PKO 09.09.2012

Dimanche 9 septembre 2012 – XXIIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

 

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°45/2012


HUMEURS

 

« À genoux devant le monde »

En relisant les derniers sujets à la mode et les commentaires qui les accompagnent comment ne pas être surpris par les argumentations choisies pour les défendre.

Deux argumentations retiennent notre attention :

1°- Qu’il s’agisse de la production du paka ou de l’ouverture d’un casino… dans les deux cas l’une des propositions faite est de ne le rendre accessible qu’aux étrangers, aux touristes. Ayant du mal à nier les effets néfastes et pervers pour la santé, les argumentateurs (!) proposent de protéger les polynésiens en leur interdisants la consommation ou l’accès. En gros le paka et le casino c’est mauvais pour la santé… on protège les polynésiens (culture légalisée du paka uniquement pour les touristes, casino sur une île en dehors de Tahiti…), par contre si l’on peut se faire de l’argent sur le dos des touristes pas de souci… leur santé c’est pas notre problème ! Au diable l’universalité de la dignité humaine !

2°- Autre argument assez étrange, affirmer qu’il est hypocrite de refuser un casino (ou la légalisation du paka) alors que l’on sait pertinnemment qu’il y a tout autour de l’île des tripots clandestins, des jeux d’argents, des combats de coqs… Autrement dit puisque cela existe dans les faits la société n’a plus qu’à les légaliser… ceux qui le refusent sont des hypocrites (propos tenus il y a deux semaines par l’ une de nos élues !)

Si la logique de cet argument devenait la règle de notre société… alors nous aurions du souci à nous faire. En voyant les procès d’assise cette semaine… la fréquence des incestes et actes de pédophilie dans notre fenua… on se devrait d’en déduire qu’il faut légaliser l’abus sexuel sur des mineurs puisque nous savons que cela se fait un peu partout autour de l’île… refuser cette légalisation ne serait qu’hypocrisie !

Effectivement, il serait temps d’arrêter l’hypocrisie… cesser de vouloir être dans le vent… cesser de vouloir s’agenouiller devant le monde… pour oser réfléchir !

C’est la tâche de l’Église ! de tout chrétien !

de toute personne de bonne volonté !

Ensemble pensons !

                                                                  

En marge de l’actualité


Un simple mot guide la marche de notre vie

« Si nous voulons que notre vie soit une aventure extraordinaire, il faut aller vers l'autre, vers les autres, et surtout vers le pauvre ; alors la vie est une aventure, c'est une marche à l'étoile, une marche qui ne s'arrête jamais, et qui se traduit par un mot très simple que nous employons tous les jours et que nous galvaudons parfois. Ce mot, de quelques lettres, c'est “aimer“.

Il faut apprendre à aimer. La vie est une marche qui continue toujours, c'est une marche à l'étoile, un rêve qui ne s'achève jamais... To dream impossible dreams [rêver des rêves impossibles], lutter contre des ennemis invincibles, chercher à atteindre les étoiles que l'on ne peut jamais atteindre, c'est ça la vie… Toujours aller de l'avant. C'est quelque chose d'extraordinaire et, dans cette marche en avant, tâchez d'aimer toujours davantage ».

(Père Pierre Ceyrac, « La pauvreté et la mission » in Jeunes chrétiens Services, Mission un avenir chrétien pour l'Europe, Paris, Fayard, 1991, pp. 83-85).

Le Père Pierre Ceyrac est un missionnaire jésuite décédé en Inde en mai 2012 à l'âge de 98 ans. Pendant 43 ans il s'est mis au service des plus pauvres permettant à des milliers de villageois du Sud de l'Inde de trouver travail et nourriture, aménageant des puits dans des terres infertiles.

De 1980 à 1992 il se porte au secours des réfugiés cambodgiens fuyant le régime de Pol Pot.

Jusqu'à sa mort, il sillonnera la côte Sud de l'Inde pour réconforter et soutenir les plus pauvres.

Dominique SOUPÉ

Chancelier

 

Les neufs manières de prier selon Saint Dominique

 

Catéchèse du pape Benoît XVI du 8 août 2012

En la fête de saint Dominique, Benoît XVI rappelle combien la prière irriguait la vie et les œuvres de cet « amoureux de Dieu ». Exhortant les fidèles à « avoir un peu de temps pour parler avec Dieu », en particulier pendant les vacances, le pape explique l’importance des attitudes extérieures dans la prière, qui nous aident « à nous mettre intérieurement, par toute notre personne, en relation avec Dieu ».

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, l’Eglise célèbre la mémoire de saint Dominique de Guzmán, prêtre et fondateur de l’Ordre des frères prêcheurs, appelés dominicains. Dans une précédente catéchèse, j’ai déjà illustré cette éminente figure et la contribution fondamentale qu’elle a apportée au renouveau de l’Église de son temps. Je voudrais aujourd’hui mettre en lumière un aspect essentiel de sa spiritualité : sa vie de prière. Saint Dominique fut un homme de prière. Amoureux de Dieu, il n’eut d’autre aspiration que le salut des âmes, en particulier de celles qui étaient tombées dans les filets des hérésies de son temps ; à l’imitation du Christ, il incarna radicalement les trois conseils évangéliques, en unissant à la proclamation de la Parole le témoignage d’une vie pauvre ; sous la direction de l’Esprit Saint, il progressa sur la voie de la perfection chrétienne. À chaque instant, la prière fut la force qui renouvela et rendit toujours plus fécondes ses œuvres apostoliques.

