PKO 16.09.2012

Dimanche 16 septembre 2012 – XXIVème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

 

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°46/2012

HUMEURS

 

Paix et réconciliation !

Le pape Benoît XVI en arrivant au Liban a appelé les différentes autorités à dialoguer pour construire la Paix et promouvoir la Réconciliation.

Parallèlement, le Moyen-Orient s’enflamme après la diffusion d’un film dénigrant le prophète Mahomet.

L’Occident, l’« esprit des lumières » auto-investit, continue, au nom d’une pseudo-liberté, de justifier sa dérision systématique des principes religieux… musulmans, chrétiens et autres… Si en aucun cas les violences et morts d’hommes en réponse à l’affront ressentit par des millions de musulmans ne peut se justifier… il devrait être une occasion de réflexion sur le respect des convictions des croyants et de leurs symboles…

La « persécution » des croyants devient un sport national dans tous coins du monde… Les chrétiens n ‘y font pas exception… persécutions violentes bien souvent (cf. article ci-dessous p.5) mais aussi des vexations et ridiculisations latentes et permanentes dans les pays occidentaux dit « libre »… et la Polynésie n’en est pas exempte. Il ne se passe pas une semaine sans que les medias locaux n’épingle l’Église… une petite phrase ici ou là  sans que le lien soit évident avec le sujet traité…

Certes, l’Église, ses prêtres, ses fidèles ont, au cours de l’histoire, commis des erreurs aux conséquences très graves parfois, et nous en sommes toujours pas à l’abri aujourd’hui… mais cela justifiet-il vraiment une telle haine, un tel acharnement !

À ce jour aucun pays, aucune loge maçonnique, aucune organisation n’a jamais été aussi loin dans une démarche de relecture humble de son histoire et de demande de pardon !

Les « christianophobes » et « catholiquophobes » en tout genre devraient y réfléchir… et peut-être s’en inspirer !

L’Occident agnostique et athée n’est pas plus que d’autres la blanche colombe qu’il voudrait laisser croire !                                                                 

En marge de l’actualité


Voyage de Benoit XVI au Liban : priorité au dialogue et à la réconciliation

Sa Sainteté Benoît XVI se rendra en visite apostolique au Liban du 14 au 16 septembre. Le vendredi 14 septembre, il arrivera dans l’après-midi à l’aéroport international de Beyrouth. Et le soir même, en la cathédrale Saint-Paul de Harissa, en la fête de la Croix glorieuse, il signera puis remettra aux catholiques du Moyen-Orient son Exhortation apostolique issue du Synode des évêques pour le Moyen-Orient, qui s’est déroulé en octobre 2010 à Rome.

Quinze ans après la visite de Jean-Paul II, Sa Sainteté Benoît XVI est vivement attendue. Sur les principales artères qui mènent à Beyrouth, le portrait du pape est partout, sur certaines affiches on peut lire en arabe : « Je suis venu vous apporter la paix ». La « paix », c’est le message que les Libanais attendent du Pape, car la région subit l’onde de choc de la guerre syrienne qui frappe à quelques dizaines de kilomètres.

Malgré les tensions, l’instabilité politique de la région et l’actualité syrienne, Benoît XVI n’a rien changé ni à son calendrier, ni au programme de sa visite. Après la prière de l’Angélus, dimanche dernier à Castel Gondolfo, le pape a exprimé son bonheur de « rencontrer le peuple libanais et ses autorités, ainsi que les chrétiens de ce cher pays, et ceux venus des pays voisins… ». Il a affirmé qu’il comprend « l’angoisse de nombreux Moyen-Orientaux plongé quotidiennement dans des souffrances de tous ordres qui affectent tristement, et parfois mortellement, leur vie familiale et professionnelle et expérimentent la précarité de l’exilé ». Face à toutes ces difficultés, Benoît XVI appelle à « ne pas se résigner à la violence et à l’exaspération des tensions ».

Ainsi le Pape a souligné la priorité accordée au dialogue et à la réconciliation soutenus par la communauté internationale, « toujours plus consciente de l’importance pour le monde entier d’une paix stable et durable dans toute la région ». C’est pourquoi Benoît XVI place son voyage apostolique au Liban « sous le signe de la paix ».

Au cours des cinq discours annoncés, le Souverain Pontife s’adressera non seulement aux deux millions de catholiques (de rites : maronite, grec, melkite catholique, arménien catholique, syriaque catholique, chaldéen et latin), mais aussi à tous les chrétiens des cinq Églises orthodoxes et des différentes branches du protestantisme, ainsi qu’à tous les non-chrétiens de bonne volonté qui accepteront de l’écouter.

Unissons nos prières à celles du Saint-Père pour la paix dans cette région et dans le monde.

Dominique SOUPÉ

Chancelier

Réveiller le sens de la présence du Christ

 

Catéchèse du pape Benoît XVI du 5 septembre 2012

« La prière constante réveille en nous le sens de la présence du Seigneur dans notre vie et dans l’histoire », car elle est « avant tout, écoute de Dieu qui nous parle », explique Benoît XVI. Le pape a commenté la première partie du livre de l’Apocalypse, un livre « difficile » mais d’une « grande richesse », a-t-il expliqué.

