PKO 14.10.2012

Dimanche 14 octobre 2012 – XXVIIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

 

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°51/2012

HUMEURS

 

En route pour l’Année de la Foi

La Cathédrale était comble ce jeudi pour la célébration de l’ouverture de l’Année de la Foi. Qu‘étions-nous venus voir ou y chercher ? La grâce d’une indulgence plénière ? La joie d’un moment de ferveur communautaire ? Certainement un peu de cela…

Mais probablement en ces temps troubles économiquement, politiquement et même éthiquement c’est aussi du sens, du sens à notre vie, que nous sommes venus chercher.

Dans son homélie d’ouverture, le pape Benoit XVI, commentant le texte du Siracide : « La Sagesse du voyageur » exprime bien ce que nous avons ressenti jeudi, à la Cathédrale : « Comment se fait-il que tant de personnes ressentent le besoin de parcourir ces chemins ? Ne serait-ce pas parce qu’il trouvent là, ou au moins y perçoivent quelque chose du sens de notre être au monde ? Voici alors la façon dont nous pouvons penser cette Année de la foi : un pèlerinage dans les déserts du monde contemporain, au cours duquel il nous faut emporter seulement ce qui est essentiel : ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent et n’ayez pas deux tuniques – comme dit le Seigneur à ses Apôtres en les envoyant en mission (cf. Lc 9,3) – mais l’Évangile et la foi de l’Église… »

Par cette « Année de la Foi », l’Église veut se faire accompagnante et signe d’espérance pour notre société en désespérance.

Non pas une espérance benoîte et spiritueuse… mais une espérance concrète au plus près des hommes de ce temps, de leurs angoisses existentielles et de leurs peurs. Une espérance enracinée dans la spiritualité évangélique à la lumière du Concile Vatican II avec comme seul guide le Christ Sauveur.

Ne rêvons pas, si l’Année de la Foi sera de toute évidence une année de grâce, elle sera aussi une année de douleur pour la société et pour l’Église elle-même : « La fragilité humaine est présente jusque dans l'Église, dont la barque navigue à contrevent parmi des tempêtes qui la menacent ». (Benoit XVI)

Courage !

                                                                  

En marge de l’actualité


La Belle Église du Concile

Au soir de l’ouverture de l’Année de la Foi, Benoît XVI est apparu à la fenêtre de son bureau pour saluer la procession aux flambeaux organisée à l'ouverture de l'Année de la foi par le diocèse de Rome et l'Action catholique italienne dans le cadre de l'opération intitulée « La belle Église du Concile ». Refaisant le geste de Jean XXIII, qui au soir de l'ouverture de Vatican II (11 octobre 1962) s'était spontanément adressée à la foule, le Saint-Père a évoqué « les inoubliables paroles du Bon Pape, remplies de poésie, de douceur et de cordialité. Nous étions heureux et pleins d'enthousiasme. La grande assemblée œcuménique était ouverte et nous étions certains d'un nouveau printemps de l'Église, d'une nouvelle Pentecôte et d'une relance de la force libératrice de l'Évangile. Dans nos cœurs aujourd'hui notre joie est plus sobre, plus humble. En cinquante ans nous avons vu que le péché originel est bien présent, et qu'il se traduit toujours en erreurs personnelles, capables de devenir des éléments du péché même. La zizanie est toujours présente dans le champ du Seigneur et, dans le filet de Pierre, on trouve nombre de mauvais poissons. La fragilité humaine est présente jusque dans l'Église, dont la barque navigue à contrevent parmi des tempêtes qui la menacent. Nous avons parfois pensé que le Seigneur nous avait abandonné. Ce sont là des expériences » de la période post conciliaire, qui nous a montré aussi « la présence du Seigneur, sa bonté et sa force. Le feu de l'Esprit, celui du Christ, n'est ni dévorant ni destructeur, mais silencieux. C'est une petite flamme pleine de bonté et de vérité qui se transforme en lumière et chaleur. Non, le Seigneur ne nous abandonne pas, et il est aujourd'hui discrètement présent à nos côtés, réchauffant nos cœurs, conseillant nos vies, offrant des charismes de bonté et de charité. Éclairant le monde, ils reflètent pour nous la bonté divine. Oui le Christ est vivant avec nous, et nous devons être heureux car sa bonté ne s'éteint pas. Pour finir, je fais miennes les paroles inoubliables du Pape Jean : « Rentrés dans vos foyers, faites un bisou à vos enfants de la part du Pape. Soit béni le nom du Seigneur ».

BENEDICTUS PP. XVI

 

Vatican II, remède à l’oubli et à la surdité

 

Catéchèse du pape Benoît XVI du 10 octobre 2012

Le pape nous invite à redécouvrir les richesses de l'enseignement du concile pour en vivre : « Dans un monde encore marqué par un oubli de Dieu et une surdité à son égard, le Concile nous rappelle que (…) le Christianisme consiste dans la foi en Dieu qui est amour trinitaire, et dans la rencontre personnelle et communautaire avec le Christ (…). Tout le reste en découle » : c’est ainsi qu’il a résumé ainsi l’impact du concile Vatican II, que l’Année de la foi invite à connaître et à mettre en œuvre.

Chers frères et sœurs,

Nous sommes à la veille du jour où nous célèbrerons les cinquante ans de l’ouverture du concile œcuménique Vatican II et le début de l’Année de la foi. Je voudrais, dans ces catéchèses, commencer à réfléchir – à travers quelques brèves pensées – sur le grand événement d’Église qu’a été le Concile, événement dont j’ai été un témoin direct. Il apparaît sous nos yeux, si l’on peut dire, comme une grande fresque, peinte dans toute la multiplicité et la variété de ses éléments, sous la conduite de l’Esprit-Saint. Et, comme devant un tableau, nous continuons à recueillir l’extraordinaire richesse de ce moment de grâce, à en redécouvrir des passages, des fragments, des morceaux particuliers.

Le bienheureux Jean-Paul II, au seuil du troisième millénaire, avait écrit : « Je sens plus que jamais le devoir d'indiquer le Concile comme la grande grâce dont l'Église a bénéficié au vingtième siècle : il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence » (Lettre apostolique Novo millennio ineunte, 57). Je pense que cette image est éloquente. Il faut retourner aux documents du concile Vatican II, en les libérant de la masse de publications qui les ont souvent cachés au lieu de les faire connaître. Ils sont, pour notre temps aussi, une boussole qui permet au bateau de l’Église d’avancer en pleine mer, au milieu des tempêtes ou sur des eaux calmes et tranquilles, de naviguer en sécurité et d’arriver à bon port.

Je me souviens bien de cette époque : j’étais un jeune professeur de théologie fondamentale à l’université de Bonn et c’est l’archevêque de Cologne, le cardinal Frings, qui était pour moi une référence humaine et sacerdotale, qui m’a emmené à Rome avec lui pour être son conseiller théologique ; j’ai été ensuite nommé expert conciliaire. Cela a été pour moi une expérience unique : après toute la ferveur et l’enthousiasme de la préparation, j’ai pu voir une Église vivante – presque trois mille pères conciliaires venus de tous les coins du monde, réunis sous la conduite du successeur de l’apôtre Pierre – se mettre à l’école de l’Esprit-Saint, véritable moteur du concile. Rarement a-t-on pu dans l’histoire, comme cette fois-là, « toucher » presque concrètement l’universalité de l’Église, au moment de la grande réalisation de sa mission d’apporter l’évangile en tous temps et jusqu’aux limites de la terre. Ces jours-ci, à la télévision ou à travers d’autres moyens de communication, si vous revoyez les images de l’ouverture de ces grandes assises, vous pourrez vous aussi percevoir la joie, l’espérance et l’encouragement qu’ont pu éprouver ceux d’entre nous qui ont pris part à cet événement de lumière qui rayonne encore aujourd’hui.

Dans l’histoire de l’Église, comme vous le savez sûrement, divers conciles ont précédé Vatican II. En général, ces grandes assemblées ecclésiales ont été convoquées pour définir des éléments fondamentaux de la foi, surtout en corrigeant les erreurs qui la mettaient en danger. Pensons au concile de Nicée en 325, pour contrer l’hérésie arienne et redire clairement la divinité de Jésus Fils unique de Dieu le Père ; ou à celui d’Ephèse, en 431, qui a défini Marie comme la Mère de Dieu ; ou encore à celui de Chalcédoine, en 451 qui a affirmé l’unique personne du Christ en deux natures, la nature divine et la nature humaine. Un peu plus proche de nous, il faut citer le concile de Trente, au XVIème siècle, qui a clarifié des points essentiels de la doctrine catholique face à la réforme protestante ; ou bien Vatican I, qui a commencé à réfléchir sur des thématiques diverses mais qui n’a eu le temps de produire que deux documents, un sur la connaissance de Dieu, la révélation, la foi et son rapport avec la raison, et l’autre sur la primauté du pape et sur l’infaillibilité ; il a été, en effet, interrompu par l’occupation de Rome en septembre 1870.

Si nous regardons le concile œcuménique Vatican II, nous voyons qu’à cette période du cheminement de l’Église, il n’y avait pas d’erreurs particulières sur la foi, à corriger ou à condamner, ni de questions de doctrine ou de discipline spécifiques à clarifier. On peut alors comprendre la surprise du petit groupe de cardinaux présents dans la salle capitulaire du monastère bénédictin à Saint-Paul Hors-les-Murs, quand, le 25 janvier 1959, le bienheureux Jean XXIII a annoncé le synode diocésain pour Rome et le concile pour l’Église universelle. La première question qui s’est posée dans la préparation de ce grand événement fut précisément de savoir comment le commencer, quel rôle lui attribuer.

Le bienheureux Jean XXIII, dans son discours d’ouverture, le 11 octobre il y a cinquante ans, a donné une indication générale : la foi devait parler d’une façon « renouvelée », plus incisive – parce que le monde changeait rapidement – mais en gardant intacts tous ses contenus pérennes, sans renoncer à rien ni faire de compromis. Le pape désirait que l’Église réfléchisse sur sa foi, sur les vérités qui la guident. Mais à partir de cette réflexion sérieuse et approfondie sur la foi, devait se dessiner de manière nouvelle le rapport de l’Église avec l’ère moderne, du christianisme avec certains éléments essentiels de la pensée moderne, non pas pour s’y conformer mais pour présenter à notre monde, qui tend à s’éloigner de Dieu, l’exigence de l’Évangile dans toute sa grandeur et dans toute sa pureté (cf. Discours à la curie romaine pour la présentation des vœux de Noël, 22 décembre 2005). Le serviteur de Dieu Paul VI l’exprime très bien dans son homélie à la fin de la dernière session du concile, le 7 décembre 1965, par des paroles extraordinairement actuelles, quand il affirme que, pour bien évaluer cet événement, « il faut le voir dans l’époque où il s’est réalisé ».