Le bienheureux Jourdain de Saxe (mort en 1237), son successeur à la tête de l’Ordre, écrivit ce qui suit : « Pendant la journée, personne ne se montrait plus sociable que lui... Inversement, la nuit personne n’était plus assidu que lui à veiller en prière. Il consacrait la journée à son prochain, mais il donnait la nuit à Dieu ». Chez saint Dominique, nous pouvons voir un exemple d’intégration harmonieuse entre contemplation des mystères divins et activité apostolique. Selon le témoignage des personnes les plus proches de lui, « il parlait toujours avec Dieu ou de Dieu ». Cette observation montre sa communion profonde avec le Seigneur et, dans le même temps, son engagement constant pour conduire les autres à cette communion avec Dieu. Il n’a pas laissé d’écrits sur la prière, mais la tradition dominicaine a recueilli et transmis son expérience vivante dans une œuvre intitulée : Les neuf manières de prier de saint Dominique. Ce livre a été rédigé entre 1260 et 1288 par un frère dominicain ; il nous aide à comprendre quelque chose de la vie intérieure du saint et nous aide nous aussi, avec toutes nos différences, à apprendre quelque chose sur la manière de prier.

Les manières de prier selon saint Dominique sont donc neuf et chacune de ces neuf manières de prier, qu’il accomplissait toujours devant Jésus crucifié, exprime une attitude corporelle et une attitude spirituelle qui, intimement compénétrées, favorisent le recueillement et la ferveur. Les sept premières manières suivent une ligne ascendante, comme les pas d’un chemin, vers la communion intime avec Dieu, avec la Trinité : saint Dominique prie debout en s’inclinant pour exprimer l’humilité, étendu par terre pour demander pardon pour ses péchés, à genoux en faisant pénitence pour participer aux souffrances du Seigneur, avec les bras ouverts en fixant le Crucifix pour contempler l’Amour suprême, le regard tourné vers le ciel, se sentant attiré dans le monde de Dieu. Il y a donc trois positions : debout, à genoux, étendu par terre ; mais toujours avec le regard tourné vers le Seigneur crucifié. Les deux dernières manières, en revanche, sur lesquelles je voudrais m’arrêter brièvement, correspondent à deux pratiques de piété habituellement vécues par le saint. Tout d’abord la méditation personnelle, dans laquelle la prière acquiert une dimension encore plus intime, fervente et rassérénante. Au terme de la récitation de la liturgie des heures, et après la célébration de la Messe, saint Dominique prolongeait son colloque avec Dieu, sans se donner de limite de temps. Tranquillement assis, il se recueillait en lui-même, dans une attitude d’écoute, en lisant un livre ou en fixant le Crucifix. Il vivait si intensément ces moments de relation avec Dieu, que même extérieurement on pouvait percevoir ses réactions de joie ou de tristesse. Il a donc assimilé en lui, en méditant, les réalités de la foi. Les témoins racontent que, parfois, il entrait dans une sorte d’extase en ayant le visage transfiguré, mais immédiatement après, il reprenait humblement ses activités quotidiennes rechargé par la force qui vient d’En-haut. Il y avait ensuite la prière au cours de ses voyages entre un couvent et l’autre ; il récitait les laudes, l’heure du milieu du jour, les vêpres avec ses compagnons et, traversant les vallées ou les collines, il contemplait la beauté de la création. De son cœur jaillissait alors un chant de louange et d’action de grâces à Dieu pour ses nombreux dons, en particulier pour la plus grande merveille : la rédemption opérée par le Christ.

Chers amis, saint Dominique nous rappelle qu’à l’origine du témoignage de la foi, que chaque chrétien doit apporter en famille, au travail, dans son engagement social, et également dans les moments de détente, se trouve la prière, le contact personnel avec Dieu ; ce n’est que ce rapport réel avec Dieu qui nous donne la force pour vivre intensément chaque événement, en particulier les moments les plus difficiles. Ce saint nous rappelle également l’importance des attitudes extérieures pendant notre prière. S’agenouiller, être debout devant le Seigneur, fixer le regard sur le Crucifié, s’arrêter et se recueillir en silence, ne sont pas des choses secondaires, mais nous aident à nous placer intérieurement, avec toute notre personne, en relation avec Dieu. Je voudrais rappeler encore une fois la nécessité pour notre vie spirituelle de trouver quotidiennement des moments pour prier avec tranquillité; nous devons prendre ce temps, en particulier pendant les vacances, avoir un peu de temps pour parler avec Dieu. Cela sera également une manière d’aider ceux qui sont proches de nous à entrer dans le rayon lumineux de la présence de Dieu, qui apporte la paix et l’amour dont nous avons tous besoin. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana – 2012


La voix du cardinal Mario Martini s’est éteinte

 

L’étude de la Parole de Dieu et l’impératif de l’écoute l’ont toujours guidé

Le cardinal Carlo Maria Martini est mort vendredi 31 août à l’âge de 85 ans L’archevêque émérite de Milan, exégète de réputation mondiale, n’aura cessé de faire résonner une voix singulière dans l’Église.

