui peuvent ouvrir le cœur de l’homme à la connaissance de Dieu, il y a des signes qui conduisent à Dieu. Certes, souvent nous risquons d’être aveuglés par les scintillements de la mondanité, qui amenuisent notre capacité à parcourir ces chemins ou à lire ces signes. Mais Dieu ne se fatigue pas de nous chercher, il est fidèle à l’homme qu’il a créé et sauvé, il reste proche de notre vie, car il nous aime. Et cette certitude doit nous accompagner chaque jour, même si certaines mentalités diffuses rendent plus difficile à l’Église et au chrétien de communiquer la joie de l’Évangile à toute créature et de conduire tout le monde à la rencontre avec Jésus, unique Sauveur du monde. Ceci est notre mission, c’est la mission de l’Église et chaque croyant doit la vivre dans la joie, en se l’appropriant, à travers une existence vraiment animée par la foi, marquée par la charité, par le service de Dieu et des autres, et capable de répandre l’espérance. Cette mission resplendit surtout dans la sainteté à laquelle tous sont appelés.

Aujourd’hui, nous le savons, les difficultés ne manquent pas, ni les épreuves, pour la foi qui est souvent peu comprise, contestée, refusée. Saint Pierre disait aux chrétiens : « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect ». (1 P 3,15). Par le passé, en Occident, dans une société considérée comme chrétienne, la foi était le milieu dans lequel on se mouvait ; la référence et l’adhésion à Dieu faisaient partie de la vie quotidienne, pour la majorité des gens. C’était plutôt celui qui ne croyait pas qui devait justifier son incrédulité. Dans notre monde, la situation a changé et le croyant doit toujours plus être capable de rendre raison de sa foi. Le bienheureux Jean-Paul II, dans son encyclique Fides et ratio, soulignait comment la foi était mise à l’épreuve à l’époque contemporaine, à travers des formes subtiles et vétilleuses d’athéisme théorique et pratique (cf. nn. 46-47). À partir des Lumières, la critique envers la religion s’est intensifiée; l’histoire a été marquée aussi par la présence des systèmes athées, dans lesquels Dieu était considéré comme une simple projection de l’âme humaine, une illusion et le produit d’une société déjà faussées de tant d’aliénations. Le siècle suivant a connu un fort processus de sécularisme, à l’emblème de l’autonomie absolue de l’homme, considéré comme mesure et artisan de la réalité, mais appauvri dans son être de créature « à l’image et à la ressemblance de Dieu ». Dans notre temps, un phénomène particulièrement dangereux pour la foi s’est vérifié : il y a en effet une forme d’athéisme que nous qualifions justement de « pratique », dans lequel on ne nie pas les vérités de la foi ou des rites religieux, mais on les considère simplement insignifiants pour l’existence quotidienne, éloignés de la vie, inutiles. Souvent, alors, on croit en Dieu de façon superficielle, et on vit « comme si Dieu n’existait pas » (et si Deus non daretur). Finalement, cette façon de vivre se révèle encore plus destructrice, car elle porte à l’indifférence envers la foi et la question de Dieu.

En réalité, l’homme, séparé de Dieu, est réduit à une seule dimension, horizontale, et ce réductionnisme est justement une des causes fondamentales des totalitarismes qui ont eu des conséquences tragiques au siècle dernier, ainsi que de la crise des valeurs que nous voyons actuellement. En obscurcissant la référence à Dieu, on a obscurci aussi l’horizon éthique, pour laisser place au relativisme et à une conception ambigüe de la liberté, qui au lieu d’être libératrice finit par lier l’homme à des idoles. Les tentations que Jésus a affrontées au désert avant sa mission publique, représentent bien ces « idoles » qui séduisent l’homme, quand il ne va pas au-delà de lui-même. Si Dieu perd la centralité, l’homme perd sa juste place, il ne trouve plus sa place dans le créé, dans les relations avec les autres. Ce que la sagesse antique évoque avec le mythe de Prométhée est toujours d’actualité : l’homme pense pouvoir devenir lui-même « dieu », patron de la vie et de la mort.

Face à ce tableau, l’Église, fidèle au mandat du Christ, ne cesse jamais d’affirmer la vérité sur l’homme et sur son destin. Le Concile Vatican II affirme comme synthèse : « L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec Lui commence avec l’existence humaine. Car, si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être ; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et s’abandonne à son Créateur ». (Const. Gaudium et spes, 19).

Quelles réponses, alors, la foi est-elle appelée à donner, avec « douceur et respect », à l’athéisme, au scepticisme, à l’indifférence envers la dimension verticale, afin que l’homme de notre temps puisse continuer à s’interroger sur l’existence de Dieu et à parcourir les chemins qui conduisent à Lui ? Je voudrais indiquer quelques chemins, qui proviennent soit de la réflexion naturelle, soit de la force de la foi. Je les résumerais de manière très concise en trois mots : le monde, l’homme, la foi.