Chers frères et sœurs,

Après l’interruption des vacances, nous reprenons aujourd’hui les audiences au Vatican, en poursuivant cette « école de prière » que nous vivons ensemble dans les catéchèses du mercredi.

Je voudrais parler, aujourd’hui, de la prière dans le Livre de l’Apocalypse qui, comme vous le savez, est le dernier livre du Nouveau Testament. C’est un livre difficile, mais il contient une grande richesse. Il nous met en contact avec la prière vivante et palpitante de l’assemblée chrétienne, rassemblée « le jour du Seigneur » (Ap 1, 10) : c’est là, en effet, la toile de fond sur laquelle se développe le texte.

Un lecteur présente à l’assemblée un message confié par le Seigneur à l’évangéliste Jean. Le lecteur et l’assemblée constituent, pour ainsi dire, les deux protagonistes du développement de ce livre. Dès le début, il leur est adressé un souhait joyeux : « Heureux le lecteur et les auditeurs de ces paroles prophétiques » (1, 3). De ce dialogue constant entre eux jaillit une symphonie de prière qui se développe sous une grande variété de formes jusqu’à la conclusion. Si nous écoutons le lecteur qui présente le message, si nous écoutons et observons les réactions de l’assemblée, leur prière tend à devenir la nôtre.

La première partie de l’Apocalypse (1, 4-3, 22) présente, dans l’attitude de l’assemblée en train de prier, trois phases successives. La première (1, 4-8) est constituée d’un dialogue qui, cas unique dans le Nouveau Testament, se déroule entre l’assemblée à peine réunie et le lecteur, qui adresse à celle-ci des vœux de bénédiction : « Grâce et paix vous soient données » (1, 4). Le lecteur poursuit en soulignant la provenance de ces vœux : ils viennent de la Trinité, du Père, de l’Esprit-Saint et de Jésus Christ, engagés ensemble à faire avancer le projet créateur et salvifique pour l’humanité.

L’assemblée écoute et, quand elle entend le nom de Jésus-Christ, elle a comme un sursaut de joie et elle répond avec enthousiasme, en élevant vers le ciel cette prière de louange : « Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, il a fait de nous une royauté de prêtres, pour son Dieu et Père : à lui donc la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen » (1, 5b-6). L’assemblée, enveloppée de l’amour de Dieu, se sent libérée des liens du péché et se proclame « royaume » de Jésus-Christ, lui appartenant totalement. Elle reconnaît la grande mission qui lui a été confiée par le baptême d’apporter au monde la présence de Dieu. Elle conclut ainsi sa  célébration de louange en regardant de nouveau directement vers Jésus et, avec un enthousiasme croissant, elle reconnaît sa « gloire et sa puissance » pour sauver l’humanité. L’« amen » final conclut l’hymne de louange adressé au Christ. Ces quatre premiers versets contiennent déjà une grande richesse d’indications pour nous ; ils nous disent que notre prière doit être avant tout écoute de Dieu qui nous parle.

Submergés par beaucoup de paroles, nous sommes peu habitués à écouter, et surtout à nous mettre dans une attitude de silence intérieur et extérieur pour être attentifs à ce que Dieu veut nous dire. Ces versets nous enseignent, en outre, que notre prière, souvent faite uniquement de demandes, doit au contraire, être faite avant tout de louange rendue à Dieu pour son amour, pour le don de Jésus-Christ qui nous a apporté force, espérance et salut.

Une autre intervention du lecteur rappelle ensuite à l’assemblée, saisie par l’amour du Christ, son engagement à accueillir sa présence dans sa vie. Il dit en effet : « Voici, il vient sur les nuées ; chacun le verra, même ceux qui l'ont transpercé, et sur lui se lamenteront toutes les races de la terre » (1, 7a). Après être monté au ciel dans une « nuée », symbole de la transcendance (cf. Ac 1, 9), Jésus-Christ reviendra de la même manière qu’il est monté au ciel (cf. Ac 1, 11b). Alors, tous les peuples le reconnaîtront, et, comme y exhorte saint Jean dans le quatrième évangile, « ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé » (19, 37). Ils penseront à leurs péchés, cause de sa crucifixion et, comme ceux qui y avaient assisté directement sur le Calvaire, ils se frapperont la poitrine (cf. Lc 23, 48) en lui demandant pardon, pour le suivre dans leur vie et se préparer ainsi à la pleine communion avec lui, lors de son retour final.

L’assemblée réfléchit à ce message et dit : « Oui, Amen ! » (Ap 1, 7b). Par son « oui » elle exprime qu’elle accueille pleinement ce qui lui a été transmis et elle demande que cela puisse devenir réalité. C’est la prière de l’assemblée qui médite sur l’amour de Dieu manifesté de manière suprême sur la  Croix et qui demande de vivre en cohérence en disciples du Christ. Et il y a la réponse de Dieu : « Je suis l'Alpha et l'Oméga, dit le Seigneur Dieu, “Il est, il était et il vient”, le Maître-de-tout » (1, 8).

Dieu, qui se révèle comme le commencement et la fin de l’histoire, accueille et prend à cœur la demande de l’assemblée. Il a été, il est et il sera présent et actif par son amour dans les histoires humaines, dans le présent, dans l’avenir comme dans le passé, jusqu’au terme final. C’est la promesse de Dieu. Et nous trouvons ici un autre élément important : la prière constante réveille en nous le sens de la présence du Seigneur dans notre vie et dans l’histoire ; c’est une présence qui nous soutient, nous guide et nous donne une grande espérance même au cœur des ténèbres de certaines histoires humaines ; en outre, toute prière, même dans la solitude la plus radicale, n’est jamais ni un isolement ni stérile, mais c’est la sève vitale qui alimente une existence chrétienne de plus en plus engagée et cohérente.

La seconde étape de la prière de l’assemblée (1, 9-22) approfondit encore la relation avec Jésus-Christ : le Seigneur se montre, il parle et agit, et la communauté, toujours plus proche de lui, écoute, réagit et accueille. Dans le message présenté par le lecteur, saint Jean raconte une expérience personnelle dans laquelle il a rencontré le Christ : il se trouve sur l’île de Patmos à cause de la « parole de Dieu et du témoignage de Jésus » (1, 9) et c’est le « jour du Seigneur » (1, 10a), le dimanche, jour où l’on célèbre la résurrection. Et saint Jean tombe en extase (cf. 1, 10a). L’Esprit Saint l’envahit et le renouvelle, dilatant sa capacité à accueillir Jésus qui l’invite à écrire. La prière de l’assemblée qui écoute assume peu à peu un comportement contemplatif, rythmé par les verbes « voir » et « regarder », c’est-à-dire qu’elle contemple ce que le lecteur lui propose, pour l’intérioriser et se l’approprier.

Jean entend « une voix clamer, comme une trompette » (1, 10b) : la voix lui impose d’envoyer un message « aux sept Églises » (1, 11) qui se trouvent en Asie mineure et, par elles, à toutes les Églises de tous les temps, en union avec leurs pasteurs. L’expression « une voix… comme une trompette », prise dans le livre de l’Exode (cf. 20, 18), rappelle la manifestation de Dieu à Moïse sur le mont Sinaï et indique la voix de Dieu qui parle du haut du Ciel, de toute sa transcendance. Ici, elle est attribuée à Jésus-Christ ressuscité qui, de la gloire du Père, parle à l’assemblée en prière avec la voix de Dieu. S’étant retourné « pour regarder la voix » (1, 12), Jean aperçoit « sept candélabres d'or, et, au milieu des candélabres, comme un Fils d'homme » (1, 12-13), terme particulièrement familier chez Jean, qui indique Jésus lui-même.

Les candélabres d’or, avec leurs bougies allumées, indiquent l’Église de tous les temps dans une attitude de prière pendant la liturgie : Jésus ressuscité, le « Fils d’homme », se trouve au milieu d’elle et, revêtu des vêtements du grand prêtre de l’Ancien Testament, il remplit la fonction sacerdotale de médiateur auprès du Père. Dans le message symbolique de Jean, suit une manifestation lumineuse du Christ ressuscité, avec les caractéristiques propres à Dieu, que l’on trouve dans l’Ancien Testament. On parle des « cheveux blancs […] comme de la laine blanche, comme de la neige » (1, 14), symbole de l’éternité de Dieu (cf. Dt 7, 9) et de la résurrection. Un second symbole est celui du feu qui, dans l’Ancien Testament, fait souvent référence à Dieu pour indiquer deux propriétés. La première est l’intensité jalouse de son amour, qui anime son alliance avec l’homme (cf. Dt 4, 24). Et c’est cette même intensité brûlante de l’amour qu’on lit dans le regard de Jésus ressuscité : « ses yeux comme une flamme ardente » (Ap 1, 14a). La seconde est sa capacité irrésistible de vaincre le mal comme « un feu dévorant » (Dt 9, 3). Ainsi, même « les pieds » de Jésus, en marche pour affronter et détruire le mal, ont l’incandescence de « l'airain précieux » (Ap 1, 15). Ensuite, la voix de Jésus-Christ, « comme la voix des grandes eaux » (1, 15c), a le fracas impressionnant « de la gloire du Dieu d’Israël » qui avance vers Jérusalem, dont parle le prophète Ezéchiel (cf. Ez 43, 2). Suivent trois autres éléments symboliques qui montrent ce que fait Jésus ressuscité pour son Église : il la tient fermement de la main droite ; c’est une image très importante : Jésus tient l’Église par la main, il lui parle avec la force pénétrante d’une épée acérée et lui montre la splendeur de sa divinité : « son visage, c'est comme le soleil qui brille dans tout son éclat » (Ap 1, 16). Jean est tellement pris par cette incroyable expérience du Ressuscité qu’il se sent mal et tombe comme s’il était mort.

Après l’expérience de cette révélation, l’apôtre a voit le Seigneur Jésus qui parle avec lui, le rassure, lui pose la main sur la tête, lui révèle son identité de Crucifié ressuscité et lui confie la charge de transmettre un message aux Églises (Ap. 1, 17-18). C’est très beau, ce Dieu devant lequel il s’évanouit et tombe comme mort. C’est l’ami de sa vie, qui lui met la main sur la tête.

Et ce sera la même chose pour nous : nous sommes les amis de Jésus. Et la révélation du Dieu ressuscité, du Christ ressuscité, ne sera pas terrifiante, mais ce sera la rencontre avec l’ami. L’assemblée vit aussi avec Jean ce moment particulier de lumière face au Seigneur, mais en lien avec l’expérience d’une rencontre quotidienne avec Jésus, pressentant la richesse de ce contact avec le Seigneur qui remplit tout l’espace de son existence.

Dans la troisième et dernière phase de la première partie de l’Apocalypse (1 P 2-3), le lecteur propose à l’assemblée un message en sept parties, dans lequel Jésus parle à la première personne. Adressé à sept Églises situées en Asie mineure autour d’Éphèse, le discours de Jésus part de la situation particulière de chacune d’elles, pour ensuite s’étendre aux Églises de tous les temps. Jésus entre immédiatement dans le vif de la situation de chacune d’elles, mettant en avant leurs ombres et leurs lumières et leur adressant une invitation pressante : « Convertis-toi » (2, 5.16 ; 3, 19c) ; « tiens ferme ce que tu as » (3, 11) ; « reprends ta conduite première » (2, 5) ; « un peu d'ardeur, et repens-toi ! » (3, 19b)… Cette parole de Jésus, si on l’écoute avec foi, devient immédiatement efficace : l’Église en prière est transformée en accueillant la Parole du Seigneur. Toutes les Églises doivent se mettre dans une attitude d’écoute attentive du Seigneur, en s’ouvrant à l’Esprit comme Jésus le demande avec insistance, en répétant ce commandement sept fois : « Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises » (2, 7.11.17.29 ; 3, 6.13.22). En écoutant le message, l’assemblée est stimulée à la repentance, à la conversion, à la persévérance, à grandir dans l’amour ; elle trouve une orientation pour sa route.

Chers amis, l’Apocalypse nous montre une communauté rassemblée en prière, parce que c’est précisément dans la prière que nous percevons toujours plus la présence de Jésus avec nous et en nous. Plus nous prions et mieux nous prions, avec constance et intensité, plus nous nous assimilons à lui et plus il entre vraiment dans notre vie pour la guider, nous donnant la joie et la paix. Et plus nous connaissons, plus nous aimons et plus nous suivons Jésus, plus nous ressentons le besoin de nous arrêter pour le retrouver dans la prière, recevant sérénité, espérance et force pour notre vie. Merci pour votre attention.

© Libreria Editrice Vaticana – 2012

La coresponsabilité des laïcs dans l’Église

 

Message du pape Benoit XVI aux participants au Forum international de l’Action Catholique

S’adressant au Forum international de l’action catholique, réuni à Iasi (Roumanie) du 22 au 26 août, Benoît XVI a insisté sur la coresponsabilité des laïcs dans l’Église. Dans son message, le pape souhaite que soit « consolidé un laïcat mûr et engagé, capable d’apporter sa contribution spécifique à la mission ecclésiale, dans le respect des ministères et des devoirs (…) et toujours en communion cordiale avec les évêques ». Pour Benoît XVI, en servant l’Église, les laïcs doivent respecter « les finalités apostoliques dans leur intégralité », dans un « équilibre fécond entre Église universelle et Église locale », et dans un esprit « d’union intime avec le Successeur de Pierre ». D’où l’idée de « coresponsabilité active ». Ainsi « les pasteurs de l’Église, forts de l’expérience des laïcs, ont un jugement plus clair et plus opportun aussi bien spirituellement que temporellement », note encore le pape. Il appelle à un « changement de mentalité », car les laïcs doivent être « considérés non pas comme des « collaborateurs » du clergé, mais comme des personnes réellement « coresponsables » de l’être et de l’agir de l’Église » . Le rôle des laïcs, « réellement coresponsables de l’être et de l’agir de l’Église », est donc « une école de mondialisation de la solidarité et de la charité, pour croître, avec toute l’Église, dans la coresponsabilité d’offrir un avenir d’espérance à l’humanité, en ayant le courage également de formuler des propositions exigeantes ». Le pape, en rappelant la « longue et féconde histoire » de l’action catholique écrite par des « témoins courageux du Christ », l’invite enfin à renouveler son engagement à « marcher sur la voie de la sainteté, en maintenant une intense vie de prière, en favorisant et en respectant des itinéraires personnels de foi ». (Frédéric Mounier)

À l’occasion de la VIe assemblée ordinaire du Forum international de l’Action catholique, vous êtes appelés à réfléchir sur la « coresponsabilité ecclésiale et sociale ». Il s’agit d’un thème d’une grande importance pour le laïcat, qui s’inscrit parfaitement dans la perspective de l’Année de la foi et de l’Assemblée ordinaire du synode des évêques sur la nouvelle évangélisation.

La coresponsabilité exige un changement de mentalité touchant, en particulier, au rôle des laïcs dans l’Église, qui doivent être considérés non comme des « collaborateurs » du clergé, mais comme des personnes réellement « coresponsables » de l’existence et de l’action de l’Église. Il est par conséquent important que se renforce un laïcat mûr et engagé, capable d’apporter sa contribution spécifique à la mission ecclésiale, dans le respect des ministères et des tâches que chacun a dans la vie de l’Église et toujours en communion cordiale avec les évêques.