« Le moment est venu pour moi de me retirer des choses terrestres et de me préparer à l’avènement du Royaume ». C’est en ces termes que, le 16 juillet dernier, le cardinal jésuite Carlo Maria Martini a pris congé, à 85 ans, de ses lecteurs du grand quotidien turinois, le « Corriere della Sera », auxquels il s’adressait encore toutes les semaines depuis trois ans.

En dépit de la maladie de Parkinson, dont il était atteint depuis de longues années, devenu ces derniers mois quasiment aphone, l’ancien archevêque de Milan (de 1979 à 2002) avait tenu à conserver ce lieu de parole, mais surtout d’écoute.

UNE PASSION POUR LA PAROLE

La Parole et l’écoute : toute la vie spirituelle de celui dont on dit que, n’était la maladie, il aurait pu devenir pape en avril 2005, s’est alimenté grâce à la tension qu’il a toujours créée et entretenue entre ces deux pôles.

Avant tout bibliste et exégète de renommée internationale, ancien recteur de l’Institut Biblique, puis de l’Université pontificale Grégorienne à Rome, Carlo Maria Martini a publié plusieurs dizaines de livres, diffusés à plus d’un million d’exemplaires en Italie, consacrés à l’unique question qui l’animait : « Es-tu disposé à donner foi à mes paroles comme paroles provenant de Dieu ? », faisait-il dire à Jésus dans un entretien à La Croix en 1997.

De cette passion pour la Parole et son étude est née également une passion pour la Terre Sainte, et plus particulièrement pour Jérusalem, où il a vécu ses presque dernières années, avant de rentrer se faire soigner, en 2008, près de Milan. C’est face à la vallée de Josaphat que l’attend aujourd’hui sa dernière demeure, la tombe qu’il s’est choisie, en terre biblique.

« TROUBLER LA FAUSSE PAIX

DES CONSCIENCES »

Et puis l’écoute. Lorsque Jean-Paul II l’a nommé, le 29 décembre 1979, à la tête du plus grand diocèse d’Italie, à Milan, qui avait déjà donné deux papes à l’Église (Pie XI et Paul VI), beaucoup se sont interrogés : comment, alors même que ce jésuite n’a aucune expérience pastorale, allait-il animer ce diocèse, forteresse du mouvement « Communion et Libération », dans une Lombardie marquée par une sécularisation galopante, une corruption et une violence politique alors courante en Italie ?

C’est dans la Parole, plus précisément la prière de saint Ambroise, fondateur du diocèse, que Mgr Martini, puisa son élan pastoral : « Seigneur, donne toujours à ton peuple des pasteurs qui troublent la fausse paix des consciences ».

UNE « ÉTHIQUE DE L’HUMILITÉ »

Lors du synode romain sur la Parole, en octobre 1999, il en tira les conséquences et appela à « répéter une expérience de rencontre universelle entre les évêques qui permette de défaire certains nœuds disciplinaires et doctrinaux ». Plus d’un y virent un appel à réunir un nouveau concile, ce dont le cardinal jésuite se défendit toujours.

À Milan, il multiplia les initiatives : « Écoles de la Parole », séminaires pour les non-croyants, « Lettre aux jeunes que je ne rencontre pas », synode diocésain, etc. Lors de l’un de ses discours annuels « à la Cité », toujours très attendus, il appela, en 1998, l’Église à vivre selon « une éthique de l’humilité, de la modestie, de la miséricorde, du pardon ».

À son départ, le 11 juillet 2002, il répéta : « Toute époque est un moment de grâce. L’Église doit créer des espaces nouveaux, dans le respect réciproque, entre le frère, le citoyen et l’étranger.  »

UNE EGLISE QUI « DONNE DU COURAGE »

Créé cardinal par Jean-Paul II le 2 février 1983, à seulement 56 ans, sa parole a très largement débordé les limites de son diocèse.nPrésident du Conseil des Conférences épiscopales européennes de 1987 à 1993, à l’aise dans une dizaine de langues, il n’a cessé, jusqu’à ses derniers écrits, de jouer la « statue du Commandeur », faisant entendre sa différence, allant jusqu’à paraître, aux yeux de beaucoup, en opposant loyal à Benoît XVI.

Sur les questions éthiques (préservatif, homosexualité, recherche sur les embryons, fécondation in vitro), disciplinaires (accueil des divorcés remariés, ordination d’hommes mariés, célibat sacerdotal) ou liturgiques (libéralisation de la messe de saint Pie V), il eut toujours le souci de faire circuler un courant d’air, de ne rien figer, pour que « l’Église puisse donner du courage à ceux qui se sentent petits et pécheurs ».