Le premier : le monde. Saint Augustin, qui dans sa vie a longtemps cherché la Vérité et a été saisi par la Vérité, a écrit une très belle et célèbre page, où il affirme : « Interroge la beauté de la terre, de la mer, de l’air raréfié partout où il s’étend ; interroge la beauté du ciel…, interroge toutes ces réalités. Toutes te répondront : regarde-nous et observe comme nous sommes belles. Leur beauté est comme leur hymne de louange. Or ces créatures si belles, mais changeantes, qui les a faites sinon celui qui est la beauté de façon immuable ? » (Sermon 241, 2). Je pense que nous devons retrouver et faire retrouver à l’homme d’aujourd’hui la capacité de contempler la création, sa beauté, sa structure. Le monde n’est pas un magma informe, mais plus nous le connaissons et plus nous en découvrons les merveilleux mécanismes, plus nous voyons un dessein, nous voyons qu’il y a une intelligence créatrice. Albert Einstein disait que dans les lois de la nature « se révèle une raison si supérieure que toute la rationalité de la pensée et des systèmes humains est en comparaison une réflexion absolument insignifiante » (Comment je vois le monde, Flammarion 1999). Un premier chemin, donc, qui conduit à la découverte de Dieu, est de contempler avec des yeux attentifs la création.

Le deuxième mot : l’homme. À nouveau saint Augustin a une phrase célèbre où il dit que Dieu est plus intime à moi que je ne le suis moi-même (cf. les Confessions III, 6, 11). De là il formule l’invitation : « Ne va pas hors de toi, rentre en toi-même : dans l’homme intérieur habite la vérité » (De vera religione, 39, 72). Ceci est un autre aspect que nous risquons de perdre dans le monde bruyant et dispersé où nous vivons : la capacité de nous arrêter, de regarder en profondeur en nous-mêmes et de lire cette soif d’infini que nous portons à l’intérieur, qui nous pousse à aller plus loin et renvoie à Quelqu’un qui puisse la combler. Le Catéchisme de l’Église catholique affirme : « Avec son ouverture à la vérité et à la beauté, son sens du bien moral, sa liberté et la voix de sa conscience, son aspiration à l’infini et au bonheur, l’homme s’interroge sur l’existence de Dieu. À travers tout cela il perçoit des signes de son âme spirituelle. « Germe d’éternité qu’il porte en lui-même, irréductible à la seule matière (GS 18, §1 ; cf. 14, §2), son âme ne peut avoir son origine qu’en Dieu seul ». (n. 33).

Le troisième mot : la foi. Dans la réalité de notre temps surtout, nous ne devons pas oublier qu’un chemin qui conduit à la connaissance et à la rencontre avec Dieu est la vie de la foi. Celui qui croit est uni à Dieu, il est ouvert à sa grâce, à la force de la charité. Ainsi son existence devient témoignage non de lui-même, mais du Ressuscité, et sa foi ne craint pas de se montrer dans la vie quotidienne, elle est ouverte au dialogue qui exprime une profonde amitié pour le chemin de chaque homme et elle sait ouvrir des lumières d’espérance au besoin de délivrance, de bonheur, d’avenir. La foi, en effet, est rencontre avec Dieu qui parle et agit dans l’histoire et qui convertit notre vie quotidienne, transformant en nous les mentalités, jugements de valeur, choix et actions concrètes. Elle n’est pas illusion, fuite de la réalité, refuge confortable, sentimentalisme, mais elle est implication de toute la vie et annonce de l’Évangile, Bonne Nouvelle capable de libérer tout l’homme. Un chrétien, une communauté qui sont actifs et fidèles au projet de Dieu qui nous a aimés le premier, constituent une voie privilégiée pour ceux qui sont dans l’indifférence ou dans le doute quant à leur existence et leur action. Ceci demande à chacun de rendre toujours plus transparent son témoignage de foi, en purifiant sa vie pour qu’elle soit conforme au Christ. Aujourd’hui, beaucoup ont une conception limitée de la foi chrétienne, parce qu’ils l’identifient davantage avec un simple système de croyances et de valeurs qu’avec la vérité d’un Dieu qui s’est révélé dans l’histoire, désireux de communiquer avec l’homme en tête à tête, dans une relation d’amour avec lui. En réalité, au fondement de toute doctrine ou valeur, il y a l’évènement de la rencontre entre l’homme et Dieu en Christ Jésus. Le christianisme, avant d’être une morale ou une éthique, est l’évènement de l’amour, il est l’accueil de la personne de Jésus. Pour ceci, le chrétien et les communautés chrétiennes doivent avant tout regarder et faire regarder vers le Christ, vrai Chemin qui conduit à Dieu.