« En effet, dit le pape, il a eu lieu à une époque où tout le monde reconnaît que les hommes sont davantage absorbés par le royaume de la terre que par le royaume des cieux ; à une époque où l’oubli de Dieu devient habituel, quasiment suscité par le progrès scientifique ; une époque où l’acte fondamental de la personne humaine, rendue plus consciente d’elle-même et de sa liberté, tend à revendiquer son autonomie absolue, s’affranchissant de toute loi transcendante ; une époque où le “laïcisme” est considéré comme la conséquence légitime de la pensée moderne et la norme la plus sage pour l’ordonnancement temporel de la société… C’est à cette époque-là qu’a été célébré notre concile à la louange de Dieu, au nom du Christ, sous l’inspiration de l’Esprit-Saint ». Paul VI concluait ainsi, indiquant dans la question de Dieu le point central du concile, ce Dieu qui « existe réellement, qui est vivant, qui est une personne, qui pourvoit à tout, qui est infiniment bon ; et il est non seulement bon en lui-même, mais aussi immensément bon pour nous, il est notre créateur, notre vérité, notre bonheur au point que l’homme, quand il essaie de fixer son esprit et son cœur en Dieu dans la contemplation, accomplit l’acte le plus élevé et le plus parfait de son esprit, un acte qui, encore aujourd’hui, peut et doit être le sommet de toute l’activité humaine et qui lui donne toute sa dignité ».

Nous voyons combien l’époque dans laquelle nous vivons continue d’être marqué par un oubli de Dieu et une surdité à son égard. Je pense que nous devons donc retenir la leçon la plus simple et la plus fondamentale du concile qui est que le christianisme, dans son essence, consiste dans la foi en Dieu, qui est amour trinitaire, et dans la rencontre, personnelle et communautaire, avec le Christ qui oriente et guide notre vie : tout le reste en découle. L’important, aujourd’hui – c’était aussi le désir des pères conciliaires – est que l’on voit, encore une fois, très clairement, que Dieu est présent, qu’il nous regarde, qu’il nous répond. Et qu’en revanche, lorsque la foi en Dieu est absente, l’essentiel s’écroule parce que l’homme perd sa dignité profonde et ce qui fait la grandeur de son humanité, contre tout réductionnisme. Le Concile nous rappelle que l’Eglise, dans toutes ses composantes, a le devoir, le mandat de transmettre la parole de l’amour de Dieu qui sauve, pour que soit écouté et accueilli cet appel divin qui contient en lui-même notre béatitude éternelle.

En regardant dans cette lumière la richesse contenue dans les documents de Vatican II, je voudrais simplement évoquer les quatre Constitutions, pour ainsi dire les quatre points cardinaux de la boussole capable de nous orienter. La Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium nous indique comment, dans l’Eglise, au commencement, il y a l’adoration, il y a Dieu, il y a la centralité du mystère de la présence du Christ.

Et l’Eglise, Corps du Christ et peuple en pèlerinage dans le temps, a comme tâche fondamentale de glorifier Dieu, comme l’exprime la Constitution Lumen gentium. Le troisième document que je voudrais citer est la Constitution sur la révélation divine, Dei Verbum : la Parole vivante de Dieu convoque l’Eglise et la vivifie tout au long de son chemin dans l’histoire. Enfin, la manière dont l’Eglise apporte au monde entier la lumière qu’elle a reçue de Dieu pour qu’il soit glorifié constitue le thème de fond de la Constitution pastorale Gaudium et spes.

Le concile Vatican II est pour nous un appel fort à redécouvrir chaque jour la beauté de notre foi, à la connaître plus en profondeur pour avoir une relation plus intense avec le Seigneur, à vivre jusqu’au bout notre vocation chrétienne. Que la Vierge Marie, Mère du Christ et de toute l’Eglise, nous aide à réaliser et à porter à son achèvement ce que les pères conciliaires, animés par l’Esprit-Saint, gardaient dans leur cœur : le désir que tous puissent connaître l’évangile et rencontrer le Seigneur Jésus qui est le chemin, la vérité et la vie. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana – 2012


Vatican II demeure un appel à s’engager dans la société

 

Gérard LARCHER, Sénateur et Maire de Rambouillet revient sur le Concile Vatican II

Témoignage et regard d’un homme politique, protestant, Gérard LARCHER, sénateur et maire de Rambouillet, sur l’impact du Concile Vatican II pour le monde d’aujourd’hui et la place de l’Église dans ce monde.