« PERSÉVÉRANT »

À l’heure de ses obsèques, c’est évidemment vers Benoît XVI, son contemporain à quelques mois près, que se tourneront les regards. Nés la même année, le théologien allemand et le bibliste italien ont été nommés presque au même moment par Jean-Paul II à de hautes responsabilités, le premier en gardien de la doctrine, le second à la tête du diocèse ambrosien.

Lors du conclave d’avril 2005, le cardinal milanais, depuis longtemps « papabile » en raison notamment de ses nombreuses responsabilités au sein de la Curie romaine, mais déjà miné par la maladie, resta en retrait. Il ne serait donc pas le premier pape jésuite de l’histoire de l’Église.

Sans nier leurs divergences, Benoît XVI lui conserva son estime et son amitié. Il en témoigna à plusieurs reprises, louant devant les séminaristes romains, le 18 février 2007, sa « persévérance ». 

« DISTINGUER LA PAROLE CHRÉTIENNE »

En 1995, lors du 15e anniversaire de l’installation du bibliste jésuite à Milan, celui qui n’était alors « que » préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi s’était amusé : « Personne ne s’étonnera si je dis que nous n’avons pas toujours été du même avis. Par tempérament et par formation, nous sommes sans aucun doute très différents l’un de l’autre ».

Pourtant, reconnaissant en Mgr Martini un maître de l’approche croyante de la Parole de Dieu, le cardinal Ratzinger conclut : « Nous sommes devenus très conscients du fait que nous voulons la même chose, même si nos points de vue sont différents ». Leur dernière rencontre, émouvante et silencieuse, eut lieu à l’archevêché de Milan, le 2 juin dernier. Benoît XVI venait de rassembler plus d’un million de personnes pour l’Assemblée mondiale des familles.

À sa façon, le pape, devant eux, avait tenté de répondre à l’appel lancé par le cardinal Martini, le 6 décembre 1995, lors de la fête de saint Ambroise : « Que la parole chrétienne se distingue de tant de paroles courantes, car nous savons qu’alors elle peut être efficace pour la sauvegarde et le renforcement de l’éthos public lui-même ».

FRÉDÉRIC MOUNIER à Rome

© La Croix – 2012

Porta Fidei – La porte de la Foi (II)

 

Lettre Apostolique sous forme de Motu proprio par laquelle est promulguée l’Année de la Foi

Le 11 octobre 2011 le pape Benoît XVI annonçait la tenue d’une « Année de la Foi » qui débutera le 11 octobre 2012 – 50e anniversaire de l’ouverture du Concile œcuménique Vatican II – et qui se conclura le 24 novembre 2013, solennité du Christ Roi de l’Univers. Pour nous préparer à entrer dans cette « Année de la Foi » nous vous proposons de lire le « Motu proprio » par lequel il a promulgué cette année de la Foi.

9. Nous désirons que cette Année suscite en chaque croyant l’aspiration à confesser la foi en plénitude et avec une conviction renouvelée, avec confiance et espérance. Ce sera aussi une occasion propice pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans l’Eucharistie, qui est « le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa force »[1]. En même temps, nous souhaitons que le témoignage de vie des croyants grandisse en crédibilité. Redécouvrir les contenus de la foi professée, célébrée, vécue et priée[2], et réfléchir sur l’acte lui-même par lequel on croit, est un engagement que chaque croyant doit faire sien, surtout en cette Année.

Ce n’est pas par hasard que dans les premiers siècles les chrétiens étaient tenus d’apprendre de mémoire le Credo. Ceci leur servait de prière quotidienne pour ne pas oublier l’engagement pris par le baptême. Avec des paroles denses de signification, saint Augustin le rappelle quand dans une Homélie sur la redditio symboli, la remise du Credo, il dit : « Le symbole du saint témoignage qui vous a été donné à tous ensemble et que vous avez récité aujourd’hui chacun en particulier, est l’expression de la foi de l’Église notre mère, foi établie solidement sur le fondement inébranlable, sur Jésus-Christ Notre Seigneur… On vous a donc donné à apprendre et vous avez récité ce que vous devez avoir toujours dans l’âme et dans le cœur, répéter sur votre couche, méditer sur les places publiques, ne pas oublier en prenant votre nourriture, murmurer même intérieurement durant votre sommeil »[3].

10. Je voudrais, à ce point, esquisser un parcours qui aide à comprendre de façon plus profonde non seulement les contenus de la foi, mais avec ceux-ci aussi l’acte par lequel nous décidons de nous en remettre totalement à Dieu, en pleine liberté. En effet, il existe une unité profonde entre l’acte par lequel on croit et les contenus auxquels nous donnons notre assentiment. L’Apôtre Paul permet d’entrer à l’intérieur de cette réalité quand il écrit : « La foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres le salut » (Rm 10, 10). Le cœur indique que le premier acte par lequel on vient à la foi est don de Dieu et action de la grâce qui agit et transforme la personne jusqu’au plus profond d’elle-même.

L’exemple de Lydie est tout à fait éloquent à ce sujet. Saint Luc raconte que Paul, alors qu’il se trouvait à Philippes, alla un samedi annoncer l’Évangile à quelques femmes ; parmi elles se trouvait Lydie et « le Seigneur lui ouvrit le cœur, de sorte qu’elle s’attacha aux paroles de Paul » (Ac 16, 14). Le sens renfermé dans l’expression est important. Saint Luc enseigne que la connaissance des contenus à croire n’est pas suffisante si ensuite le cœur, authentique sanctuaire de la personne, n’est pas ouvert par la grâce qui permet d’avoir des yeux pour regarder en profondeur et comprendre que ce qui a été annoncé est la Parole de Dieu.

Professer par la bouche, à son tour, indique que la foi implique un témoignage et un engagement publics. Le chrétien ne peut jamais penser que croire est un fait privé. La foi, c’est décider d’être avec le Seigneur pour vivre avec lui. Et ce « être avec lui » introduit à la compréhension des raisons pour lesquelles on croit. La foi, parce qu’elle est vraiment un acte de la liberté, exige aussi la responsabilité sociale de ce qui est cru. L’Église au jour de la Pentecôte montre avec toute évidence cette dimension publique du croire et du fait d’annoncer sans crainte sa propre foi à toute personne. C’est le don de l’Esprit Saint qui habilite à la mission et fortifie notre témoignage, le rendant franc et courageux.

La profession de la foi elle-même est un acte personnel et en même temps communautaire. En effet, l’Église est le premier sujet de la foi. Dans la foi de la communauté chrétienne chacun reçoit le baptême, signe efficace de l’entrée dans le peuple des croyants pour obtenir le salut. Comme atteste le Catéchisme de l’Église catholique : « “Je crois” ; c’est la foi de l’Église professée personnellement par chaque croyant, principalement lors du Baptême. “Nous croyons” : c’est la foi de l’Église confessée par les Évêques assemblés en Concile ou, plus généralement, par l’assemblée liturgique des croyants. “Je crois” : c’est aussi l’Église, notre Mère, qui répond à Dieu par sa foi et qui nous apprend à dire : “Je crois”, “Nous croyons” »[4].

Comme on peut l’observer, la connaissance des contenus de foi est essentielle pour donner son propre assentiment, c'est-à-dire pour adhérer pleinement avec l’intelligence et la volonté à tout ce qui est proposé par l’Église. La connaissance de la foi introduit à la totalité du mystère salvifique révélé par Dieu. L’assentiment qui est prêté implique donc que, quand on croit, on accepte librement tout le mystère de la foi, parce que Dieu lui-même qui se révèle et permet de connaître son mystère d’amour, est garant de sa vérité[5].

D’autre part, nous ne pouvons pas oublier que, dans notre contexte culturel, de nombreuses personnes, bien que ne reconnaissant pas en soi le don de la foi, sont quand même dans une recherche sincère du sens ultime et de la vérité définitive sur leur existence et sur le monde. Cette recherche est un authentique « préambule » à la foi, parce qu’elle met en mouvement les personnes sur le chemin qui conduit au mystère de Dieu. La raison de l’homme elle-même, en effet, porte innée l’exigence de « ce qui a de la valeur et demeure toujours »[6]. Cette exigence constitue une invitation permanente, inscrite de façon indélébile dans le cœur humain, à se mettre en chemin pour trouver Celui que nous ne chercherions pas s’il n’était pas déjà venu à notre rencontre[7]. La foi nous invite justement à cette rencontre et nous y ouvre pleinement.

11. Pour accéder à une connaissance systématique des contenus de la foi, tous peuvent trouver dans le Catéchisme de l’Église catholique une aide précieuse et indispensable. Il constitue un des fruits les plus importants du Concile Vatican II. Dans la Constitution apostolique Fidei depositum signée, et ce n’est pas par hasard, à l’occasion du trentième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, le Bienheureux Jean-Paul II écrivait : « Ce Catéchisme apportera une contribution très importante à l’œuvre de renouveau de toute la vie ecclésiale… Je le reconnais comme un instrument valable et autorisé au service de la communion ecclésiale et comme une norme sûre pour l’enseignement de la foi »[8].

C’est justement sur cet horizon que l’Année de la foi devra exprimer un engagement général pour la redécouverte et l’étude des contenus fondamentaux de la foi qui trouvent dans le Catéchisme de l’Église catholique leur synthèse systématique et organique. Ici, en effet, émerge la richesse d’enseignement que l’Église a accueilli, gardé et offert au cours de ses deux mille ans d’histoire. De la sainte Écriture aux Pères de l’Église, des Maîtres de théologie aux Saints qui ont traversé les siècles, le Catéchisme offre une mémoire permanente des nombreuses façons dans lesquelles l’Église a médité sur la foi et produit un progrès dans la doctrine pour donner certitude aux croyants dans leur vie de foi.