© Libreria Editrice Vaticana – 2012


La condition de la femme – Un appel à une prise de conscience

 

Discours du Pape Benoit XVI aux mouvements pour la promotion de la femme à Luanda - 2009

Dans le cadre de la Journée Internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, nous vous proposons de relire le discours du Pape Benoit XVI aux mouvements catholiques pour la promotion de la femme, à Luanda en 2009. Dans ce discours il appelle à une « réelle prise de conscience des conditions défavorables auxquelles ont été - et continuent d'être - soumises de nombreuses femmes, en examinant dans quelle mesure la conduite des hommes, leur manque de sensibilité ou de responsabilité peuvent en être la cause ».

Chers frères et sœurs,

« Ils n’ont plus de vin » - disait Marie en suppliant Jésus, afin que les noces puissent continuer dans la fête, comme il se doit : « Les invités de la noce pourraient-ils donc jeûner pendant que l’Époux est avec eux ? » (Mc 2, 19). Puis la Mère de Jésus s’approcha des serviteurs pour leur recommander : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2, 5). Cette médiation maternelle rendit possible le « bon vin », prémonitoire d’une nouvelle alliance entre la toute-puissance divine et le cœur humain, pauvre mais disponible. C’est d’ailleurs ce qui s’était déjà produit dans le passé quand – nous l’avons entendu dans la première lecture – « le peuple tout entier répondit d’une seule voix : “Tout ce qu’a dit le Seigneur, nous le ferons” » (Ex 19, 8).

Ces mêmes paroles jaillissent du cœur de ceux qui sont ici réunis, dans l’église Saint-Antoine, édifiée grâce à l’œuvre missionnaire méritoire des Frères mineurs capucins, qui la voulurent comme une nouvelle Tente pour l’Arche de l’Alliance, signe de la présence de Dieu au milieu du peuple en marche. Sur eux et sur tous ceux qui collaborent et qui bénéficient de l’assistance religieuse et sociale qui y est donnée, le Pape invoque une bienveillante et encourageante bénédiction. Je salue affectueusement chacune des personnes présentes : Évêques, prêtres, personnes consacrées et, de façon particulière, vous, les fidèles laïcs qui accomplissez consciemment les devoirs d’engagement et de témoignage chrétien qui découlent du sacrement du Baptême et pour les époux, du sacrement du Mariage. En raison du motif qui nous réunit ici, j’adresse une salutation pleine d’affection et d’espérance aux femmes auxquelles Dieu a confié les sources de la vie : vivez et misez tout sur la vie, parce que le Dieu vivant a misé sur vous ! Avec reconnaissance, je salue les responsables et les animateurs des Mouvements ecclésiaux qui ont à cœur, entre autres, la promotion de la femme angolaise. Je remercie Monseigneur José de Queirós Alves et vos représentants pour les paroles qu’ils m’ont adressées, soulignant les préoccupations et les espérances des nombreuses femmes héroïques et silencieuses de cette Nation bien-aimée.

Je vous exhorte tous à une réelle prise de conscience des conditions défavorables auxquelles ont été – et continuent d’être – soumises de nombreuses femmes, en examinant dans quelle mesure la conduite des hommes, leur manque de sensibilité ou de responsabilité peuvent en être la cause. Les desseins de Dieu sont autres. Nous avons entendu dans la lecture que tout le peuple répondit d’une même voix : « Tout ce qu’a dit le Seigneur, nous le ferons ». (Ex 19, 8). L’Écriture Sainte dit que le Créateur divin, en examinant l’œuvre qu’il avait accomplie, découvrit que quelque chose manquait : tout aurait été bon, si l’homme n’avait pas été seul ! Comment l’homme seul pouvait-il être à l’image et à la ressemblance de Dieu qui est un et trine, de Dieu qui est communion ? « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra ». Et après que l’homme a cherché longuement dans la création sans résultat (cf. Gn 2, 18-20), Dieu se mit de nouveau à l’œuvre pour créer l’aide qui lui manquait, et le gratifia de façon privilégiée en introduisant l’ordre de l’amour, qu’il ne voyait pas suffisamment représenté dans la création.

Comme vous le savez, frères et sœurs, cet ordre de l’amour appartient à la vie intime de Dieu lui-même, à la vie trinitaire, l’Esprit Saint étant l’hypostase personnelle de l’amour. Or, « conformément au dessein éternel de Dieu – comme disait le regretté Pape Jean-Paul II -, la femme est celle en qui l’ordre de l’amour dans le monde créé des personnes trouve le lieu de son premier enracinement » (Lettre Apostolique Mulieris dignitatem, n. 29). En effet, en voyant le charme fascinant qui émane de la femme de par la grâce intime que Dieu lui a donnée, le cœur de l’homme s’éclaire et se retrouve en elle : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair » (Gn 2, 23). La femme est un autre « moi » dans l’humanité commune. Il faut reconnaître, affirmer et défendre l’égale dignité de l’homme et de la femme : tous les deux sont des personnes, à la différence de tout autre être vivant dans le monde autour d’eux.