Le concile Vatican II a profondément marqué ma jeunesse. J’avais une douzaine d’années, j’étais dans une école catholique et, comme beaucoup de jeunes chrétiens, je me posais des questions sur ma foi. J’ai fait le choix du protestantisme, mais je dois dire que, sans le Concile, je n’aurais peut-être pas conservé la foi. Sous mes yeux, le modèle d’Église qui condamne se transformait en celui d’une Église qui accueille.

Sur le plan œcuménique, la fin des anathèmes devait se traduire, notamment, par la rencontre entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, en 1965, mettant un terme à dix siècles de condamnation réciproque entre catholiques et orthodoxes. Le message de Vatican II, c’est aussi celui de l’ouverture sur le monde. Pour l’ensemble des chrétiens, un texte comme Gaudium et spes a rendu l’expression de la foi intelligible dans l’environnement du XXe siècle.

Je pense, contrairement à certains conservateurs, que l’Église a pu engager ce grand mouvement d’ouverture et de dialogue tout en restant très ferme sur les exigences du message évangélique et les valeurs qui fondent sa doctrine. Je sais combien cela a pu être déstabilisant pour certains catholiques, mais, avec le recul, je pense que l’Église n’avait pas d’autre voie possible.

On lui reproche d’être devenue inaudible ? Mais dans quel état de repli serait-elle si elle n’avait pas accompli ce travail ? Avec Vatican II, l’Église a fait le choix d’être pleinement dans le monde, tout en conservant son identité. Lorsqu’elle exprime son exigence de respect de la vie, son refus absolu du racisme, l’Église prouve qu’elle peut tenir une parole sans complaisance.

Cette forme de présence de l’Église a conservé toute sa pertinence pour relever les défis d’une société marquée par l’individualisme et d’un monde menacé par les divisions. Dans notre pays, elle continue de tenir sa place avec plus ou moins de bonheur selon les secteurs. Dans le champ éducatif, les catholiques jouent aujourd’hui encore un rôle fondamental avec leur réseau scolaire ou des mouvements de jeunesse comme le scoutisme. Dans le champ de la santé, on peut regretter qu’elle ait perdu de son engagement, quand on sait le rôle fondamental qu’ont pu jouer les religieuses dans les établissements hospitaliers jusque dans les années 1970.

Dans le monde, le paysage religieux est aujourd’hui marqué par un certain littéralisme, en particulier en ce qui concerne l’islam, traversé par des courants fondamentalistes. Dans ce contexte, l’Église catholique a une mission historique de continuer à entretenir le dialogue entre les croyants. Cette recherche de convivialité n’est pas une simple réponse à l’arrogance de quelques-uns, mais l’essence même du message évangélique. En ce début de XXIe siècle, le concile Vatican II reste un appel à tous les chrétiens à être présents dans le monde pour le transformer, dans un esprit de dialogue.

Recueilli par BERNARD GORCE

© Copyright 2012 – La Croix


Cinquante ans après Vatican II, l’Église compte toujours

 

Deux sondages à 50 ans d’intervalle

Pour « La Croix », l’Ifop a renouvelé un sondage réalisé en 1961, ce qui permet de comparer l’image de l’Église à cinquante ans de distance. Si l’Église a dû affronter une vague de sécularisation brutale, elle reste une institution qui compte, notamment dans le domaine social. Mercredi 10 octobre, Benoît XVI a longuement évoqué l’importance de Vatican II dans l’Église aujourd’hui.

Rome, le 11 octobre 1962. Plus de 2 500 pères conciliaires venus du monde entier donnent le coup d’envoi du concile œcuménique Vatican II, un événement qui allait profondément transformer l’Église catholique. Pour le grand public, l’objectif du concile, proclamé d’ailleurs dès son ouverture par Jean XXIII, était d’ouvrir « l’Église sur le monde », de traduire le message évangélique pour une époque moderne qui commençait à contester sévèrement l’institution.

Cinquante ans après, qu’en est-il ? L’image que l’Église renvoie d’elle-même a-t-elle évolué ? Un sondage exclusif de l’Ifop pour La Croix a tenté de le mesurer, en reprenant une enquête d’opinion réalisée en 1961, à l’approche du Concile, et en reposant les mêmes questions aux Français d’aujourd’hui.

À cinquante ans de distance, la comparaison est instructive. L’enquête de 1961 dépeint un pays encore très largement catholique. Mais l’Église, reconnue comme l’un des piliers moral et spirituel de la société, commence à se voir reprocher une forme d’intransigeance par rapport au monde. Aujourd’hui, en revanche, la religion catholique, si l’on s’en tient à la pratique, n’est plus que le fait d’une petite minorité de Français.

Une déchristianisation brutale en 50 ans

Mais l’Église continue à être estimée pour son rôle social, pour son engagement en faveur de la solidarité. On peut même dire, c’est la surprise de ce sondage, que son « capital de sympathie » et de légitimité n’est pas entamé, au contraire. Reste en revanche l’hostilité, traditionnelle, des Français à toute intervention de l’Église dans le domaine politique, hier comme aujourd’hui.

À la fin du Concile, épuisés mais heureux, les pères conciliaires avaient eu le sentiment, justifié, d’avoir vécu un événement d’importance. Mais bien peu se doutaient de la vague de contestation libérale et libertaire qui, trois ans plus tard, allait balayer la société, et de l’ampleur de la sécularisation en cours. Seul Mgr Gabriel Matagrin, futur évêque de Grenoble, lucide, notait, de retour dans l’Hexagone : « J’ai pris conscience que le Concile était en train de décrire un monde au moment même où celui-ci était en train de devenir autre ».