Dans sa structure elle-même, le Catéchisme de l’Église catholique présente le développement de la foi jusqu’à toucher les grands thèmes de la vie quotidienne. Page après page, on découvre que tout ce qui est présenté n’est pas une théorie, mais la rencontre avec une Personne qui vit dans l’Église. À la profession de foi, en effet, succède l’explication de la vie sacramentelle, dans laquelle le Christ est présent, agissant et continue à construire son Église. Sans la liturgie et les sacrements, la profession de foi n’aurait pas d’efficacité, parce qu’elle manquerait de la grâce qui soutient le témoignage des chrétiens. De la même manière, l’enseignement du Catéchisme sur la vie morale acquiert toute sa signification s’il est mis en relation avec la foi, la liturgie et la prière.

12. En cette Année, par conséquent, le Catéchisme de l’Église catholique, pourra être un véritable instrument pour soutenir la foi, surtout pour tous ceux qui ont à cœur la formation des chrétiens, si déterminante dans notre contexte culturel. Dans ce but, j’ai invité la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, en accord avec les Dicastères compétents du Saint-Siège, à rédiger une Note, par laquelle offrir à l’Église et aux croyants quelques indications pour vivre cette Année de la foi de manière plus efficace et appropriée, au service du croire et de l’évangélisation.

En effet, la foi, se trouve être soumise plus que dans le passé à une série d’interrogations qui proviennent d’une mentalité changée qui, particulièrement aujourd’hui, réduit le domaine des certitudes rationnelles à celui des conquêtes scientifiques et technologiques. Toutefois, l’Église n’a jamais eu peur de montrer comment entre foi et science authentique il ne peut y avoir aucun conflit parce que les deux, même si c’est par des chemins différents, tendent à la vérité[9].

13. Il sera décisif au cours de cette Année de parcourir de nouveau l’histoire de notre foi, laquelle voit le mystère insondable de l’entrelacement entre sainteté et péché. Alors que la première met en évidence le grand apport que les hommes et les femmes ont offert à la croissance et au développement de la communauté par le témoignage de leur vie, le second doit provoquer en chacun une sincère et permanente œuvre de conversion pour faire l’expérience de la miséricorde du Père qui va à la rencontre de tous.

En ce temps, nous tiendrons le regard fixé sur Jésus Christ « à l’origine et au terme de la foi » (He 12, 2) : en lui trouve son achèvement tout tourment et toute aspiration du cœur humain. La joie de l’amour, la réponse au drame de la souffrance et de la douleur, la force du pardon devant l’offense reçue et la victoire de la vie face au vide de la mort, tout trouve son achèvement dans le mystère de son Incarnation, du fait qu’il s’est fait homme, qu’il a partagé avec nous la faiblesse humaine pour la transformer par la puissance de sa résurrection. En lui, mort et ressuscité pour notre salut, trouvent pleine lumière les exemples de foi qui ont marqué ces deux mille ans de notre histoire de salut.

Par la foi, Marie a accueilli la parole de l’Ange et elle a cru à l’annonce qu’elle deviendrait Mère de Dieu dans l’obéissance de son dévouement (cf. Lc 1, 38). Visitant Elisabeth, elle éleva son cantique de louange vers le Très-Haut pour les merveilles qu’il accomplissait en tous ceux qui s’en remettent à lui (cf. Lc 1, 46-55). Avec joie et anxiété elle met au jour son fils unique, maintenant intacte sa virginité (cf. Lc 2, 6-7). Comptant sur Joseph son époux, elle porta Jésus en Égypte pour le sauver de la persécution d’Hérode (cf. Mt 2, 13-15). Avec la même foi, elle suivit le Seigneur dans sa prédication et demeura avec lui jusque sur le Golgotha (cf. Jn 19, 25-27). Avec foi Marie goûta les fruits de la résurrection de Jésus et, conservant chaque souvenir dans son cœur (cf. Lc 2, 19.51), elle les transmit aux Douze réunis avec elle au Cénacle pour recevoir l’Esprit Saint (cf. Ac 1, 14 ; 2, 1-4).

Par la foi, les Apôtres laissèrent tout pour suivre le Maître (cf. Mc 10, 28). Ils crurent aux paroles par lesquelles il annonçait le Royaume de Dieu présent et réalisé dans sa personne (cf. Lc 11, 20). Ils vécurent en communion de vie avec Jésus qui les instruisait par son enseignement, leur laissant une nouvelle règle de vie par laquelle ils seraient reconnus comme ses disciples après sa mort (cf. Jn 13, 34-35). Par la foi, ils allèrent dans le monde entier, suivant le mandat de porter l’Évangile à toute créature (cf. Mc 16, 15) et, sans aucune crainte, ils annoncèrent à tous la joie de la résurrection dont ils furent de fidèles témoins.

Par la foi, les disciples formèrent la première communauté regroupée autour de l’enseignement des Apôtres, dans la prière, dans la célébration de l’Eucharistie, mettant en commun tout ce qu’ils possédaient pour subvenir aux besoins des frères (cf. Ac 2, 42-47).