Tous les deux sont appelés à vivre en profonde communion, dans une reconnaissance mutuelle et un don de soi réciproque, travaillant ensemble pour le bien commun avec les caractéristiques complémentaires de ce qui est masculin et de ce qui est féminin. Aujourd’hui, qui ne perçoit le besoin d’accorder plus de place aux « raisons du cœur » ? Dans une civilisation comme la nôtre, dominée par la technique, on ressent le besoin de cette complémentarité de la femme, afin que l’être humain puisse y vivre sans se déshumaniser complètement. Il suffit de penser aux terres où règne la pauvreté, aux régions dévastées par la guerre, à de nombreuses situations dramatiques découlant des migrations forcées ou non… Ce sont presque toujours les femmes qui y maintiennent intacte la dignité humaine, défendent la famille et sauvegardent les valeurs culturelles et religieuses.

Chers frères et sœurs, l’histoire mentionne presque exclusivement les conquêtes des hommes, alors qu’en réalité une part très importante est due à des actions déterminantes, persévérantes et utiles accomplies par des femmes. Parmi de nombreuses femmes extraordinaires, laissez-moi vous parler de deux d’entre elles : Teresa Gomes et Maria Bonino. La première, Angolaise, est décédée en 2004 dans la ville de Sumba, après une vie conjugale heureuse, dont sont nés sept enfants. Sa foi chrétienne a été solide et son zèle apostolique admirable, surtout au cours des années 1975 et 1976, quand une propagande idéologique et politique féroce s’est abattue sur la paroisse Notre-Dame des Grâces de Porto Amboim, arrivant presque à faire fermer les portes de l’église. Teresa se mit alors à la tête des fidèles qui n’abdiquaient pas face à cette situation, les soutenant, protégeant courageusement les structures paroissiales et recherchant toutes les voies possibles pour que la Messe soit à nouveau célébrée. Son amour pour l’Église la rendit infatigable dans l’œuvre de l’évangélisation, sous la conduite des prêtres.

Quant à Maria Bonino, pédiatre italienne, elle s’est proposée comme volontaire pour différentes missions en cette Afrique bien-aimée, et elle est devenue responsable du service pédiatrique de l’hôpital provincial d’Uíge durant les deux derrières années de sa vie. Se consacrant aux soins quotidiens de milliers d’enfants qui y étaient hospitalisés, Marie dût payer par le sacrifice le plus haut le service qui y était rendu durant une terrible épidémie de fièvre hémorragique de Marbourg, finissant par être elle-même contaminée. Transférée à Luanda, c’est ici qu’elle est décédée et qu’elle repose depuis le 24 mars 2005. Demain, ce sera le quatrième anniversaire de sa mort. L’Église et la société humaine ont été – et continuent à être – grandement enrichies par la présence et par les vertus des femmes, en particulier de celles qui se sont consacrées au Seigneur et qui, en fondant leur vie sur Lui, se sont mises au service des autres.

Chers Angolais, aujourd’hui personne ne devrait plus douter du fait que les femmes, sur la base de leur égale dignité avec les hommes, ont « tout à fait le droit de jouer un rôle actif dans tous les secteurs de la vie publique, et leur droit doit être affirmé et défendu, y compris par des instruments juridiques lorsque cela se révèle nécessaire. La reconnaissance du rôle public des femmes ne doit pas diminuer pour autant leur rôle irremplaçable à l’intérieur de la famille : leur contribution au bien et au progrès de la société a là une valeur réellement inestimable, même si elle est peu considérée » (Message pour la Journée Mondiale de la Paix 1995, n. 9). Toutefois, au niveau personnel, la femme fait l’expérience de sa dignité non pas comme le résultat de l’affirmation de droits sur le plan juridique, mais plutôt comme la conséquence directe des attentions matérielles et spirituelles reçues au sein de la famille. La présence maternelle dans la famille est tellement importante pour la stabilité et la croissance de cette cellule fondamentale de la société, qu’elle devrait être reconnue, louée et soutenue par tous les moyens possibles. Et, pour le même motif, la société doit rappeler aux maris et aux pères leurs responsabilités à l’égard de leur propre famille.