De fait, les deux sondages effectués par l’Ifop permettent, à cinquante ans d’intervalle, de prendre la mesure de la brutalité de la déchristianisation de la société en un demi-siècle. Certes, 80 % des Français sont aujourd’hui encore baptisés dans la religion catholique, contre plus de 90 % avant 1962. Mais ce sont les plus âgés : un tiers des moins de 35 ans ne l’ont pas été. « En réalité, le nombre de baptêmes reste important du fait d’un “effet de stock”, souligne Jérôme Fourquet, de l’Ifop, mais l’évolution est inéluctable ». Ce que montre bien la deuxième question : un quart des baptisés n’ont pas fait ou ne feront pas baptiser leurs enfants, alors qu’ils étaient seulement 4 % à l’envisager en 1962…

L’église plébiscitée pour lutter contre la misère

Conséquence, la pratique, elle, enregistre une chute très importante. En 1961, un tiers des Français allait à la messe tous les dimanches. Ils ne sont plus que 6 %, alors que la proportion de ceux qui n’y assistent jamais est passée de 32 à 66 %. « Cette chute avait commencé avant 1962 et le Concile l’aurait plutôt freinée »,  estime Denis Pelletier, historien du christianisme contemporain. Mais elle n’avait absolument pas été prise en compte, dans son ampleur et sa brutalité, par les pères conciliaires.

Pour autant, en cinquante ans, le catholicisme n’est pas devenu une religion des catacombes, vouée à disparaître du paysage français : même peu pratiqué, il conserve une dimension sociale non négligeable. Lorsqu’on leur demande d’énumérer ce qu’ils apprécient dans l’Église, les Français placent au même niveau, aujourd’hui comme il y a cinquante ans, la lutte contre la misère et la fraternité. 

En revanche, signe de l’évolution du discours, son rôle comme pilier de la morale et gardienne de l’ordre et de la tradition est bien moins reconnu aujourd’hui. Y compris, pour le maintien de l’ordre, par les catholiques pratiquants. Ces derniers, en revanche, plébiscitent le rôle de l’Église pour lutter contre la misère : à 67 % contre 43 % à l’époque ! Preuve que la doctrine sociale et la préférence pour les pauvres sont totalement intériorisées par les pratiquants. Ils constituent ainsi une « minorité active », consciente de la nécessité d’un engagement contre toutes les formes d’exclusion.

Une majorité de catholiques favorables à une intervention de l’église en politique

Enfin, on reconnaît désormais au catholicisme sa capacité à créer une communauté où chacun trouve sa place, ce qui témoigne une évolution « communautariste » de la pratique. De l’avis des catholiques pratiquants, c’est en tous les cas une communauté où il fait « bon vivre »…

Le sondage propose le même exercice pour les points négatifs de l’Église. Globalement, la balance est largement positive et rares sont les défauts qui enregistrent une augmentation. À l’exception du reproche fait à l’Église d’être trop occupée à défendre ses intérêts (en hausse de 10 points) : l’Église donnerait-elle l’impression d’être trop crispée et trop soucieuse de la survie de l’institution ? En 1961, on l’accusait avant tout d’exiger de tous les fidèles qu’ils pensent la même chose –1968 n’était pas loin –, reproche qui a largement disparu aujourd’hui.

Reste ce que Jérôme Fourquet, de l’Ifop, désigne comme une constante de la société française : le rapport à la politique et le souci d’une stricte laïcité. Déjà en 1961, dans une société pourtant de baptisés, les Français rejetaient à 76 % toute intervention de l’Église dans le jeu politique. Ils sont aujourd’hui 83 % à penser de même. En revanche, les catholiques pratiquants ont désormais une position inverse : 65 %, soit deux tiers d’entre eux, estiment que l’Église doit intervenir en politique ! Sans doute conscients de ne constituer désormais plus qu’une minorité dans la société, ils éprouvent le besoin de se faire entendre, y compris au plan politique.

Des fidèles qui poussent de plus en plus à une intervention politique, alors que la société dans son ensemble y est tout à fait opposée : tel est le difficile exercice d’équilibrisme auquel doivent se livrer aujourd’hui les responsables catholiques en France.

Isabelle DE GAULMYN

© Copyright 2012 – La Croix


 « Appelés à faire resplendir la Parole de Vérité »

 

Message de Benoit XVI pour la Journée Missionnaire Mondiale 2012

« Appelés à faire resplendir la Parole de vérité » : c’est le thème du Message de Benoît XVI pour la Journée missionnaire mondiale 2012. Cette Journée missionnaire mondiale sera célébrée le dimanche 21 octobre 2012, en plein synode pour la nouvelle évangélisation, et dans l’année de la foi à peine commencée, et après les célébrations du 50e anniversaire de l'ouverture du concile œcuménique Vatican II, le 11 octobre. Le pape fait observer que « le nombre de ceux qui ne connaissent pas encore le Christ a augmenté ». Voici son message.