Par la foi, les martyrs donnèrent leur vie, pour témoigner de la vérité de l’Évangile qui les avait transformés et rendus capables de parvenir au don le plus grand de l’amour avec le pardon de leurs propres persécuteurs.

Par la foi, des hommes et des femmes ont consacré leur vie au Christ, laissant tout pour vivre dans la simplicité évangélique l’obéissance, la pauvreté et la chasteté, signes concrets de l’attente du Seigneur qui ne tarde pas à venir. Par la foi, de nombreux chrétiens ont promu une action en faveur de la justice pour rendre concrète la parole du Seigneur venu annoncer la libération de l’oppression et une année de grâce pour tous (cf. Lc 4, 18-19).

Par la foi, au cours des siècles, des hommes et des femmes de tous les âges, dont le nom est inscrit au Livre de vie (cf. Ap 7, 9; 13, 8), ont confessé la beauté de suivre le Seigneur Jésus là où ils étaient appelés à donner le témoignage de leur être chrétiens: dans la famille, dans la profession, dans la vie publique, dans l’exercice des charismes et des ministères auxquels ils furent appelés.

Par la foi, nous vivons nous aussi : par la reconnaissance vivante du Seigneur Jésus, présent dans notre existence et dans l’histoire.

14. L’Année de la foi sera aussi une occasion propice pour intensifier le témoignage de la charité. Saint Paul rappelle : « Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité » (1 Co 13, 13). Avec des paroles encore plus fortes – qui depuis toujours engagent les chrétiens – l’Apôtre Jacques affirmait : « À quoi sert-il, mes frères, que quelqu’un dise : “J’ai la foi”, s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? Si un frère ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise : “Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous”, sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? Ainsi en est-il de la foi : si elle n’a pas les œuvres, elle est tout à fait morte. Au contraire, on dira : “Toi, tu as la foi, et moi, j’ai les œuvres ? Montre-moi ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par les œuvres que je te montrerai ma foi” » (Jc 2, 14-18).

La foi sans la charité ne porte pas de fruit et la charité sans la foi serait un sentiment à la merci constante du doute. Foi et charité se réclament réciproquement, si bien que l’une permet à l’autre de réaliser son chemin. En effet de nombreux chrétiens consacrent leur vie avec amour à celui qui est seul, marginal ou exclus comme à celui qui est le premier vers qui aller et le plus important à soutenir, parce que justement en lui se reflète le visage même du Christ. Grâce à la foi nous pouvons reconnaître en tous ceux qui demandent notre amour, le visage du Seigneur ressuscité. « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40) : ces paroles du Seigneur sont un avertissement à ne pas oublier et une invitation permanente à redonner cet amour par lequel il prend soin de nous. C’est la foi qui permet de reconnaître le Christ et c’est son amour lui-même qui pousse à le secourir chaque fois qu’il se fait notre prochain sur le chemin de la vie. Soutenus par la foi, regardons avec espérance notre engagement dans le monde, en attente « d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle où résidera la justice » (2 Pi 3, 13 ; cf. Ap 21, 1).

15. Parvenu désormais au terme de sa vie, l’Apôtre Paul demande à son disciple Timothée de « rechercher la foi » (2 Tm 2, 22) avec la même constance que lorsqu’il était jeune (cf. 2 Tm 3, 15). Entendons cette invitation adressée à chacun de nous, pour que personne ne devienne paresseux dans la foi. Elle est une compagne de vie qui permet de percevoir avec un regard toujours nouveau les merveilles que Dieu réalise pour nous. Engagée à saisir les signes des temps dans l’aujourd’hui de l’histoire, la foi incite chacun de nous à devenir signe vivant de la présence du Ressuscité dans le monde. Ce dont le monde aujourd’hui a particulièrement besoin, c’est du témoignage crédible de tous ceux qui, éclairés dans l’esprit et dans le cœur par la Parole du Seigneur, sont capables d’ouvrir le cœur et l’esprit de beaucoup au désir de Dieu et de la vraie vie, celle qui n’a pas de fin.

« Que la Parole du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée » (2 Th 3, 1) : puisse cette Année de la foi rendre toujours plus solide la relation avec le Christ Seigneur, puisque seulement en lui se trouve la certitude pour regarder vers l’avenir et la garantie d’un amour authentique et durable. Les paroles de l’Apôtre Pierre jettent un dernier rayon de lumière sur la foi : « Vous en tressaillez de joie, bien qu’il vous faille encore quelque temps être affligés par diverses épreuves, afin que, bien éprouvée, votre foi, plus précieuse que l’or périssable que l’on vérifie par le feu, devienne un sujet de louange, de gloire et d’honneur, lors de la Révélation de Jésus Christ. Sans l’avoir vu, vous l’aimez ; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire, sûrs d’obtenir l’objet de votre foi : le salut des âmes » (1 Pi 1, 6-9). La vie des chrétiens connaît l’expérience de la joie et celle de la souffrance. Combien de saints ont vécu la solitude ! Combien de croyants, même de nos jours, sont éprouvés par le silence de Dieu alors qu’ils voudraient écouter sa voix consolante ! Les épreuves de la vie, alors qu’elles permettent de comprendre le mystère de la croix et de participer aux souffrances du Christ (cf. Col 1, 24), sont un prélude à la joie et à l’espérance où conduit la foi : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 10). Nous croyons avec une ferme certitude que le Seigneur Jésus a vaincu le mal et la mort. Avec cette confiance assurée nous nous en remettons à lui : présent au milieu de nous, il vainc le pouvoir du malin (cf. Lc 11, 20) et l’Église, communauté visible de sa miséricorde, subsiste en lui comme signe de la réconciliation définitive avec le Père.