Chères familles, vous vous êtes certainement rendu compte qu’aucun couple humain ne peut à lui seul, uniquement par ses propres forces, donner de façon adéquate à ses enfants l’amour et le sens de la vie. En effet, pour pouvoir dire à quelqu’un : « Ta vie est bonne, bien que je n’en connaisse pas l’avenir », il faut une autorité et une crédibilité plus grandes que celles que les parents peuvent avoir à eux seuls. Les chrétiens savent que cette plus grande autorité a été confiée à cette famille plus large que, par son Fils Jésus Christ et par le don de l’Esprit Saint, Dieu a créée dans l’histoire des hommes, c’est-à-dire à l’Église. Nous voyons ici à l’œuvre cet Amour éternel et indestructible qui assure un sens permanent à la vie de chacun de nous, même si nous n’en connaissons pas l’avenir. C’est pourquoi la construction de chaque famille chrétienne advient au sein de cette famille plus grande qu’est l’Église, qui la soutient et la serre sur son cœur, en garantissant que se pose sur elle, maintenant et à l’avenir, le « oui » du Créateur.

« Ils n’ont plus de vin » - dit Marie à Jésus. Chères femmes angolaises, prenez-la comme votre Avocate auprès du Seigneur. C’est ainsi que nous la connaissons depuis les noces de Cana : comme la Femme bienveillante, pleine de sollicitude maternelle et de courage, la Femme qui perçoit les besoins des autres et, voulant y remédier, les porte devant le Seigneur. Auprès d’Elle, nous pouvons tous, femmes et hommes, retrouver la sérénité et la confiance intime qui nous font nous sentir heureux en Dieu et infatigables dans la lutte pour la vie. Puisse la Vierge de Muxima être l’Étoile de votre vie ! Qu’elle vous garde unis dans la grande famille de Dieu ! Amen.

© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana


Sur le ministère des laîcs dans l’Église

 

Les évolutions apportées au ministère des laïcs par le concile Vatican II

En avril 2012, Mgr Joseph Doré, archevêque émérite de Strasbourg, a accordé une interview à la Lettre de l'Église catholique de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS). Pour La Documentation Catholique, Mgr Doré en a développé certains points.

Deux passages de Lumen gentium, la grande constitution dogmatique que Vatican II a consacrée à l'Église, doivent ici être comparés. Au n.35 – qui figurait déjà dans la mouture de 1962 –, les « ministères » de laïcs sont certes mentionnés ; mais, très clairement, on ne leur reconnaît alors qu'un rôle de « suppléance », comme il était du reste déjà arrivé qu'on le fasse dans le passé, mais alors en des situations exceptionnelles, où l'Église manquait cruellement de « ministres sacrés »1. La même perspective apparaît de nouveau au n. 17 du décret sur l'apostolat des laïcs : il y est dit que, dans certaines « circonstances très difficiles », ceux-ci peuvent exercer des fonctions qui leur permettent de « remplacer les prêtres, dans la mesure où ils le peuvent ».

En revanche, le n. 33, qui a été retravaillé, du texte conciliaire final de 1964 fait état de plusieurs modalités de « participation à la mission salvatrice de l'Église elle-même ». On commence par évoquer l'« apostolat » auquel tous sont « destinés par le Seigneur lui-même en vertu de leur baptême et de leur confirmation » ; et l'on tient à préciser dans la foulée que « les laïcs sont par-dessus tout appelés à rendre l'Église présente et agissante en toute circonstance où elle ne peut devenir le sel de la terre que par leur intermédiaire ». On ajoute cependant aussitôt une deuxième possibilité : « Certains peuvent également être appelés, de diverses manières, à collaborer plus immédiatement à l'apostolat de la hiérarchie » ; cette fois, c'est l'Action catholique qui paraît directement visée (sans que soit mentionné, toutefois, le fameux « mandat »). Mais on ne s'en tient pas à cela : introduite en 1964, une phrase indique encore que certains fidèles « sont, en outre, appelés par la hiérarchie à exercer certaines fonctions ou tâches (munera) ecclésiastiques/ecclésiales, à fin spirituelle ». Et dans le même sens, le n. 24 du Décret sur les laïcs ajoutera lui aussi : « Enfin, il arrive que la hiérarchie confère aux laïcs certaines charges (munia) touchant de plus près aux devoirs (officia) des pasteurs : dans l'enseignement de la doctrine chrétienne […], dans certains actes liturgiques et dans le soin des âmes (cura animarum) ». En ce troisième et dernier cas au moins, sont assez manifestement évoquées des tâches ecclésiales que, à quelques précisions près bien entendu, on pourra justement désigner comme des « ministères »…

Enfin, postérieur au Concile, le nouveau Code de droit canonique (1983) complètera, dans les deux paragraphes dont se compose son n. 228. Si en effet le premier de ceux-ci reprend la troisième forme évoquée par LG 33 (à savoir la possibilité, pour des « laïcs reconnus aptes », d'être admis à des offices et des charges ecclésiastiques), le second mentionne leur « capacité à aider les pasteurs de l'Église comme experts ou conseillers, même dans les conseils, selon le droit ».

Les articulations théologiques entre ministère ordonné et laïcat

Par ailleurs, il convient de préciser que la théologie n'a pas manqué d'apporter ici les précisions à l'évidence souhaitables. On peut dire que son souci et son effort ont surtout été d'éviter que, disons, toutes les « prestations » faites par des laïcs au bénéfice de l'Église soient mises sur le même plan. On a en particulier estimé qu'un certain nombre d'entre elles méritaient d'être valorisées, y compris au plan du vocabulaire lui-même – et c'est précisément ce qui explique le recours à l'appellation de « ministères ». Comme la clarté l'exigeait dès lors, on a soigneusement défini les critères qu'il conviendrait dans ce cas d'appliquer. On a ainsi stipulé qu'il doit s'agir de charges et d'actions qui vérifient les caractères suivants, comme le précisa le Père Congar lors de l'Assemblée plénière de l'épiscopat français de Lourdes 1973 :

– avoir été confiées par l'autorité pastorale compétente ;

– s'exercer dans un champ décisif pour la vie de l'Église (annonce, célébration, vie communautaire) ;

– correspondre à une responsabilité effective, et conférée pour une durée permettant à la fois stabilité et continuité.

C'est à ces conditions – à ces conditions seulement, mais à ces conditions vraiment – que je crois pour ma part indiqué de parler de « ministres laïcs ». Tant au plan pastoral qu'au plan théologique, je ne vois en effet que des avantages à adopter cette terminologie clarifiante.

Ces indications positives une fois données, la théologie peut poursuivre en ajoutant encore quelques clarifications. Elle peut déjà faire remarquer ceci : que, à des conditions précises, certains fidèles puissent être appelés à prendre une part de la tâche des prêtres, n'entraîne pas qu'ils quitteraient leur position propre dans l'Église ; ils restent bel et bien des laïcs ! Autrement dit, ils ne participent pas du même coup au ministère ordonné, car ce dernier suppose la réception d'un autre sacrement encore que le baptême – à savoir ce qui est proprement le sacrement de l'ordre. Corrélativement, on peut et même on doit dire que la participation effective de certains fidèles laïcs « à la charge pastorale » – on dira plus clairement encore : à l'activité propre de ceux qui sont pasteurs – n'en fait pas, à proprement parler, des pasteurs (Christifideles laici, 1988, 23). Le canon 150 dispose bel et bien que, pour un office qui comporte « la pleine charge pastorale », l'« ordre sacerdotal » est requis (en tout cas pour la validité). Il n'est d'ailleurs pas dit que les laïcs concernés exercent la tâche pastorale ; il est dit qu'ils « participent » à son exercice (sous-entendu : par d'autres, qui sont, eux, les ministres ordonnés).

La pleine cura ne peut donc être conférée qu'à un « sacerdos  ». Il convient d'autant plus de le rappeler qu'on a parfois assisté à une interprétation plus ou moins abusive de cette « pénurie de prêtres » dont le canon 517, 2 considère qu'elle peut conduire l'évêque diocésain à « croire devoir confier à […] une personne non revêtue du caractère sacerdotal […] une participation à l'exercice de la charge pastorale d'une paroisse » ! On oubliait d'ailleurs alors que le même canon précise dûment que, dans ce cas, l'évêque devra « constituer un prêtre qui, muni des pouvoirs et facultés du curé, dirigera (moderetur) la charge pastorale ».

Prêtres et diacres, deux ministres ordonnés

Des indications complémentaires portant sur les ministres ordonnés que sont prêtres et diacres pourront en effet éclairer davantage encore la situation ecclésiale d'ensemble.

D'un côté, de tout ce que je viens de dire, résulte une conséquence claire pour le statut des prêtres. Restant justement distingués des laïcs (même de ceux qu'on peut dire eux-mêmes « ministres », cf. ci-dessus !), les prêtres se retrouvent directement associés à la responsabilité même de l'évêque. Insistant sur le « ministère de la communauté », le n. 20 de LG retient précisément le pastorat comme l'« englobant » qui – chez les évêques et, en articulation avec lui, chez les prêtres – récapitule les trois munera que sont l'enseignement de la doctrine, la célébration du culte et le gouvernement de l'Église. Il faut donc en réalité comprendre que évêques et prêtres exercent en fait le même ministère fondamental, parce qu'ils assurent ensemble le même « pastorat ». Au sein du Peuple de Dieu et par rapport à toutes les fonctions et tâches qui s'y exercent, l'évêque ne peut honorer sa propre responsabilité pastorale que à la fois avec et par ces cooperatores ordininis nostri que sont pour lui les prêtres. Il les ordonne d'ailleurs dans le seul but de se les associer, comme le proclame le rituel de l'ordination des prêtres.