Chers frères et sœurs,

La célébration de la Journée Missionnaire mondiale se charge cette année d’une signification toute particulière. Le 50ème anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, l’ouverture de l’Année de la Foi et le Synode des Évêques sur la nouvelle évangélisation concourent à réaffirmer la volonté de l’Église de s’engager avec plus de courage et d’ardeur dans la missio ad gentes afin que l’Évangile parvienne jusqu’aux extrémités de la terre.

Le Concile œcuménique Vatican II, avec la participation des Évêques catholiques provenant de toutes les parties du monde, a été un signe lumineux de l’universalité de l’Église, accueillant, pour la première fois, un aussi grand nombre de Pères conciliaires provenant d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et d’Océanie. Des Évêques missionnaires et des Évêques autochtones, Pasteurs de communautés éparses parmi des populations non chrétiennes, qui portaient au sein de l’Assise conciliaire l’image d’une Église présente sur tous les continents et qui se faisaient interprètes des réalités complexes de ce qu’il était alors convenu d’appeler le « Tiers Monde ». Riches de l’expérience du fait d’être Pasteurs d’Églises jeunes et en voie de formation, animés par la passion pour la diffusion du Royaume de Dieu, ils ont contribué de manière notable à réaffirmer la nécessité et l’urgence de l’évangélisation ad gentes, et donc à porter au centre de l’ecclésiologie la nature missionnaire de l’Église.

Ecclésiologie missionnaire

Cette vision n’a pas disparu aujourd’hui. Elle a même connu une féconde réflexion théologique et pastorale et, dans le même temps, elle se présente à nouveau avec un caractère d’urgence renouvelé parce que le nombre de ceux qui ne connaissent pas encore le Christ a augmenté : « Les hommes qui attendent le Christ sont encore en nombre incalculable » affirmait le Bienheureux Jean-Paul II dans son Encyclique Redemptoris missio à propos de la validité permanente du mandat missionnaire. Et il ajoutait : « Nous ne pouvons pas avoir l'esprit tranquille en pensant aux millions de nos frères et sœurs, rachetés eux aussi par le sang du Christ, qui vivent dans l'ignorance de l'amour de Dieu » (n. 86). Moi aussi, en convoquant l’Année de la Foi, j’ai écrit que le Christ « aujourd’hui comme alors, nous envoie par les routes du monde pour proclamer son Évangile à tous les peuples de la terre » (Lettre Apostolique Porta fidei, n. 7). Proclamation qui, comme l’indiquait également le Serviteur de Dieu Paul VI dans l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, « n’est pas pour l’Église une contribution facultative : c’est le devoir qui lui incombe, par mandat du Seigneur Jésus, afin que les hommes puissent croire et être sauvés. Oui, ce message est nécessaire. Il est unique. Il ne saurait être remplacé » (n. 5). Nous avons donc besoin de retrouver le même élan apostolique des premières communautés chrétiennes qui, petites et sans défense, furent capables, par l’annonce et le témoignage, de diffuser l’Évangile dans l’ensemble du monde alors connu.

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner du fait que le Concile Vatican II et le Magistère de l’Église qui l’a suivi insistent spécialement sur le mandat missionnaire que le Christ a confié à ses disciples et qui doit constituer l’engagement de l’ensemble du Peuple de Dieu, des Évêques, des prêtres, des diacres, des religieux, des religieuses et des laïcs. La mission d’annoncer l’Évangile sur toute la terre appartient en premier lieu aux Évêques, directement responsables de l'évangélisation dans le monde, tant en qualité de membres du collège épiscopal que comme Pasteurs des Églises particulières. En effet, ils « ont été consacrés non seulement pour un diocèse, mais pour le salut du monde entier » (Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio, n. 63), « messagers de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples » (Ad gentes, n. 20) et rendent « visibles l’esprit et l’ardeur missionnaires du Peuple de Dieu, en sorte que le diocèse tout entier devient missionnaire » (ibid., n. 38).

La priorité de l’évangélisation

Le mandat de prêcher l’Évangile ne se limite donc pas pour un Pasteur, à l’attention accordée à la portion du Peuple de Dieu qui est confiée à ses soins pastoraux, ni à l’envoi de quelque prêtre ou laïc fidei donum. Il doit impliquer toute l’activité de l’Église particulière, tous ses secteurs, en bref tout son être et tout son agir. Le Concile Vatican II l’a indiqué clairement et le Magistère successif l’a réaffirmé avec force. Cela demande d’adapter constamment styles de vie, plans pastoraux et organisation diocésaine à cette dimension fondamentale de l’Église, en particulier au sein de notre monde en continuel changement. Et ceci vaut également pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique tout comme pour les Mouvements ecclésiaux : toutes les composantes de la grande mosaïque de l’Église doivent se sentir fortement interpellées par le mandat du Seigneur de prêcher l’Évangile, afin que le Christ soit annoncé partout. Nous Pasteurs, religieux et religieuses ainsi que tous les fidèles dans le Christ, nous devons nous mettre sur les traces de l’apôtre Paul, qui, « prisonnier du Christ à cause de vous, païens... » (Ep 3, 1) a travaillé, souffert et lutté pour porter l’Évangile parmi les païens (Col 1, 24-29) sans économiser énergie, temps et moyens pour faire connaître le Message du Christ.