À cet égard, la Constitution dogmatique Lumen Gentium qualifie le style des relations entre les laïcs et les pasteurs par l’adjectif « familier » : « De ce commerce familier entre laïcs et pasteurs il faut attendre pour l’Église toutes sortes de biens : par là en effet s’affirme chez les laïcs le sens de leurs responsabilités propres, leur ardeur s’entretient et les forces des laïcs viennent plus facilement s’associer à l’action des pasteurs. Ceux-ci, avec l’aide de l’expérience des laïcs, sont mis en état de juger plus distinctement et plus exactement en matière spirituelle aussi bien que temporelle, et c’est toute l’Église qui pourra ainsi, renforcée par tous ses membres, remplir pour la vie du monde plus efficacement sa mission » (n. 37).

Chers amis, il est important d’approfondir et de vivre cet esprit de communion profonde dans l’Église, caractéristique des débuts de la communauté chrétienne, comme en témoigne le livre des Actes des Apôtres : « La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme » (4, 32). Faites vôtre l’engagement à œuvrer pour la mission de l’Église : par la prière, par l’étude, par la participation active à la vie ecclésiale, par un regard attentif et positif à l’égard du monde, dans la recherche continue des signes des temps. Ne vous lassez pas de soigner toujours davantage, par un engagement sérieux et quotidien au service de la formation, les aspects de votre vocation particulière de fidèles laïcs, appelés à être des témoins courageux et crédibles dans tous les domaines de la société, afin que l’Évangile soit une lumière qui apporte l’espérance dans les situations problématiques, de difficultés, d’obscurité, que les hommes d’aujourd’hui trouvent souvent sur le chemin de la vie.

Conduire à la rencontre avec le Christ, en annonçant son Message de salut avec des langages et des manières compréhensibles à notre temps, caractérisé par des processus sociaux et culturels en transformation rapide, est le grand défi de la nouvelle évangélisation. Je vous encourage à poursuivre avec générosité dans votre service à l’Église en vivant pleinement votre charisme, dont la caractéristique fondamentale est de respecter la fin apostolique dans son intégralité, dans un équilibre fécond entre Église universelle et Église locale et dans un esprit d’union intime avec le Successeur de Pierre et de coresponsabilité active avec leurs pasteurs (cf. Concile œcuménique Vatican II, décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, n. 20). En cette période de l’histoire, à la lumière du magistère social de l’Église, œuvrez également pour être toujours plus un laboratoire de « mondialisation de la solidarité et de la charité », pour croître, avec toute l’Église, dans la coresponsabilité d’offrir un avenir d’espérance à l’humanité, en ayant le courage également de formuler des propositions exigeantes.

Vos associations de l’Action catholique peuvent être fières d’une longue et féconde histoire, écrite par des témoins courageux du Christ, dont certains ont été reconnus par l’Église comme bienheureux et saints. Dans leur sillage, vous êtes appelés aujourd’hui à renouveler l’engagement à marcher sur la voie de la sainteté, en conduisant une intense vie de prière, en favorisant et en respectant des itinéraires personnels de foi et en valorisant les richesses de chacun, avec l’accompagnement des prêtres assistants et de responsables capables d’éduquer à la coresponsabilité ecclésiale et sociale. Que votre vie soit « transparente », guidée par l’Évangile et illuminée par la rencontre avec le Christ, aimé et suivi sans crainte. Assumez et partagez les choix pastoraux des diocèses et des paroisses, en favorisant des occasions de rencontre et de sincère collaboration avec les autres composantes de la communauté ecclésiale, en créant des relations d’estime et de communion avec les prêtres, en vue d’une communauté vivante, ministérielle et missionnaire. Cultivez des relations personnelles authentiques avec tous, à commencer par la famille, et offrez votre disponibilité à la participation, à tous les niveaux de la vie sociale, culturelle et politique en ayant toujours comme objectif le bien commun.

Avec ces brèves pensées, et tandis que je vous assure de mon souvenir affectueux dans la prière pour vous, pour vos familles et pour vos associations, j’adresse à tous les participants à l’assemblée la Bénédiction apostolique que j’étends avec plaisir à tous ceux que vous rencontrerez dans votre apostolat quotidien.

© Libreria Editrice Vaticana - 2012


Ce que mariage veut dire…


Si les mots ont un sens, le mariage, tel qu’il sera désormais défini après la loi sur « le mariage pour tous », (« le mariage peut être contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ») n’aura plus grand-chose à voir avec le mariage catholique, qui célèbre l’union entre un homme et une femme : un seul terme, donc, mais deux définitions radicalement différentes. La nouvelle loi viendrait ainsi terminer un processus de sécularisation progressif commencé en 1792, avec l’institution d’un mariage par l’officier d’état civil remplaçant les registres paroissiaux.

Quoi de plus normal, dira-t-on ? La société s’autonomise du religieux, et désormais les deux sphères, la religieuse et la civile, fonctionnent de manière totalement distincte, voire indifférente l’une à l’autre. Les catholiques peuvent bien continuer à célébrer leurs mariages, avec la signification qu’ils y apportent, et les maires le leur, sans que personne ne se gêne...

Pas de mariage à l’église sans passer par la mairie

Sauf que de cette racine commune, il restait encore un signe dans le droit français : l’obligation, pour l’Église, comme pour toute religion d’ailleurs, en France, de se marier à la mairie avant de se marier religieusement. On l’ignore souvent, mais le non-respect de cette règle est constitutive d’un délit : « tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ». (code pénal art. 433.21).

À l’époque, il s’agissait d’en finir avec la mainmise de l’Église sur la société, et obliger ainsi les catholiques non républicains à bien passer devant le maire... Ironie de l’histoire, non seulement l’Église a accepté cette situation, mais elle en a même fait un point fort de sa théologie du mariage, en inscrivant ainsi le mariage catholique dans une réalité sociale, ce qui permet de donner une dimension civile à ce sacrement.

L’État doit-il continuer à contrôler le mariage religieux ?

Dès lors que l’on ne met plus les mêmes choses derrière le mot mariage, pourquoi donc garder ce lien, s’interrogent certains ? Des personnalités comme Guy Coq y voient un archaïsme, l’État n’ayant pas à contrôler le mariage religieux. D’autres catholiques, plus extrêmes, menacent de désormais boycotter le mariage civil, et donc passer outre cette obligation, une manière, pour eux, d’entrer en dissidence par rapport à la nouvelle loi... En bref, vous ne respectez pas notre conception, on ne respecte pas votre loi.

Sauf que l’on ne voit pas bien ce que l’État perdrait à ce changement, alors qu’il n’est pas certain que l’Église, elle, y gagnerait beaucoup. Sauf à accélérer encore un peu plus son exclusion totale de la société. Les rites font partie de la culture, et la fonction de la religion a toujours été de célébrer ces rites, marquant ainsi les rendez-vous importants de la société. Doit-elle y renoncer totalement ? Comme le notait Benoît XVI, dans Lumière du monde, « l’existence chrétienne ne doit pas devenir une sphère archaïque, que je maintiens d’une manière ou d’une autre et ou je vis en quelque sorte à côté de la modernité ». Évidemment, dans des sociétés non chrétiennes, la chose est peu aisée : comment la foi peut-elle s’approprier les formes de modernité sans se perdre ?

L’exemple des premiers chrétiens

Sans doute gagnerait-on à remonter encore plus en amont dans l’histoire du mariage. Avant d’être une institution gérée par l’Église, le mariage, dans les premiers siècles du christianisme, était imposé par le code romain. Que faisaient alors les chrétiens ? Et bien, ils se mariaient « comme tout le monde », selon les coutumes et les lois en vigueur. Pas tout à fait comme tout le monde cependant : ils refusaient les dispositions contraires à leur foi, comme par exemple l’exclusion des esclaves du mariage. Et les offrandes aux idoles étaient remplacées par leurs prières au Christ. Une disposition qui a permis l’entrée des prêtres dans les maisons. Et accéléré la christianisation du monde romain.

Isabelle de GAULMYN

© La Croix 2012

Un panorama des discriminations anti-chrétiennes

 

Le défi de l’altérité

N’abusons pas du terme de « christianophobie », mais l’évidence s’impose, on constate des discriminations croissantes envers les chrétiens dans le monde. Dans le témoignage des Églises, comme dans les rapports du Vatican, d’Amnesty International ou du département d’État américain, s’exprime la même inquiétude sur l’avenir de la liberté religieuse. État des lieux.

Les plus menacées sont celles du Maghreb et du Moyen-Orient, estimées entre 10 et 15 millions, dont nous traitons largement dans ce dossier. La guerre du Liban, la Révolution islamique en Iran, la guerre civile en Algérie, le long chaos irakien, la poussée islamiste en Palestine (avec le Hamas) avaient été des traumatismes synonymes de marginalisation et d’exode. Les chrétiens ont survécu comme citoyens de seconde zone, mais certains de leurs hiérarques se sont compromis avec les régimes de dictatures en place (Irak, Syrie, Libye). Aujourd’hui, à l’heure du Printemps arabe, ils semblent à nouveau balayés par le vent de l’Histoire, déchirés entre l’aspiration à la démocratie et la menace des islamistes conquérants dans les urnes. En Égypte, en Syrie, ils sont déstabilisés, isolés et peinent à trouver leur place sur des échiquiers politiques encore instables.

En Afrique noire aussi, l’islamisme est une menace. Au Nigeria, pays le plus peuplé (158 millions dont la moitié de chrétiens), Noël 2011 s’est révélé sanglant, endeuillé par la mort de 35 personnes dans l’église de Madalla en périphérie de la capitale Abuja. La secte islamiste Boko Aram, qui se réclame des talibans afghans, veut vider le Nord-Nigeria, très majoritairement musulman, de sa population chrétienne et créer un État islamique. La charia qui, en principe, ne doit s’appliquer qu’aux musulmans et ne pas contredire la loi fédérale, est déjà appliquée dans une dizaine d’États du Nord. En pratique, les chrétiens subissent la pression de la majorité musulmane. On leur reproche de boire de l’alcool, de mener une vie nocturne ou de ne pas voiler leurs femmes.