Du même coup, une clarification est apparue nécessaire quant au statut propre aux diacres. C'est bien ce qui a conduit Benoît XVI à préciser à leur propos que, n'intervenant pas quant à eux in persona Christi capitis, ils ne sont pas à proprement parler des pasteurs, ils n'exercent pas un pastorat. Ils n'en sont pas moins véritablement revêtus du sacrement de l'ordre, ainsi que l'affirme expressément LG 29. La Lettre apostolique « en forme de motu proprio » Omnium in mentem publiée par l'actuel Souverain pontife le 15 décembre 2009 propose la rédaction suivante pour le § 3 du can. 1009 : « Ceux qui sont constitués dans l'Ordre de l'épiscopat ou du presbytérat reçoivent la mission et la faculté d'agir en la personne du Christ Chef, les diacres, en revanche, deviennent habilités à servir le Peuple de Dieu dans la diaconie de la liturgie, de la Parole et de la charité »2.

Des résistances demeurent

Il faut souligner tout le positif de la situation ecclésiale qui résulte de l'ensemble des précisions ainsi apportées depuis le Concile tant par la réflexion de la théologie que par l'intervention du Magistère. […]

Cela dit, je ne nierai pas qu'on puisse ici rencontrer chez d'autres, voire éprouver en soi-même, des « résistances ». Par exemple, certains auront peur de voir les prêtres (et les diacres) perdre leur spécificité s'ils sont entourés et assistés de la sorte par tant de fidèles laïcs. D'autres, à l'inverse, craindront que le fait d'associer pareillement des laïcs à la tâche pastorale, finisse par les cléricaliser. […] À la vérité, nous l'avons vérifié, la théologie est assez claire et la pastorale peut tout à fait l'être elle aussi. C'est bien plutôt du côté des mentalités courantes, des comportements spontanés, des préjugés tenaces et des habitudes ancrées, que gît le problème. Les aspects psychologiques (et psycho-sociologiques) resteront évidemment toujours à contrôler. Ils peuvent en effet entraîner de vraies difficultés « sur le terrain », comme on dit ; et donc il ne faut certes pas les négliger. Les vrais risques sont plutôt, sans doute, du côté d'un certain sacralisme clérical d'une part et d'un égalitarisme revendicatif d'autre part. Mais ne voit-on pas aussi jouer, parfois, ici, un certain machisme, et là, un certain féminisme ?

Une différence entre le ministère des « coopérateurs de la pastorale » et celui des bénévoles envoyés en mission

Qu'est-ce qu'on pourrait bien appeler maintenant des bénévoles « envoyés en mission » ? À dire vrai, ni dans les textes magistériels (conciliaires ou pontificaux) ni dans les dispositions en vigueur dans le diocèse de Strasbourg ou ailleurs, je ne vois à quoi cela correspondrait.

Personnellement, je propose qu'on parle plutôt, là, de « services »3. Ce que j'appelle ainsi ne relève pas d'une « mission » qui devrait être reçue d'un acte spécifique relevant de la responsabilité propre d'un « pasteur » nommant ès qualités à une telle charge. Cela découle purement et simplement du type d'intégration à l'Église et d'agrégation à son Mystère – mais aussi, du même coup, de responsabilisation par rapport à sa vie ! – que réalise de soi le baptême comme tel.

De ces services, on peut clairement distinguer – revenons-y en toute clarté – de véritables ministères qui, confiés à des laïcs qui restent laïcs, les font participer véritablement et ès qualités à l'exercice de la charge pastorale, sans pour autant leur conférer le statut de pasteurs ou de prêtres.

Ministres ordonnés d'un côté (évêque, prêtres, diacres) ; ministres non ordonnés (et donc ministres laïcs, mais véritablement institués4, aux conditions que j'ai rappelées) : en dehors de cela, un chrétien n'a besoin ni de ministère, ni d'envoi, ni de mission pour se manifester et pouvoir intervenir comme acteur qualifié de la vie de l'Église et de son apostolat. Et si l'on peut certes parler là de « bénévolat », la pleine validité ecclésiale de ce dernier ne relève d'aucune députation particulière. Elle découle de soi, pour chaque fidèle (homme ou femme, faut-il le préciser), de « l'éminente dignité » chrétienne et ecclésiale du « saint baptême » qu'il a reçu.

Mgr Joseph DORÉ

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1  Lumen gentium (LG) 35 cite le cas de la « persécution », et le décret Apostolicam actuositatem, 17, « les régions où la liberté de l'Église est gravement compromise ».

2  Cf. DC 2010, n. 2444, p. 362-363 – avec, p. 364, « Quelques remarques » du P. Philippe Toxé, dont celle-ci : « Cela ne diminue pas l'importance du diaconat, mais souligne la particularité des deux manières d'exercer l'Ordre au service du peuple chrétien : le diaconat et le sacerdoce (prêtre et évêque) ». Voir aussi mon article « Les diacres dans l'Église. Eléments de réflexion », in Communio XXI/6, nov.-déc. 1996, p. 73-83.