Aujourd’hui encore, la mission ad gentes doit être l’horizon constant et le paradigme de toute activité ecclésiale parce que l’identité même de l’Église est constituée par la foi dans le Mystère de Dieu qui s’est révélé dans le Christ pour nous porter le salut et par la mission de lui rendre témoignage et de l’annoncer au monde jusqu’à son retour. Comme saint Paul, nous devons être attentifs à ceux qui sont loin, à ceux qui ne connaissent pas encore le Christ et n’ont pas encore fait l’expérience de la paternité de Dieu, bien conscients que « la coopération s'élargit aujourd'hui en prenant des formes nouvelles, qui comportent non seulement l'aide économique mais aussi la participation directe à l’évangélisation » (Jean Paul II, Encyclique Redemptoris missio, n. 82). La célébration de l’Année de la Foi et du Synode des Évêques sur la nouvelle évangélisation constitueront des occasions propices en vue de la relance de la coopération missionnaire, surtout sous cette seconde forme.

Foi et annonce

Le désir d’annoncer le Christ nous pousse à lire l’histoire pour y découvrir les problèmes, les aspirations et les espérances de l’humanité que le Christ doit assainir, purifier et remplir de sa présence. Son message est en effet toujours actuel, il descend au cœur même de l’histoire et est capable d’apporter une réponse aux inquiétudes les plus profondes de tout homme. C’est pourquoi l’Église, dans toutes ses composantes, doit être consciente du fait que « les horizons immenses de la mission ecclésiale, la complexité de la situation présente demandent aujourd’hui des modalités nouvelles pour communiquer de façon efficace la Parole de Dieu » (Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, n. 97). Ceci exige, d’abord et avant tout, une adhésion de foi renouvelée, personnelle et communautaire, à l’Évangile de Jésus Christ « en un moment de profond changement comme celui que l’humanité est en train de vivre » (Lettre Apostolique Porta fidei, n. 8).

L’un des obstacles à l’élan de l’évangélisation est, en effet, la crise de la foi non seulement du monde occidental mais d’une grande partie de l’humanité qui a pourtant faim et soif de Dieu et doit être invitée et conduite au pain de vie et à l’eau vive comme la Samaritaine qui se rend au puits de Jacob et dialogue avec le Christ. Ainsi que le raconte l’Évangéliste Jean, l’histoire de cette femme est particulièrement significative (cf. Jn 4, 1-30) : elle rencontre Jésus qui lui demande à boire mais lui parle ensuite d’une eau nouvelle, capable d’étancher sa soif pour toujours. Au début, la femme ne comprend pas, elle reste au plan matériel mais, lentement, elle est conduite par le Seigneur à accomplir un chemin de foi qui l’amène à le reconnaître comme étant le Messie. À ce propos, Saint Augustin affirme : « Après avoir reçu dans son cœur le Christ Notre-Seigneur, qu’aurait-elle de plus à faire [cette femme] que laisser là sa cruche et courir annoncer la bonne nouvelle ? » (In Ioannis Ev.,15, 30). La rencontre avec le Christ en tant que Personne vivante qui étanche la soif du cœur ne peut que conduire au désir de partager avec d’autres la joie de cette présence et de le faire connaître afin que tous puissent en faire l’expérience. Il faut renouveler l’enthousiasme à communiquer la foi afin de promouvoir une nouvelle évangélisation des communautés et des pays d’antique tradition chrétienne qui sont en train de perdre la référence à Dieu, de manière à redécouvrir la joie de croire. La préoccupation d’évangéliser ne doit jamais demeurer en marge de l’activité ecclésiale et de la vie personnelle du chrétien, mais elle doit les caractériser de manière forte en étant conscients du fait que nous sommes destinataires et, dans le même temps, missionnaires de l’Évangile. Le point central de l’annonce demeure toujours le même : le Kérygme du Christ mort et ressuscité pour le salut du monde, le Kérygme de l’amour de Dieu absolu et total pour tout homme et pour toute femme. Ce Kérygme a culminé dans l’envoi du Fils éternel et unique, le Seigneur Jésus qui ne dédaigna pas de prendre la pauvreté de notre nature humaine, l’aimant et la rachetant du péché et de la mort en s’offrant lui-même sur la croix.

La foi en Dieu, dans ce dessein d’amour réalisé dans le Christ, est tout d’abord un don et un mystère à accueillir dans le cœur et dans la vie et dont il faut toujours remercier le Seigneur. Mais la foi est un don qui nous est donné pour être partagé ; elle est un talent reçu afin qu’il porte du fruit ; elle est une lumière qui ne doit pas demeurer cachée mais illuminer toute la maison. Elle est le don le plus important qui nous a été fait au cours de notre existence et que nous ne pouvons pas conserver pour nous-mêmes.