Tracasseries et incidents

Le Soudan a hérité de trente-cinq ans de guerre civile et de deux millions de morts. Après la sécession du Sud majoritairement chrétien et animiste, le régime du président Bashir au Nord renforce son identité arabe et musulmane et durcit l’application de la charia. Plusieurs centaines de milliers de Soudanais du Sud, majoritairement chrétiens, qui avaient trouvé refuge au Nord pendant la guerre, ont été priés de plier bagage avant avril et de rentrer au Sud. Cela signifie la fermeture des églises, des séminaires, le départ des congrégations religieuses, la fin annoncée de toute présence chrétienne dans le Nord. Dans les zones musulmanes réputées plus tolérantes, (au Sénégal, au Tchad, dans le Nord-Bénin, le Nord-Togo, au Burkina Faso, au Niger, au Mali), les Églises locales déplorent aussi un nombre croissant de tracasseries et d’incidents : entraves à la construction d’églises, installation de mosquées concurrentes près de lieux de culte chrétien, déprédations, surveillance, pressions sur les fidèles pour qu’ils se convertissent à l’islam. Dans ces pays, la tradition de dialogue entre chrétiens et musulmans se heurte à la conception plus militante de l’islam importée par de jeunes musulmans formés en Arabie saoudite, en Égypte ou en Iran.

Dans les pays d’Asie à domination musulmane, la cohabitation avec les chrétiens ultra minoritaires devient également plus difficile. En Indonésie, en Malaisie, les Églises sont intégrées au jeu politique, mais des groupuscules islamistes accusent les chrétiens de prosélytisme sous couvert d’aide sociale et luttent contre les constructions d’églises. C’est au Pakistan que la tension est la plus palpable. Les islamistes occupent le terrain dans cet État largement décomposé et menacent les musulmans modérés, les hindous et les chrétiens situés en bas de l’échelle sociale et marginalisés. La pression devient telle que, dans les procès fabriqués de « blasphème », les chrétiens peinent à trouver des juges et des avocats.

Profanation, lapidation, pogrom

Des événements récents ont ému le monde comme la condamnation à mort par lapidation d’Asia Bibi, une villageoise chrétienne du Pendjab, accusée par d’autres femmes d’insultes contre le Prophète. Ou l’assassinat, en mars 2011 à Islamabad, de Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités, unique catholique du gouvernement pakistanais. Le groupe islamiste qui a revendiqué l’attentat avait accusé le ministre de s’opposer à la loi anti-blasphème et de défendre Asia Bibi. Deux mois auparavant, et pour les mêmes motifs, le gouverneur musulman du Pendjab, Salman Taseer, avait été assassiné par son propre garde du corps.

En Inde, c’est l’extrémisme hindou cette fois qui constitue la principale menace. La minorité chrétienne ne représente que 2,3 % de la population, mais elle est accusée par les militants radicaux du Bharatiya Janata Party (BJP) de vouloir convertir les hindous dans les hôpitaux, les écoles, les universités où les Églises sont présentes et actives.

De véritables pogroms ont eu lieu dans l’État de l’Orissa en 2008. Des actions antichrétiennes – profanation de cimetières, imposition de rituels hindous dans les écoles – se poursuivent dans ces États du Gujarat, de Madhya Pradesh, de Karnatak où le BJP, au pouvoir ou dans des gouvernements de coalition, ratisse l’électorat en jouant sur la peur des conversions, exploite les mécontentements liés aux tensions entre communautés et castes.
Ce n’est pas l’intolérance religieuse, mais l’athéisme d’État qui explique la situation de persécution des chrétiens en Corée du Nord, où des protestants évangéliques venus du Sud sont régulièrement arrêtés et emprisonnés, et surtout en Chine où la pression du pouvoir sur les Églises est d’autant plus forte que le christianisme s’impose, dans la compétition idéologique, comme un facteur de séduction dans les milieux jeunes, universitaires et intellectuels. Avant les jeux Olympiques de Pékin et l’Exposition universelle de Shanghaï, Pékin avait tenté de redresser son image internationale en assouplissant son contrôle sur les Églises. Depuis, les masques sont tombés. Répression physique et viol des consciences demeurent le lot commun de communautés protestante et catholique privées de toute activité sociale et éducative.

Locale, officielle, clandestine

On ne connaît même pas le nombre précis de ces Églises. Les protestants sont majoritaires (30 millions ?), regroupés dans des « églises locales » sous le contrôle officiel. Dès qu’elles prennent de l’ampleur, ces églises, redoutées par le pouvoir comme ferments de contestation, sont fermées. Quant aux catholiques – de 12 à 24 millions –, leur Église reste tragiquement coupée en deux : une Église « officielle » dépendante de l’Association patriotique des catholiques de Chine et l’Église « clandestine » ou « souterraine », d’une obéissance absolue au pape, dans laquelle on compte des évêques (quatre) et des prêtres (une quarantaine) détenus dans des camps de travail ou des locaux policiers. La nomination des évêques fait l’objet d’une lutte impitoyable entre les autorités de Pékin, qui veulent garder la haute main sur les responsables locaux, et le Vatican qui entend désigner librement ses évêques. Après une phase de nominations négociées (avant 2008), le régime ne laisse plus de place à la concertation et nomme des personnalités malléables et compromises. Deux évêques « officiels » – Paul Ley Shiyin à Leshan et Joseph Huang Bingzhang à Shantou –, ordonnés sans mandat du pape, ont été excommuniés par Benoît XVI au printemps 2011. La nouveauté est la pression physique exercée sur les évêques reconnus par Rome pour les contraindre à participer à la consécration d’évêques illicites (nommés sans accord du pape). En 2012, la tension est à son comble et la perspective de normalisation diplomatique entre Pékin et le Vatican s’éloigne pour de bon.