3  Je sais bien que le mot « service », au singulier comme au pluriel, est riche d'une pluralité d'applications. Ne désigne-t-on pas Jésus le Christ lui-même comme « le Serviteur », le Pape comme le « serviteur des serviteurs de Dieu », et la diaconia (le service) n'est-elle pas caractéristique du ministère diaconal comme tel ? Je propose de l'adopter néanmoins pour deux raisons au moins. D'abord, ce terme est facilement intelligible pour tous ; et ensuite il peut tout à fait prendre le sens spécifique que je lui assigne ici, lorsqu'on l'emploie justement en polarité avec le terme de « ministère » (ordonné ou non).

4  Je donne à ce terme son sens générique de « établis », « constitués » par une autorité compétente s'exerçant ès qualités. Je sais bien que, là encore, il faut tenir compte d'un autre usage du terme : on fait état de « ministères institués » à propos de ces anciens « ordres mineurs » que sont le lectorat et l'acolytat. Mais ils sont soumis à révision depuis le Synode romain de 1987. Voir M. Vidal, À quoi sert l'Église ?, Bayard 2008, p. 172-174. Intitulé « Fonctions, ministères, ministres de l'Église », tout le chapitre 7, p. 144-174, est à lire attentivement. Plus largement, pour la question des ministères, voir J. Doré et M. Vidal, Des ministres pour l'Église, Centurion/Cerf/ Fleurus-Mame 2001, 245 p.

© La Documentation Catholique - 2012

Soyez vigilants !

 

Commentaire de l’évangile du XXXIIIème Dimanche du Temps ordinaire –Année B

« La peur est une chambre noire qui ne développe que des négatifs ». Aujourd’hui, comme au temps de Jésus, les nouvelles paraissent bien alarmantes. Tout évolue très vite. Nous avons l’impression de changer de monde. L’avenir paraît bien sombre et certains se lancent dans des calculs infantiles et des spéculations ésotériques. Comment retarder l’échéance ? Où s’adresser pour percer les intentions secrètes du Créateur ? Les sectes se complaisent à jouer sur ce registre de peur pour se faire des adeptes auprès de gens plus fragiles ou plus inquiets : « adhérez sans tarder à notre groupe d’élus qui seul échappera au châtiment divin ».

L’apocalypse évangélique n’a pas ce goût de cendre, de sang et de désespérance. Qui pourrait nous éclairer ? « Le figuier », nous dit Jésus. Il suffit de le contempler pour en accueillir le message discret. Quand son écorce s’attendrit, que ses bourgeons apparaissent avant d’éclater pour libérer des feuilles minuscules, il annonce la venue de l’été.
Beaucoup d’entre nous pensent que, certes, il y aura une fin du monde, mais c’est tellement loin, que nous n’avons pas à en tenir compte pour notre vie quotidienne. D’autres, qui sont plus sensibles aux catastrophes de notre temps, risquent de plus facilement prêter l’oreille à ceux qui viennent annoncer la fin des temps pour bientôt, précisant parfois la date prochaine du cataclysme final.

A ces frères plus vulnérables, Jésus rappelle : « Personne ne sait ni le jour ni l’heure ». Il serait donc bien malin celui qui pourrait prévoir le jour du retour du Seigneur. Mais à ceux qui risquent de s’endormir, Jésus dit : « Soyez vigilants. Préparez-vous. Cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive ». Car pour chacun de nous, personnellement, la fin du monde, c’est le jour de sa mort. Ce jour-là, pour moi, le temps s’arrêtera. Et je serai projeté, d’un seul coup, à la fin des temps, quand le Seigneur rassemblera tous ses élus. Donc, c’est tout proche. Donc, soyons vigilants.

Mais que signifie « être vigilants » ? C’est de ne pas rêver au futur. C’est de vivre le moment présent en restant attentifs aux signes que le Seigneur nous fait. C’est ne pas perdre notre temps à autre chose que d’aimer, que d’humaniser la terre, que d’humaniser la vie. Demain commence aujourd’hui chaque fois que nous posons des gestes de vie, chaque fois que nous accomplissons des choix d’amour.

On ne peut pourtant pas aimer sans vivre dans la confiance et l’espérance. Jésus nous dit que l’avenir n’est pas le gouffre d’une nuit d’horreurs, mais la délivrance de tous les liens qui nous empêchent de vivre pleinement. Le squelette brandissant la faux fait place au sourire apaisant de l’ami, de l’homme des Béatitudes. Le futur, c’est la mort de la mort, c’est le Christ ressuscité qui nous entraîne dans la vie trinitaire.

Ne vivons pas dans une peur stérilisante. Aimons, en nous faisant jardiniers de l’été qui vient.

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