L’annonce se fait charité

« Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile ! », disait l’Apôtre Paul (1 Co 9, 16). Cette parole résonne avec force pour tout chrétien et pour toute communauté chrétienne sur tous les continents. Même pour les Églises se trouvant dans les territoires de mission, Églises pour la plupart jeunes, souvent de fondation récente, le caractère missionnaire est devenu une dimension naturelle même si elles-mêmes ont encore besoin de missionnaires. De nombreux prêtres, religieux et religieuses de toutes les parties du monde, de nombreux laïcs et même des familles entières quittent leurs pays, leurs communautés locales et se rendent auprès d’autres Églises pour témoigner et annoncer le Nom du Christ grâce auquel l’humanité trouve le salut. Il s’agit d’une expression de profonde communion, de partage et de charité entre les Églises afin que tout homme puisse écouter ou réécouter l’annonce qui guérit et s’approcher des Sacrements, source de la vraie vie.

Avec ce signe éminent de la foi qui se transforme en charité, je rappelle et je remercie les Œuvres pontificales missionnaires, instrument de la coopération à la mission universelle de l’Église dans le monde. Au travers de leur action, l’annonce de l’Évangile se fait également intervention d’aide au prochain, justice envers les plus pauvres, possibilité d’instruction jusque dans les villages les plus reculés, assistance médicale dans des lieux éloignés, émancipation de la misère, réhabilitation de ceux qui sont marginalisés, soutien au développement des peuples, dépassement des divisions ethniques, et respect de la vie en chacune de ses phases.

Chers frères et sœurs, j’invoque sur l’œuvre d’évangélisation ad gentes, et en particulier sur ses ouvriers, l’effusion de l’Esprit Saint afin que la Grâce de Dieu la fasse cheminer avec plus de décision dans l’histoire du monde. Avec le Bienheureux John Henry Newman, je voudrais prier : « Accompagne, ô Seigneur, tes missionnaires dans les terres à évangéliser ; mets les paroles justes sur leurs lèvres ; rends leur travail fructueux ». Que la Vierge Marie, Mère de l’Église et Étoile de l’Évangélisation, accompagne tous les missionnaires de l’Évangile.

Du Vatican, le 6 janvier 2012,

Solennité de l’Épiphanie du Seigneur

BENEDICTUS PP. XVI

© Copyright 2011 - Libreria Editrice Vaticana

 

Elle est coupante la Parole de Dieu !

 

Commentaire de l’évangile du XXVIIIème Dimanche du Temps ordinaire –Année B

Elle est coupante la Parole de Dieu, plus qu’une épée à deux tranchants. Elle nous bouscule et nous dérange. Un jour, nous devrons lui rendre des comptes.

Voici donc ce qu’on peut appeler un « bon jeune homme ». Il ne vole pas, il ne boit pas, il ne fume pas, il ne « drague » pas... Bien des mères se contenteraient d’un si bon fils. La question qu’il pose, révèle un cœur ouvert : « Maître, que faut-il faire pour avoir en partage la vie éternelle ? » Saint Marc note que Jésus « se mit à l’aimer », avant de lui dire : « Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens, et suis-moi ». Quelle exigence !

Non, certes, que Jésus rejette l’usage de l’argent. Les saintes femmes qui le suivaient et pourvoyaient de leurs deniers à ses besoins, sont là pour le prouver. Marie, sœur de Marthe et de Lazare n’hésite pas à « gaspiller » pour son ami un parfum que Judas - faisons lui confiance sur ce point ! - estime valoir « 300 deniers », c’est-à-dire environ 7 500 de nos euros. C’est beaucoup pour un flacon de parfum ! Jésus, enfin, ne refuse pas des invitations à dîner de la part de riches pharisiens et de riches publicains. Alors, sur quoi porte sa condamnation ?

Jésus stigmatise ceux qui ne savent pas maîtriser leurs richesses. Il blâme l’attachement aux biens. Il condamne ceux qui s’en rendent esclaves. Il critique l’avare. Le jeune homme posait une bonne question, mais en se trompant de verbe : « Que faut-il faire pour AVOIR la vie éternelle ? » Tant qu’on reste au niveau de l’avoir, le Royaume de Dieu est inaccessible. On n’accède à la vie que dans le partage. Parce que partager, c’est adopter les manières de Dieu. Dieu partage tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. « Viens, et suis-moi », « qui suis le Dieu bon sur ta route. Moi, qui marche devant toi, je vais te rendre possible ce partage. À la manière de Pierre et d’André, qui ont laissé leur filet, de Jacques et de Jean qui ont quitté leur père et ses salariés, à la manière de Matthieu qui a lâché son bureau de perception, Jésus t’invite à la suivre et te rendra possible ce qui est impossible aux hommes ».

Nous savons bien que la frénésie de la consommation ne peut rendre heureux. Le seul bonheur c’est d’aimer et d’être aimé. Et l’argent doit servir à cela. Il est un bon serviteur, mais le plus tyrannique des maîtres. Lorsqu’il sert à délocaliser des entreprises, à sacrifier des vies humaines, à refuser un salaire décent aux travailleurs du Tiers-Monde, cet argent est mauvais.

Les efforts des économistes, des sociologues, des chercheurs et des politiques sont voués à l’échec s’ils ne sont pas accompagnés d’une conversion des cœurs qui vient du Seigneur. Telle est cette sagesse dont nous parle la première lecture. « Tout l’or du monde, auprès de la sagesse, n’est qu’un peu de sable ». Un vieux proverbe affirme avec clairvoyance : « On a que ce qu’on a donné ». Jésus lui-même, dit : dans une parole rapporté au livre des Actes des Apôtres : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ».

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