Au Vietnam aussi, la situation se dégrade. Le gouvernement tente de faire plier des communautés chrétiennes à l’avant-garde de la contestation. L’Église catholique (8 millions, soit 7 % de la population) est l’une des rares organisations à oser s’élever, jusque dans les rues, contre l’arbitraire policier et la corruption. La répression est féroce. Des terrains qui appartiennent à l’Église sont nationalisés, des paroisses traînées devant la justice. Celle de Thaï Ha, tenue par des religieux rédemptoristes dans la banlieue de Hanoï, est le théâtre de violences depuis 2008. L’archevêque de Hanoï, Mgr Ngo Kuang Kiet a été contraint en mai 2010 de démissionner. À Cuba enfin, si l’Église catholique dispose d’un peu plus d’autonomie depuis la visite de Jean-Paul II en 1998 et l’arrivée de Raul Castro, le système politique reste bloqué et les dissidents, comme Oswaldo Paya, traqués. Pour eux, comme tant d’autres dans le monde, la foi chrétienne est inséparable du combat politique et source de persécution.

Henri TINCQ

© Amnesty international - 2012

Et vous, que dites-vous ?

 

Commentaire de l’évangile du XXIVème Dimanche du Temps ordinaire –Année B

Le passage que nous venons d’entendre constitue un tournant dans l’évangile de Saint Marc. Jusqu’alors le récit exprimait un grand bonheur. Malgré quelques manifestations de méfiance et d’hostilité de la part des scribes et des pharisiens que note Marc, l’Évangile jusque là ressemblait à une marche triomphale. Les foules accourent de partout : de Galilée, de Judée et de Jérusalem, mais aussi du désert égyptien, de la côte libanaise et de Transjordanie. Des foules qui ont reconnu d’instinct dans les paroles et dans les gestes de Jésus une proximité divine, quelque chose de fort et, en même temps, de doux et de tendre. À son contact, les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, et les paralysés se remettent debout. C’est le printemps du Royaume de Dieu.

Alors, quand Jésus pose à ses apôtres la question de confiance : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? », la réponse fuse de la bouche de Pierre : « Tu es le messie ». Ce n’était pourtant encore que la première étape sur le chemin de la foi. Reconnaître en Jésus le Messie, l’homme imprégné de Dieu, n’était certes pas facile. Mais ce n’est qu’un premier palier, parce que reconnaître que Jésus vient de Dieu, se prononcer sur son origine, ne dit pas encore où il va ni comment il y va. À l’écoute des paroles de Jésus, à la vue de ses signes, Pierre a su reconnaître l’origine divine de cet homme unique.

Mais c’est précisément le moment que Jésus choisit pour enseigner qu’il faut que le fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Pierre n’est pas encore capable d’accepter ces mots qui lui propose de franchir un deuxième étape obligée. Il veut bien d’un dieu qui parviendrait à supprimer ou à éviter la souffrance et la mort, mais pas d’un Dieu qui ressuscite après en avoir été lui-même victime. Il veut bien d’un dieu qui parvienne à s’imposer aux anciens, aux chefs des prêtres et aux scribes, mais il ne veut pas d’un Dieu qui soit rejeté, défait et finalement tué par eux. Il veut bien d’un dieu qui soit le maître des lois de la nature et de l’histoire, et qui manifeste sa toute-puissance par des miracles spectaculaires, mais il ne veut pas d’un Dieu qui soit soumis comme tous les hommes aux lois de la nature et de l’histoire, et qui manifeste sa puissance par une résistance étonnante de l’amour et de la confiance à l’intérieur de la souffrance...

Alors Pierre prend Jésus à part, et lui fait de vifs reproches. La riposte de Jésus a quelque chose de cinglant et de brutal : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». Autrement dit : « Pierre, ton image de la toute-puissance de Dieu est celle d’un homme, mais elle ne correspond pas à la puissance que Dieu lui-même choisit d’avoir. Ton espoir d’échapper à la mort et de l’emporter sur nos adversaires te fait rêver d’une victoire par la force, mais ce rêve est une caricature du Salut de Dieu, et cette caricature a quelque chose de satanique ». Le Salut de Dieu ne consiste pas à supprimer la souffrance, la mort et la haine par la force ou par un coup de baguette magique.


La foi de Pierre ne deviendra totale qu’à l’heure où il acceptera de répondre non seulement à la question « D’où vient Jésus ? » mais aussi aux questions « Où va-t-il ? » et « Par quel chemin ? » Bien entendu, il ne suffit pas de « répondre », il faut aussi suivre. C’est là le seul moyen de sauver notre vie si fragile et provisoire, qui se heurte au mur d’une mort inévitable. Nous avons le devoir évident et urgent lutter de toutes nos forces et de toute notre intelligence contre le mal, l’injustice et la souffrance... mais sans jamais oublier que nous ne pourrons pas éviter de mourir.

Entrer dans la mort avec le Christ c’est la traverser avec lui. C’est, avec lui, par « le ravin de ténèbres » (psaume 22), ne craindre aucun mal et déboucher dans la vie éternelle.

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