Confions à la Mère de Dieu, proclamée « bienheureuse parce qu’elle a cru » (Lc 1, 45), ce temps de grâce.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 11 octobre 2011,

en la septième année de mon Pontificat.

© Libreria Editrice Vaticana - 2011



[1]  Conc. œcum. Vat. II, Const. sur la liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 10.

[2]  Cf. Jean-Paul II, Const. apost. Fidei depositum (11 octobre 1992) ;

[3]  Augustin d’Hippone, Sermon 215, 1.

[5]  Cf. Conc. œcum. Vat. I, Const. dogm. sur la foi catholique Dei Filius, chap. III : DS 3008-3009 ; Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 5.

[7]  Cf. Augustin d’Hippone, Confessions, XIII, 1.

[8]  Jean-Paul II, Const. apost. Fidei depositum (11 octobre 1992) ;

[9]  Cf. ID., Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), nn. 34 et 106 ;

 

Epphata – Ouvre-toi

 

Commentaire de l’évangile du XXIIIème Dimanche du Temps ordinaire –Année B

Marc nous présente souvent Jésus en train de guérir. Le risque de ces récits serait que nous n’y voyons que l’extraordinaire. Jésus pourtant a pris bien soin de recommander « de n’en rien dire à personne ». Comme s’il nous disait : « N’en restez pas à la superficialité... », à cette curiosité malsaine des journaux à sensation. C’est chacun de nous, aujourd’hui, par la grâce de son baptême, que le Seigneur veut guérir de sa surdité et de son mutisme spirituels. Ce jour là, Jésus a fait un signe visible et palpable : « Les oreilles s’ouvrirent, et sa langue se délia et il parlait correctement... » Tous peuvent voir s’accomplir les promesses du prophète Isaïe : « Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie ».

Il y a en nous un sourd muet, fermé à ses frères et imperméable à la grâce, incapable de parler à Dieu et de communiquer avec les autres. Écouter, parler... cela semble naturel ! Et pourtant que d’êtres parfois tout proches de nous que nous n’entendons plus, à qui nous ne parlons plus. Par lui-même, l’homme est enfermé dans son égoïsme, incapable d’une vraie écoute.

Ce qui est vrai, déjà, de nos relations humaines, est multiplié à l’infini dans nos relations avec Dieu. Pour écouter Dieu, nous sommes terriblement sourds. Pour  proclamer la Parole de Dieu, nous restons souvent muets...

Jésus, lui, est l’homme ouvert aux autres. Alors que scribes, pharisiens, esséniens et sadducéens élèvent des barrières pour s’isoler des pécheurs et des publicains, des païens et des Samaritains, Jésus, lui, recherche le contact avec tous. L’évangile d’aujourd’hui nous le montre en Phénicie et en Décapole, à l’aise partout, et mettant tout le monde à l’aise. Il est le Maître qui sait écouter. Il est l’Ami qui sait parler. Alors que Satan est fermé à tout et ferme l’homme en lui-même, Jésus brise ce monde clos d’un mot : « Effata, Ouvre-toi ! » Il nous ouvre à Dieu et aux autres.

Au temps de saint Marc, à Rome, on touchait les oreilles et les lèvres du baptisé en disant « Effata ». Ce rite est toujours employé. Nous naissons dans un monde clos. La foi, don du Christ à notre baptême, nous ouvre. Le prêtre dit, au baptême : « Le Seigneur Jésus a fait entendre les sourds et parler les muets : qu’il te donne, d’écouter sa Parole, et de proclamer la foi pour la louange et la gloire de Dieu le Père ». Et remarquons comment c’est par son corps que Jésus nous guérit et nous libère. « Il lui mit les doigts dans les oreilles, et lui toucha la langue avec sa salive, puis, levant les yeux au ciel, il soupira... » Jésus nous sauve par des gestes parlants : le repas de la Cène, le sang versé de la croix, la pierre roulée du tombeau vide. Les sacrements sont dans ce droit fil : rencontrer Dieu réellement passe par les oreilles, et par la langue et par les yeux et par les signes sacramentels. Nous approchons-nous de Jésus pour qu’il fasse de nous un être neuf, guéri de sa surdité et de son mutisme ? Laissons Jésus nous déployer !

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