EGLISE ET BIENS TERRESTRES

Mgr CottanceauRécemment, l’actualité locale braquait ses projecteurs sur le CAMICA, ce Conseil d’Administration représentant l’Eglise Catholique auprès des pouvoirs publics dans les actes de la vie civile et gérant les biens dont elle dispose. C’est l’occasion de rappeler ici quelques convictions pouvant éclairer la façon dont l’Eglise Catholique est appelée à vivre sa relation aux biens économiques. Cet éclairage nous sera donné par des extraits du texte du Concile Vatican II intitulé « L’Eglise dans le monde de ce temps – Gaudium et Spes ».

            Le premier extrait nous rappelle qu’il ne saurait y avoir de vie avec Dieu sans implication dans la réalité terrestre et sans une pratique concrète de l’amour du prochain, comme le rappelle le Christ en Mt 25 : « J’avais faim et vous ne m’avez pas donné à manger… Dans la mesure où vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus, vous ne l’avez pas fait ! » Cet appel du Christ s’adresse aux membres de l’Eglise. Et le texte conciliaire de préciser : « Ils se trompent, ceux qui croient pouvoir se livrer entièrement à des activités terrestres en agissant comme si elles étaient tout à fait étrangères à leur vie religieuse – celle-ci se limitant alors pour eux à l’exercice du culte et à quelques obligations morales déterminées. Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien est à compter parmi les plus graves erreurs de notre temps. » (N°43, §1)

            Pour pouvoir mener à bien cette mission de solidarité avec les plus démunis, l’Eglise depuis son origine tient à cœur de mettre en place les services et institutions au service de la charité. Cela commence avec le service des veuves à Jérusalem, comme le rapporte le livre des Actes des Apôtres au chapitre 6. Le texte conciliaire nous dit : « La mission propre que le Christ a confiée à son Eglise n’est ni d’ordre politique, ni d’ordre économique ou social : le but qu’il lui a assigné est d’ordre religieux. Mais précisément, de cette mission religieuse découlent une fonction, des lumières et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la communauté des Hommes selon la loi divine. De même, lorsqu’il le faut, et compte tenu des circonstances de temps et de lieu, l’Eglise peut elle-même, et elle le doit, susciter des œuvres destinées au service de tous, notamment des indigents, comme les œuvres charitables… Cette énergie que l’Eglise est capable d’insuffler à la société moderne se trouve dans cette foi et dans cette charité effectivement vécue et ne s’appuie pas sur une souveraineté extérieure. » (N°42 §2).

            De plus, au-delà des œuvres de charité, l’Eglise dans sa façon d’envisager son rapport aux biens de la terre, est appelée aujourd’hui plus que jamais à redire cette conviction de foi affirmée dans le texte conciliaire au N°69, §1 : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité. Quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens ». Le Pape François dans son encyclique « Laudato Si » au n° 93 ne dit pas autre chose : « Aujourd’hui, croyants et non croyants, nous sommes d’accord sur le fait que la terre est essentiellement un héritage commun dont les fruits doivent bénéficier à tous. Pour les croyants, cela devient une question de fidélité au Créateur, puisque Dieu a créé le monde pour tous ». C’est donc bien l’intérêt de tous qui doit prédominer sur les intérêts particuliers !

Pour conclure, que notre Eglise diocésaine accueille cette invitation que nous adressent les Pères du Concile : « De nos jours, l’Eglise n’ignore pas quelle distance sépare le message qu’elle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Evangile est confié. Quel que soit le jugement de l’Histoire sur ces défaillances, nous devons en être conscients et les combattre avec vigueur afin qu’elles ne nuisent pas à la diffusion de l’Evangile… Guidée par l’Esprit Saint, l’Eglise notre Mère, ne cesse « d’exhorter ses fils à se purifier et à se renouveler, pour que le signe du Christ brille avec plus d’éclat sur le visage de l’Eglise ». (« Gaudium et Spes » n°43 §6) 

            † Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU